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Le Bonheur Est-il Le But De La Vie

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Par   •  9 Mai 2014  •  2 029 Mots (9 Pages)  •  2 181 Vues

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Introduction

Le bonheur est l’accomplissement de la vie sensible comme telle, et par conséquent il appartient à tout être sensible en possédant la notion de souhaiter être heureux, comme on peut dire à la limite qu’il appartient à tout être vivant d’y tendre. Mais il y a une différence entre souhaiter qui n’engage à rien (souhaiter être riche, c’est considérer la richesse comme bonne pour soi en ne faisant cependant rien pour l’obtenir), tendre vers qui n’est qu’une réalité de fait (une structure propre à certains étants : la vie consiste à être son propre but, et par conséquent à poser implicitement la norme d’un accomplissement), et vouloir qui est déjà mobilisation des moyens par la représentation contraignante d’une fin qui soit non seulement réelle comme représentation mais encore valable. Si tout le monde souhaite évidemment être heureux (le contraire signifierait qu’on n’existe pas comme vivant sensible), si tout vivant tend à l’être, tout le monde ne veut pas le devenir.

C’est que tous les hommes n’agissent pas en fonction des seules aspirations sensibles (dont les aspirations sociales font partie, puisque la vie n’est humaine qu’à être d’abord sociale) : celui qui agit moralement a implicitement décidé que les inconvénients liés à l’accomplissement de son devoir ne seraient pas pris en considération, quels qu’ils soient ; le héros qui risque sa vie ou même la donne (et parfois dans des conditions atroces) ou encore les créateurs qui subissent les affres d’un travail épuisant et ingrat (ce dont témoigne notamment les lettres de Flaubert à Louise Colet), montrent que pour eux non plus le bonheur, s’il importe évidemment comme pour tout être sensible, ne compte pas. Ainsi sommes-nous confrontés au paradoxe suivant : à l’encontre peut-être de la plupart, les meilleurs d’entre nous se refusent de faire du bonheur le but de leur vie.

L’institution du bonheur en but de la vie serait-elle donc le propre des gens qui ne sont ni des créateurs ni des héros et qui accomplissent leur devoir à la seule condition qu’il ne mette en cause ni leur confort ni l’idée qu’ils ont d’eux-mêmes, qui est celle de la pure immanence puisqu’elle renvoie au refus de différer de sa propre vie et par là de soi-même ? Car l’idée de bonheur est celle d’une plénitude dont la volonté peut dès lors aussi bien s’entendre comme refus de la division, qu’il s’agisse de celle qu’on est avec le monde (être heureux c’est ne faire qu’un avec son monde en s’identifiant à sa propre place), avec les autres (pour le " vivant politique " le bonheur est d’abord celui de la communauté des semblables) ou avec soi-même (être heureux, c’est n’être pas divisé).

Or dans l’action morale, la création, et l’héroïsme, c’est toujours de division qu’il s’agit.

D’abord, le propre d’un agent moral est de laisser en arrière tout ce qui importe pour lui, et qui est à la limite le fait même de vivre, quand il s’agit de faire son devoir. Ensuite le propre d’un créateur est de ne pas savoir ce qu’il est en train de faire, d’être surpris par les formes, les figures ou les idées qui naissent des gestes qu’il accomplit et qui réduisent quasiment à rien la représentation préalable où il avait conçu la nécessité de son travail. Enfin le propre d’un héros est d’être porté par une nécessité indistinctement subjective et objective qu’il ne réfléchit jamais (par exemple que l’occupation de son pays lui soit absolument intolérable) et qui lui fera accomplir des actions quasiment surhumaines c'est-à-dire inaccessibles à l’homme normal qu’il est par ailleurs : rendu à la vie ordinaire il ne se reconnaît pas dans les actions qu’il a accomplies, qui sont en quelque sorte trop grandes pour lui. C’est la raison qui pousse certains ou bien à s’enfermer dans la comédie de devenir pour soi-même les héros que les autres ont raison de voir en eux ou bien, et c’est le plus fréquent, à minimiser ce qu’ils ont fait (" il se trouve seulement que j’étais là, j’ai fait ce que n’importe qui aurait fait à ma place… ").

Bref, nous nous trouvons devant la corrélation de deux divisions : d’une part celle que nous sommes pour nous-mêmes et que signifient chacune à sa manière les notions du devoir, de l’héroïsme et de la pensée et, parce qu’il s’agit à chaque fois de poser que ce n’est pas la vie qui compte (ni donc son accomplissement) mais autre chose, celle de ce qui importe et de ce qui compte.

De sorte que la question du bonheur fait en quelque sorte le partage entre les hommes : il y a ceux pour qui la distinction entre ce qui importe et ce qui compte est absolument évidente, et les autres qui refusent de la faire. Demander si l’on peut considérer le bonheur, qui en est par définition l’accom-plissement, comme étant par là même aussi le but de la vie (ce qui revient donc à dénoncer comme abstraite l’opposition du but et de l’accomplissement : le but de la vie est d’être une vie accomplie), c’est en réalité interroger une position subjective, dont on peut donner une formulation en quelque sorte objective à travers l’éventualité, acceptée ou refusée, que la vie ne soit humaine qu’à relever d’une certaine vérité.

Mais le problème se complique, d’abord en ceci que cette vérité relève elle-même d’un nouveau clivage : elle est actuelle pour les héros et les créateurs qui ne réfléchissent pas à ce qu’ils font (ils peuvent réfléchir sur les moyens, par exemple pour savoir s’il est plus opportun d’attaquer le convoi ennemi en ville ou en rase campagne, mais pas sur un engagement qui va absolument de soi), alors qu’elle est représentative pour les agents moraux, puisque les héros et les créateurs adviennent à eux-mêmes dans la surprise de ne s’être pas représentés ce qu’il sont pourtant en train de faire, quand les agents moraux se reconnaissent dans l’universalité de leur conscience, puisqu’agir moralement consiste à faire ce qu’on se représentait nécessairement devoir faire. L’opposition des rares et des nombreux se redouble ainsi d’une opposition interne à la première catégorie, puisque les agents

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