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Avoir raison

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Par   •  24 Octobre 2022  •  Dissertation  •  7 472 Mots (30 Pages)  •  213 Vues

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Bien qu’ils aient un rapport différent à la vérité, le sophiste le scientifique ont tous les deux eu raison un moment ou un autre. Immédiatement, la question se pose alors de la pertinence d’une telle expression : comment peut-on « avoir raison » tout en étant distant de la vérité ? Un débat se clôt généralement sur un « j’ai raison » ou du moins sur un des locuteurs qui insinue que le second a raison par rapport à lui.  Cependant, « l’avoir raison » est-il gage de vérité ?

Interroger « avoir raison » paraît dès lors nécessaire.

L’expression « avoir raison » désigne, dans un premier temps, ce qui est dans le vrai. L’expression a donc au sein de sa signification deux notions : la raison et la vérité. L’étymologie latine (ratio : mesure, calcule) indique sous son sens mathématique (le rapport entre deux nombre) cette faculté de l’esprit humain, qu’est la raison, d’organiser ses relations avec le réel ; son activité est considérée en général tant dans le domaine pratique que dans le domaine théorique. En théorie, la raison désigne l’intelligence en tant que source de l’activité conceptuelle et visant à la connaissance discursive ; faculté qui ordonne discursivement les faits et les notions, qui démontre, qui calcule. En pratique, la raison est l’application de cette faculté de discerner le vrai du faux, le bien du mal ; ensemble des qualités de celui ou celle qui sait se rendre maitre de ses impulsions notamment dans son comportement et dans ses actes. Ainsi, par la raison, l’homme se distingue de l’animalité, du passionnel et de l’instinctif pour essayer d’accomplir et de proposer une action bonne et un énoncé vrai. Cette définition nous montre que la raison est étroitement liée avec la vérité. La vérité est définie comme la conformité d’une connaissance reconnue comme juste avec son objet, la réalité ; à ce titre elle possède une valeur absolue. Seulement, « avoir raison » possède également un sens certes familier mais bien plus utilisé que le premier : celui d’avoir le dernier mot dans une discussion. Cependant, faire définitivement respecter son avis après une discussion serrée ne signifie pas pour autant que cet avis est vrai. Il peut simplement s’imposer par la contrainte, l’autorité ou la violence par exemple. Si un dictateur dit en public que quelque chose de faux est vrai, il aura certes raison car il met directement fin au débat voire ne l’ouvre certainement pas mais il n’aura pas raison pour autant vue que son propos est contraire à la vérité. Cette expression (« avoir raison ») s’avère très intéressante car elle expose la dichotomie entre une vérité qui s’impose comme vraie par la violence ou la persuasion et une vérité qui se pose comme vraie par la raison ou la conviction.

