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L'argent Fait-il Le Bonheur De L'homme?

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Par   •  26 Février 2015  •  2 792 Mots (12 Pages)  •  4 094 Vues

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L’expression est devenue proverbiale qui dit que « l’argent ne fait pas le bonheur ». Pourtant, on ne manque pas d’ajouter aujourd’hui « mais il y contribue ». Il y a là un double aveu qui semble néanmoins contradictoire si l’on s’y arrête un peu. En effet, dire de l’argent qu’il ne fait pas le bonheur implique une représentation du bonheur qui, sinon méprise les biens matériels, du moins y est indifférent. C’est donc que le bonheur consisterait en autre chose que la fortune. Mais en même temps, le bon sens semble rebelle à cette conception ; d’où l’idée qu’on ne puisse malgré tout pas faire totalement abstraction de l’argent : « il y contribue ». On retrouve dans cette dualité les deux grandes conceptions du bonheur qui n’ont cessé de traverser l’histoire de la pensée. Ainsi, pour les sophistes, contemporains de Platon, le bonheur consistait dans la fortune – c’est d’ailleurs le sens premier du terme : les mots « bonheur » en français, « happiness » en anglais et « glück » en allemand se rapportent tous au hasard, à la chance. On retrouve justement ce sens dans l’expression « par bonheur », dans le verbe « to happen » et dans le terme anglais « luck » qui est dérivé de l’allemand « das glück ». Il faut entendre alors le mot fortune au double sens du terme : le sort favorable et la richesse.

Mais une telle conception pose immédiatement un problème moral : si le bonheur est fonction du hasard alors il ne dépend absolument pas de nous d’être ou de ne pas être heureux. Plus encore, le bonheur ne serait réservé qu’à ceux qui seraient favorisés par le sort. Ceux qui appartiennent, selon l’expression du millionnaire américain Warren Buffett au « lucky sperm club ». Tous les autres étant alors condamnés à une vie misérable parce qu’ils seraient nés sous de mauvais auspices, au mauvais endroit et au mauvais moment. On répondra sans doute que si la fortune est représentée, au Moyen-âge, comme une roue, c’est parce que le sort peut changer et la chance tourner. Il n’en demeure pas moins, que dans tous les cas le bonheur ne dépendrait pas de nous. Cela pourrait alors paraître très injuste. Là encore, on répondra que la vie est injuste en parodiant la conception darwinienne du « struggle for life », la lutte pour la vie – en oubliant au passage que si Darwin admettait que cette lutte était le moteur de l’évolution animale, il reconnaissait en même temps que l’homme était le seul à y échapper dans la mesure où il lui substituait la solidarité et la coopération – nous aurons à y revenir.

Mais quelle est la conception du bonheur qui sous-tend cette représentation ? Car à y regarder de plus près, il peut sembler paradoxal que les pays occidentaux qui semblent, à tout point de vue, plus favorisés que les autres, soient en même temps ceux qui battent les records de taux de suicides, de consommation d’antidépresseurs, de sentiment de solitude, etc. N’est-ce pas que le bonheur consisterait en tout autre chose ? C’est justement ce que les philosophes de l’Antiquité se sont efforcé de penser comme vertu : « la vertu, c’est l’habitude du bien », dit simplement Aristote. Ainsi, pour réussir sa vie et être heureux – ou du moins mériter de l’être comme dira Kant – ne faut-il pas être « quelqu’un de bien » ? Autrement dit, le bonheur n’implique-t-il pas une certaine moralité ? Et n’est-ce pas en soi-même qu’il faut rechercher les conditions d’une « belle vie » comme on dit ? Ou est-ce dans une certaine manière de voir la vie est d’être en vie que réside ce bonheur tant espéré ? Ce sont ces deux conceptions qu’il nous faut donc considérer.

On le voit, le bonheur est souvent représenté comme une finalité : ce à quoi tout homme aspire. Mais « si tous les hommes recherchent d’être heureux » comme le dit Pascal, il s’en faut de beaucoup qu’ils s’accordent sur une définition commune du bonheur. En effet, comme le remarque Kant : « Le concept de bonheur est un concept si indéterminé, que, malgré le désir qu’a tout homme d’arriver à être heureux, personne ne peut jamais dire en termes précis et cohérents ce que véritablement il désire et il veut. La raison en est que tous les éléments qui font partie du concept de bonheur sont dans leur ensemble empiriques, c’est-à-dire qu’ils doivent être empruntés à l’expérience ; et que cependant pour l’idée de bonheur un tout absolu, un maximum de bien-être dans mon état présent et dans toute ma condition future, est nécessaire.» C’est dire que le bonheur n’est pour lui qu’un idéal de l’imagination, qui correspond à une sorte de représentation absolue des plaisirs vécus. Le bonheur, en ce sens, semble inséparable du plaisir, mais d’un plaisir qui serait complet, permanent, et dont les plaisirs effectifs ne seraient finalement qu’un avant-goût.

Mais comment alors atteindre ce bonheur ? Le principe du plaisir n’est-il pas, comme le dit Socrate dans le Philèbe, d’appartenir à l’illimité ? Ce qui signifie, par conséquent, qu’il ne possède pas de nature propre ; il n’est pas un bien en lui-même. Sitôt atteint, il disparaît.

A défaut donc d’atteindre cet idéal, il suffirait de viser un maximum de plaisir pour un minimum de peine. On retrouve là la conception utilitariste de Jeremy Bentham (1748-1832) et de John Stuart Mill (1806-1873). Pour Bentham, le critère premier de l’action humaine est l’utilité et celle-ci est définie comme la capacité à produire du plaisir et à supprimer une peine. Dans cette perspective, le plaisir n’est pas un moyen de parvenir au bonheur, il en est une partie. Ainsi, le bonheur individuel est la seule fin en soi. Mais ce bonheur ne sera effectivement possible que dans une société qui garantit la sécurité des biens et la propriété, c’est-à-dire qui assure le bonheur du plus grand nombre. La prospérité de tous assure la prospérité de chacun et réciproquement.

Cette conception s’articule historiquement avec le « droit au bonheur » revendiqué par la Révolution. Saint-Just affirmait que « le bonheur est une idée neuve en Europe » signifiant par là que le bonheur n’est pas un donné de la nature et encore moins de la naissance, mais un bien à conquérir par la politique, le droit et la démocratie. Ainsi, la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen, dans son article premier, déclare : « le but de la société est le bonheur commun. Le gouvernement est institué pour garantir à l’homme la jouissance de ses droits naturels et imprescriptibles. »

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