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Philosopher, c'est apprendre à mourir

Dissertation : Philosopher, c'est apprendre à mourir. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  15 Novembre 2017  •  Dissertation  •  2 874 Mots (12 Pages)  •  6 672 Vues

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« Philosopher, c’est apprendre à mourir »

Selon Freud, il n’y a pas de place dans notre inconscient pour la représentation de notre propre mort. En plaignant un mort à la troisième personne, nous nous excluons de la mortalité comme si son triste sort n’était qu’un accident. L’expérience nouvelle de la mort d’un proche apporte une preuve concrète et dévoile ainsi à son spectateur que la mort n’est pas un accident. Se découvrir mortel est une prise de conscience qui surprend celui qui ne le pensait que par déduction, comme une abstraction. Mais dès lors que l’on prend conscience de sa propre mortalité, il semble nécessaire d’apprendre à mourir.

La première question qui nous vient à l’esprit est pourquoi apprendre à mourir alors que la vie est indubitablement vouée à prendre fin ? Le mourir en acte ne dure qu’un instant et il est bien évidemment indépendant de notre volonté. Qu’est-ce donc qu’apprendre à devenir mort ?

Afin d’éclaircir ce malentendu, il nous semblera préalablement nécessaire de dissocier l’instant ou l’évènement de la mort, du long processus de mourir que nous avons entamés dès la naissance. En effet, il ne s’agit ni d’apprendre à être mort, ni de tenter d’imaginer l’être (car pour imaginer l’effet que cela fait d’être mort, il faudrait retirer tout objet de sa pensée ; en d’autres termes, il faudrait être déjà mort. Mais à ce compte-là, on ne penserait plus).

Parce que cet apprentissage se déroule dans le processus de la vie, savoir mourir est un entraînement. Plus encore, c’est une préparation à penser l’idée de notre mortalité pour y retirer l’angoisse existentielle qu’elle contient. Nous savons tous que nous allons mourir un jour, mais connaissons-nous seulement la nature de cette mort qui nous angoisse tant ?

« La mort, est hors lieu, c’est l'instant sans situation spatiale et sans durée qui sépare quelque chose et rien, le tranchant aigu et la ligne quasi inexistante où se recoupent l'être et le non-être : mais aucune lumière révélatrice ne filtre entre l'un et l'autre. » Vladimir Jankélévitch, La Mort, p.360.

Ainsi, sans cette révélation sur ce qu’elle est, nous ne connaissons que ses modalités accidentelles ; ses prémices : la maladie, la vieillesse, etc. et ses conséquences : le deuil, l’héritage, etc., mais nous ne connaissons jamais sa nature.

L’imaginaire collectif ne voit-il pas le philosophe comme un « ataraxiste » que la mort n’effraie pas ? N’est-ce pas l’incapacité de saisir la mort couplée à la tentative angoissée de sa représentation qui nous pousse à philosopher ?

Puisque la nature de la mort nous échappe, puisque chacun est tributaire de sa mortalité et que son inéluctabilité nous angoisse, nous nous demanderons :

Philosopher, est-ce apprendre à mourir ?

Tout d’abord, nous porterons notre intérêt sur la métaphysique. Nous examinerons ensuite les différents apprentissages que la philosophie nous a légués. Enfin, nous nous attacherons à discuter de notre étude pour aborder notre question d’un autre regard.

Intéressons-nous à la distinction substantielle platonicienne de l’âme et du corps. Pour Platon, le corps est un tombeau, une « chose insensée » qui fait de l’ombre au soleil de l’intelligible, qui emprisonne l’âme immortelle et la détourne de la vérité des choses par ses tumultes et ses confusions. Au contraire, l’âme représente le monde des Idées, des formes idéales : c’est-à-dire la vérité. C’est pourquoi il faut s’occuper toute sa vie de se délivrer de ses erreurs et des fausses certitudes induites par le corps : pour soigner l’âme et l’élever toujours plus.

« SOCRATE. — Tant que nous aurons notre corps et que notre âme sera embourbée dans cette corruption, jamais nous ne posséderons l’objet de nos désirs, c’est-à-dire la vérité. Car le corps nous oppose mille obstacles par la nécessité où nous sommes de l’entretenir, et avec cela les maladies qui surviennent troublent nos recherches. […] si nous voulons savoir véritablement quelque chose, il faut que nous abandonnions le corps et que l’âme seule examine les objets qu’elle veut connaître. C’est alors seulement que nous jouirons de la sagesse dont nous nous disons amoureux, c’est-à-dire après notre mort, et point du tout pendant cette vie. », Phédon, 66b-66e.

Dans ce dialogue, Socrate explique que philosopher c’est apprendre à mourir parce que philosopher : c’est enseigner tout le temps de la vie à détacher l’âme du corps et de ses contraintes corporelles, donc temporelles.

« Mourir au sensible, c’est une purification qui consiste à séparer le plus possible l’âme du corps, à l’habituer à vivre en elle-même et pour elle-même. Tel est le souci des philosophes : délier et séparer l’âme du corps. », Phédon,67 c-d.

C’est en s’arrachant au monde des apparences et en se rapprochant du monde des Idées, des réalités intelligibles et immuables, que le philosophe apprend à mourir. Puisque le corps est matière, lui seul est périssable. Ainsi, en se préparant à l’immortalité de son âme, le philosophe ne craint plus la mort.

La mort serait donc l’indépendance accomplie de l’âme et apprendre à mourir serait apprendre que la mort n’est pas fermeture, mais délivrance. A travers Socrate, la philosophie de Platon, cet entrainement à la mort, nous soustrait donc à la crainte de mourir. C’est en cela que l’on pourrait dire que de réfléchir sur la philosophie platonicienne, c’est apprendre à mourir.

A travers son désir de se détourner des passions corporelles, à travers sa représentation de l’âme immuable et des Idées en tant que vérités suprêmes, Platon aura fortement influencé le christianisme et ses fondements. Saint Augustin défendra cette idée avec ferveur. Il présentera le christianisme comme un platonisme populaire.

« Aucun philosophe n’est plus proche du christianisme que Platon, parce qu’il pense que le sage imite, connaît et aime Dieu. Il reconnaît le vrai Dieu pour auteur des êtres, pour source de vérité », Saint Augustin, La cité de Dieu, II, Livre VIII

Honoré de Balzac soulignera la proximité entre les concepts platoniciens et les fondements chrétiens.

« Platon a été nommé le Moïse athénien. […] La vie purgative, la vie illuminative, la vie unitive n’ont pas été ignorées de ce philosophe. », La solitude et l’amour philosophique de Cléomède, premier sujet des exercices moraux, 1640.

Ainsi, pour Platon comme pour les chrétiens,

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