Le caractère véridique de la vérité est alors susceptible d’être interrogé en plusieurs sens. Qu’est-ce qui fait la véracité de la vérité (ce qui la différencie de l’erreur, de la fausseté, du mensonge, de la vérité du pouvoir, du dogmatisme…) ? Comment une information fausse peut s’imposer comme vraie ? En effet, les propos d’un sophiste (rhéteur usant de raisonnement spécieux) et ceux d’un scientifique semblent vrais mais le sont-ils vraiment ? L’histoire a souvent démontré le contraire. Il est donc judicieux de nous intéresser sur les moyens qui permettent d’arriver à un énoncé vrai : les raisonnements. Les raisonnements sont davantage intéressants dans la mesure où ils sont la faculté de raisonner, de mettre en relation l’ensemble des arguments issus d’une réflexion, mis en œuvre dans une discussion qui ont pour but de démontrer ou de prouver quelques choses. C’est l’activité, l’exercice d’une raison qui est discursive. Ainsi « l’avoir raison » dépend du raisonnement et du discours qui sont eux-mêmes soumis à certains cadres : linguistiques, disciplinaires, politiques… De plus, son deuxième sens, le fait d’avoir le dernier mot est aussi le jeu du langage, d’une manipulation des mots. Les deux significations de notre expression semblent se retrouver dans le fait qu’elles se réalisent à travers le discours plus ou moins travaillé mais également selon un contexte politique (l’exemple de la parole du dictateur avec celui d’une vérité scientifique à un moment précis qui ne l’est plus car réfuter trois siècles plus tard). « Avoir raison » semble donc dépendre de ces cadres et cela nous amène à nous demander si la vérité serait relative. Cette relativité serait en contradiction avec la définition de la vérité qui la pose comme absolue (ce qui existe par soi-même, sans dépendance). Ainsi, s’il n’y a pas de vérité absolue mais seulement des vérités cela nous amène à interroger sur cette espèce d’injonction entrepris par la société afin que les individus croient, respectent, disent LA vérité. Il y aurait une espèce de sacralisation de LA vérité qu’on ne pourrait pas contredire. Il faut nous intéresser sur les raisonnements mais aussi sur la finalité de la vérité, pourquoi avoir raison ? N’y aurait-il pas une finalité imposée et profitable à la vie en société et au pouvoir politique ? Enfin, le Trésor de la langue française (TLFI) nous informe d’une dernière définition d’avoir raison. Avoir raison c’est être fondé à penser ou agir comme on le fait. C’est trouver la raison d’être de notre pensée ou agissement. Il y aurait donc une dimension pratique de l’avoir raison. Notre expression englobe donc plusieurs sens. D’abord ce qui est dans le vrai. Ensuite, faire prévaloir son avis en ayant l’adhésion du plus grand nombre. Enfin, ce qui est la raison d’être de notre agissement.

L’interrogation sur la nature même de « avoir raison » peut dès lors être formulée : peut-on penser qu’il existerait une vérité absolue démontrée par un raisonnement précis et méthodique ou bien qu’avoir raison se confondrait dans son deuxième sens qui ne serait que manipulation discursive et linguistique ; ce qui questionnerait l’injonction culturelle à LA vérité ?

        Il s’agira d’abord d’envisager quels sont les raisonnements pour avoir raison pour en souligner ensuite leurs importances qui se révèlent paradoxales. Ce n’est que dans un troisième temps qu’il sera possible de démontrer « qu’être dans le vrai » est une injonction culturelle.

Il ne suffit pas d’avoir raison pour être dans le vrai. Il faut encore savoir faire bon usage de sa raison et suivre un raisonnement précis à l’élaboration d’une vérité. Le raisonnement est ce qui permet de différencier l’opinion de la vérité ; l’opinion peut être vraie mais est incapable de dire pourquoi elle l’est à la différence de la vérité.

