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Dissertation sur la nostalgie

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Par   •  28 Septembre 2018  •  Dissertation  •  4 130 Mots (17 Pages)  •  2 485 Vues

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LA NOSTALGIE

 

Le peuple portugais est probablement le plus nostalgique de la planète. Ils disent que c'est par rapport à leur Grandeur passée ou à leurs rêves de Grandeur, à l'amour perdu, aux êtres aimés qu'ils n'auraient jamais voulu avoir quitté. Ils ont le mal de la séparation du bonheur perdu. Les portugais disent que la nostalgie leur fait immensément mal au corps mais encore plus mal à l'âme, ce qui explique cette tristesse profonde, douloureuse et douce à la fois. C'est là toute l'ambivalence de la nostalgie.

La nostalgie est un des seuls sentiments qui nous fait éprouver à la fois la joie, l'espoir, la tristesse et le regret. Elle vient du grec « nostos », retour, et « algos », douleur. La nostalgie est littéralement le mal du retour, elle se caractérise par le contraste de vivre dans le présent, mais d'avoir le désir d'un retour dans le passé. A la différence de la mélancolie, elle traduit un manque envers un passé regretté : la mélancolie, quant à elle, est le désir de ce que l'homme n'a pas pu vivre. C'est le regret à la fois d'un ailleurs et d'un soi-même, puisqu'elle se caractérise par l'impuissance de ne pas pouvoir redevenir ce qu'on a été auparavant. Outre le paradoxe entre le passé et le présent, ce sentiment est contrasté par une ambiguïté même dans sa manière de se ressentir.

D'un côté, la nostalgie peut se ressentir comme un désir, un rêve du passé qui aspire à quelque chose de positif, une manière d'échapper à un présent ennuyeux ou misérable. D'un autre côté, la nostalgie est également synonyme de regret, d'affliction et toute personne victime de nostalgie tend souvent à la dépression. Dans quelle mesure la nostalgie est-elle profitable à l'homme ?

D'abord, la nostalgie est un refuge permettant à l'homme de revivre le bonheur passé et d'échapper à un présent décevant. Pourtant, ce refuge peut apparaître comme un repli sur soi, et détruire notre présent. Enfin, la nostalgie parvient parfois à laisser une place au présent, lorsque l'homme accepte de consentir à son passé.

      D'abord, si les individus ressentent de la nostalgie, c'est qu'il y trouvent l'avantage d'un certain bienfait. En effet, les hommes sont nostalgiques car ils sont en quête de leur identité : la nostalgie leur dit qui ils sont. Dans l'Odyssée, Ulysse, abandonné seul sur une île, est retenu captif par la nymphe Calypso. Afin de trouver un remède à ce désespoir sans fin, il se réfugie dans le rêve de sa terre natale, Ithaque, où il se croit de nouveau en présence de Pénélope et de Télémaque. Servant à chasser l'ennui, l'insurmontable moment présent, la nostalgie est avant tout un réconfort. Effectivement, en se rappelant son passé, Ulysse se rattache à son identité.  C'est grâce à la mémoire que nous savons que nous sommes nous-mêmes, explique Locke dans Essai sur l'entendement humain. La conscience immédiate que j'ai de moi repose sur la mémoire : nous sommes ce que nous avons été. Barbara Cassin assimile également la quête d'identité à la nostalgie. Effectivement, « nostos » signifie retour : de quel retour parle-t-on ? Ulysse, en revenant à Ithaque a besoin d'un temps d'adaptation pour se sentir complètement chez lui car ce qu'il avait réellement perdu, ce n'est pas sa terre et sa patrie, mais son ancien « soi ». La nostalgie est pour certains immigrés le fantasme de retourner chez eux : dans leurs longues rêveries, les immigrés se surprennent à penser à leur enfance, leur mère. Etranger et perdu dans un présent trop différent d'eux, les nostalgiques partent dans leurs pensées à la recherche de leur véritable identité. Dans ses moments de désespoir, d'ennui du présent, le nostalgique pense au passé : le passé le rassure et le rappelle qu'il existe, qu'il est quelqu'un. C'est exactement ce que fait Ulysse lorsque, désespéré, il regarde la mer au loin : perdu, il implore cette vaste étendue de le ramener à la vie, de le ramener à lui. La nostalgie se veut rassurante dans ces moments-là, mais elle est surtout nécessaire car elle permet à l'homme de ne pas s'oublier lui-même. La nostalgie est-elle pour autant un bien ? N'y-a-t-il pas dans la nostalgie une certaine forme de tristesse ?

