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Quel problèème pose l'illusion, que ne poserait ni l'erreur, ni le préjugé ?

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Par   •  2 Octobre 2017  •  Dissertation  •  9 160 Mots (37 Pages)  •  696 Vues

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Introduction.

Il faut distinguer préjugé, erreur, illusion. L’illusion apparaît comme un concept distinct caractérisé par une certaine modalité du ‘faux’. Quel ‘problème’ pose l’illusion, que ne poserait ni l’erreur ni le préjugé ?

(Au sens cartésien du terme, on entend par préjugé ce à quoi nous avons cru pendant notre enfance, ce que bien souvent, par manque de jugement, nous croyons toujours, de manière ‘inertielle’, et qui dicte notre conduite habituelle.)

L’erreur, comme le préjugé, peuvent être dissipés : le jugement dissipe le préjugé et la ‘reconnaissance’ de l’erreur permet de la corriger, de la rectifier. L’illusion, par contre, persiste lorsque nous savons qu’elle est une illusion : nous n’y adhérons pas simplement de manière ‘habituelle’ (comme le préjugé changé en habitude) puisqu’elle perdure lorsque le vrai est connu. Ainsi, je vois, et continue de voir le Soleil comme un disque de petites dimensions, même lorsque je sais qu’il n’a pas réellement cette taille. L’illusion perdure lorsque le ‘vrai’ est connue. L’illusion n’est donc pas dissipée par la ‘révélation du vrai’ : elle est le ‘fonds’ qui résiste à toute connaissance vraie, à toute vérité, à toute ‘dissolution’.

Par illusion, cependant, on entend généralement, en premier lieu, l’illusion des sens. L’exemple typique en est le fait de voir une rame plongée dans l’eau ‘comme si’ elle était brisée. En ce cas, il n’y a d’illusion que si je juge que la rame plongée dans l’eau est réellement brisée. L’illusion est donc indissociable de l’erreur.

Mais il faut être attentif au fait que percevoir une rame plongée dans l’eau ‘comme si elle était brisée’ n’est pas, en tant que tel, une illusion des sens : les lois de l’optique expliquent que cela doit être. Il n’y a d’illusion que vis-à-vis d’une certaine ‘science’ (ici, l’optique) qui permet de dégager des lois (de réfraction des rayons lumineux, etc). Comment caractériser l’illusion, en ce cas ? L’illusion permet une ‘science du faux’ qui donne une connaissance du ''vrai'' ; c'est une modalité du ‘faux’ qui permet de faire une science du ‘vrai’. Elle se distingue néanmoins toujours de l’erreur, puisque l’erreur ne résiste pas à sa ‘dissolution’, tandis que l’illusion y ‘résiste’. Elle semble s’ancrer non dans la considération du vrai et du faux comme tels,, mais dans celle du sensible en tant que sensible, qui ne peut pas être ‘autre’ qu’il n’est, ni ‘corrigé.

De ce point de vue, il est intéressant de comparer la conception spinozienne et la conception épicurienne du vrai et du faux. Chez Épicure, le faux ne résiste pas à la vérité mais il n’y a pas de ‘science’ possible de la volonté. La science ‘annule’ le faux, mais la volonté n’est pas objet de science.

Chez Spinoza, c'est le contraire : le faux résiste à la vérité, la vérité n’annule donc pas les croyances lorsqu’on la révèle, mais il est possible d’établir une ‘science’ des volontés, more geometrico. Cela est caractéristique de la modernité. Pour Spinoza et les modernes, l’action sur la croyance fausse perd sa puissance ‘dissolvante’ : le savoir gagne en clarté, mais la puissance ‘éducative’ du savoir diminue. Aussi la ‘raison des modernes’ est elle contrainte de ruser : il faut transformer les croyances de manière indirecte, les manipuler sans pouvoir agir directement ‘sur’ elles. La raison n’exerce son action qu’indirectement, à distance. Ce n’est pas en ‘disant la vérité’ que l’on résout le problème de ‘l’économie des volontés’.

Ainsi, pour les Grecs, et encore chez Épicure, la science « abolit » le faux. Chez Spinoza et les modernes, elle ne le fait pas, mais il y a une science des ‘volontés fausses’. Paradigmatique d’une telle conception moderne des « illusions indépassables » de la conscience est la conception kantienne de l’illusion transcendantale. Il s’agit en réalité d’un conflit de la raison avec elle-même. La raison, et elle seule, produit des illusions ; elle est chez Kant une puissance d’engendrement d’illusions – la seule puissance d’engendrement des illusions, et intrinsèquement. Il y a un ‘travail du négatif’ à l’œuvre dans la raison kantienne, qui est ‘puissance de faux’, ce que Kant rapproche de la tendance spontanée de la raison à la ‘métaphysique’ ; la raison engendre antinomies, paralogismes, i.e. illusions. Rationalité et fausseté sont connexes. Le faux, chez Kant, se donne ‘comme’ illusion ; la raison ‘fonctionne’ ainsi, elle ‘veut’ la spéculation, y trouve son intérêt. La raison ne détruit donc pas l’illusion, elle l’engendre. La raison est animée d’une propension essentielle à produire des illusions. Par ce rapprochement des notions de ‘connaissance’, ‘raison’ et ‘illusion’ entendu au sens de ‘fausset nécessaire’, Kant va encore plus loin que Spinoza qui ne faisait que souligner l’impuissance à vaincre le faux par le vrai.

Au delà de Kant, un nouveau ‘vocabulaire’ et une nouvelle conception de l’illusion sont introduits par Marx. Idéologie et fétichisme sont en effet deux termes clef dont il s’agit de penser les rapports avec l’illusion. L’idéologie, comme telle, est illusion, elle a ‘structure’ d’illusion. Marx, ce n’est nullement un hasard, recourt au modèle optique de la camera obscura, la chambre noire, pour expliquer son mode de formation. La réalité sociale telle que l’idéologie la déploie est produite par une ‘inversion’, un ‘renversement’ ; il y a inversion des rapports de causalité entre la représentation que se font les hommes de la réalité sociale, et les mécanismes véritablement à l’œuvre, qui sont de nature historico-sociale. Cependant, c'est l’histoire elle-même, ou plutôt la réalité historico-sociale, qui engendre ces représentations idéologiques ; étant donné que les sources mêmes de l’illusion sont ce dont la compréhension devrait dissiper l’illusion, il s’avère en définitive que ce ‘renversement’ échappe à la compréhension. De par sa structure d’illusion, l’idéologie est visée ‘comme erreur’.

Seule la praxis, la politique, permettrait de surmonter l’erreur car il est difficile d’envisager une véritable abolition ‘directe’ des ‘croyances fausses’. Il faut recourir à l’action indirecte, ce qui implique de ne pas agir sur le croyances elles-mêmes, mais sur leurs sources. La conception révolutionnaire marxiste hérite ainsi d’un long travail de réflexion,

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