En effet, la vérité s’oppose à l’opinion dans la mesure où la vérité est la finalité de l’effort de s’émanciper de l’opinion. Dans une discussion qui est souvent une confrontation d’opinions qui essayent d’être vérité, le locuteur qui aura dans cette même discussion raison, sera celui qui a une opinion qui se rapproche le plus de la vérité. C’est ainsi que nous observons que la recherche de la vérité et de la perfection de l’opinion en vérité est la clef pour avoir raison. Pour avoir raison, il faut donc au préalable s’émanciper de toutes opinions. Cette volonté et ces conditions d’accession de l’homme à la connaissance et à la vérité sont exposées allégoriquement dans le livre VII de la République de Platon. Le philosophe imagine une « demeure souterraine » où seraient enchainés et immobilisés des hommes, dos à la sortie, qui seraient ainsi contraints de regarder que leurs ombres et les ombres de statuettes d’hommes et d’animaux exposés d’arrière les prisonniers de la façon qu’ils ignorent ces statuettes et ne peuvent en voir que leurs ombres. Ainsi, ces ombres sont considérées par les prisonniers comme étant les vrais objets et non que leurs ombres. Les hommes confondent les ombres avec les objets réels, le simulacre avec la réalité, les apparences sensibles avec les essences intelligibles. Cette Allégorie de la caverne permet à Platon d’exposer sa philosophie qui considère qu’il existe plusieurs réalités. D’abord la réalité dite « sensible » qui est celle que l’être humain aperçoit directement, la réalité matérielle, perceptible par nos sens et dans laquelle nous évoluons. Seulement, dans ce monde sensible (kosmos aisthêtos) se réalise le devenir (genesis) des êtres de ce monde. Une réalité qui est finalement toujours en mouvement, qui n’est déjà plus, qui naît pour n’être plus. Platon explique ainsi que se « devenir » ne peut être l’objet de nos connaissances ; la connaissance ne peut avoir pour objet ce qui n’est déjà plus. Elle peut avoir comme objet que ce qui est. Seul ce qui est absolument peut être véritablement connaissable. Par conséquent, Platon explique que le sensible peut-être désigné comme réel car il se réfère à la réalité authentique. Cette réalité authentique est le lieu des idées, l’intelligible. Ainsi, il existerait une réalité imperceptible par nos sens, supérieur à la réalité sensible, un lieu des idées qui aurait un degré supérieur de réalité. Ces deux réalités sont accessibles différemment comme nous l’explique Platon dans Le Timée (texte établi et traduit par Victor Cousin, numérisée sur Wikisource, 1822 – 1840, 52.a) : « il faut reconnaître qu’il existe une idée toujours la même, qui n’a pas commencé et qui ne finira pas, ne recevant en elle rien d’étranger et ne sortant pas d’elle-même, invisible et insaisissable à tous les sens, et que la pensée seule peut contempler ; et une autre chose, portant le même nom que la première et semblable à elle, mais sensible, engendrée, toujours en mouvement, naissant en un certain lieu pour en disparaître ensuite, objet de l’opinion jointe à la sensibilité ». Platon explique donc que l’intelligible est accessible par la νόησις (noèsis : pensée, intellection) et le sensible par la δόξῃ (datif de δόξα, la doxa : l’opinion). Ainsi, pour atteindre la vérité qui réside dans cette projection erronée qu’est le sensible de l’intelligible, l’homme doit se tourner vers l’intellection et se défaire de ses opinions. C’est cet exercice qu’illustre l’Allégorie de la Caverne citée précédemment. Ces prisonniers enchainés et contraint de regarder les ombres des statuettes dont ils ign orent leur existence est l’illustration de l’être humain plein de préjugés et d’opinions qui emprisonnent son regard dans l’illusion du vrai. L’ombre des statuettes représente donc la projection de l’intelligible dans le monde sensible. Le sensible n’est toujours qu’une copie de l’intelligible ; une fausse réalité. Comme ces prisonniers qui n’ont vu que ces ombres et les prennent donc pour vraie, l’homme ne percevant que le sensible qu’il prend pour réalité. Seulement, Platon poursuit son histoire en libérant un prisonnier et le fait se tourner vers la lumière du soleil et découvrir l’existence des statuettes. Ainsi, on assiste un effort du prisonnier accompagné d’une douleur ; celle de reconnaitre que ce qu’il croyait vrai s’avère être faux. Il réalise que son savoir était jusqu’à présent qu’opinion. Il développe un nouveau regard sur les ombres qui ne sont plus que des ombres à ses yeux : des ombres de statuettes. Il fait le lien entre l’ombre et son objet ; entre le sensible et l’intelligible. Par conséquent, par la libération des préjugés et des opinions, l’homme peut constater que le sensible n’est que dégradation de l’intelligible et ainsi se tourner complètement vers l’intelligible. Ce n’est que quand l’homme contemple l’intelligible qu’il est dans le vrai. Enfin, la dernière étape de cette allégorie est le retour du prisonnier dans la caverne pour répandre la vérité. Pour finaliser le rapprochement entre l’argument platonicien et ce que signifie avoir raison, nous remarquons que celui qui, dans un débat, a raison est le même que le prisonnier éclairé qui informe ses confrères encore dans le faux. Celui qui a raison est finalement celui qui réussit à démontrer ce que son locuteur croyait comme vrai ; à l’instar du philosophe qui éclaire le prisonnier.  

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