         En effet, la nostalgie apparaît comme un bien susceptible de faire oublier l'ennui et le mal-être de notre vie quotidienne. Pourtant, le souvenir passé fait mal par le constat qu'il n'est plus. L'homme aime parfois avoir ce mal car il y trouve une certaine beauté. Grâce à la nostalgie, l'homme s'évade de son présent trop tranquille, ou trop médiocre. Il se plonge dans un passé lointain qui fait renaître en lui un sentiment d'appartenance. Devenu étranger à son présent, il retrouve soudainement ses origines grâce aux souvenirs. Ces derniers sont douloureux, mais le nostalgique ressent tout de même le besoin de se les rappeler car paradoxalement cela le rend heureux. Comment parvient-il à éprouver ces deux sentiments à la fois ? Qu'est-ce-qui crée une telle ambivalence ? Parfois, le nostalgique s'évade grâce à la musique, et parfois encore, il le fait grâce au fado. Chant portugais, le fado est définit par le poète David Mourao Ferreira comme « un mal dont on jouit, un bonheur dont on souffre ». C'est précisément le paradoxe dont nous sommes épris lorsque nous ressentons de la nostalgie. Les portugais parlent de « saudade », désignant la nostalgie extrême sans l'aspect maladif, c'est le désir d'ailleurs. Saudade ou nostalgie, avec le fado, l'homme, la femme, et particulièrement l'émigré  portugais, éprouve un certain plaisir à se faire du mal en pensant à une enfance abandonnée, une émotion profonde empreinte de grand bonheur, qu'il ne retrouvera probablement jamais.  Il y a une beauté particulière dans la manière dont le fado parvient à faire ressurgir en nous des sentiments profonds ; nous ressentons certainement un retour à notre terre natale, et s'élève en nous une sensation d'appartenance, une certaine sécurité et une douceur rappelée par les tendres souvenirs de notre enfance. La nostalgie est  délicieuse grâce à sa force ; paradoxe en elle-même, elle procure du plaisir en nous rendant triste. Dulce Pontes, dans la chanson Lagrima  exprime ce plaisir étrange, qui, mêlé aux larmes, parvient à nous remplir d'un grand bonheur : « por uma lagrima tua, que alegria, me deixaria matar" (

pour une larme de toi, quelle joie ou quel bonheur, je me laisserais tuer)

. Pourquoi éprouvons-nous le besoin d'être nostalgique ? Bien plus qu'un sentiment d'appartenance, l'homme a un désir de tristesse à travers la nostalgie, car parfois la tristesse est beauté. Qu'est-ce-qui fait à la fois la beauté et la tristesse de la nostalgique ?

           De plus, la nostalgie est un plaisir rare que l'homme a besoin de s'offrir de temps à autre. Sa rareté est beauté. Marcel Proust livre une description de la nostalgie dans un passage de son ouvrage A la recherche du temps perdu, passage dans lequel son passé resurgit soudainement grâce au goût d'une madeleine. Proust insiste ici sur le caractère involontaire et surprenant de la nostalgie : souvent provoquée par une photo, une odeur, un signe, la nostalgie surgit en nous et sa douceur nous saisit. Il suffit d'un symbole, d'un parfum pour un rappel délicieux du moment passé. Subitement, notre être est envahi par un mélange de tristesse et de bonheur à la fois qui le plonge dans une rêverie onctueuse. Quoi de plus agréable que de se laisser bercer par les tendres souvenirs de son enfance ? Cette nostalgie là présente un caractère moins obsessionnel que la nostalgie de l'homme amoureux, mais n'est pas moins dangereuse. Effectivement, la madeleine que mange Proust montre que la nostalgie peut rompre la frontière du passé et du présent de manière totalement imprévisible. Il est extraordinaire de se dire qu'en marchant tranquillement dans la rue, nous pouvons être soudainement frappés par la nostalgie, à la simple odeur du printemps, par exemple. La mémoire olfactive montre à quel point le goût et l'odeur sont connectés au cerveau. Subitement, un décor connu mais peut-être oublié s'insère dans notre présent et il est impossible d'y remédier dans l'immédiat, tout cela à cause de nos sens. Ainsi, est désigné « madeleine de Proust » tout phénomène déclencheur d'un sentiment de réminiscence. L'homme est victime de son passé, de sa propre mémoire. Cette mémoire est-elle réellement involontaire ? Le titre de son ouvrage A la recherche du temps perdu, montre bien qu'un homme victime de nostalgie même au moment où il s'y attend le moins n'est pas un pur hasard. Inconsciemment, il est à « la recherche du temps », pour reprendre le titre, et cherche à combler un manque. Le caractère imprévisible de la nostalgie   est lié à « la perspective d'un triste lendemain ». Cette mémoire est la fois volontaire et involontaire : le nostalgique est à la recherche de ses souvenirs mais ignore qu'il mène cette quête. Ce désir de réminiscence, aussi doux qu'il soit, est-il nécessairement un bien ? La nostalgie n'est-elle pas un masque dangereux, qui couvre encore mieux notre malheur présent ?

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