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Étude de l'essai politique Comment Je Vois Le Monde d'Albert Einstein

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Par   •  6 Septembre 2012  •  10 044 Mots (41 Pages)  •  1 257 Vues

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Comment je vois le monde

Par Albert Einstein

PREMIÈRE PARTIE : IDÉES ET OPINIONS

LE PARADIS PERDU

Écrit peu après la création en 1919 de la Société des Nations et tout d'abord publié en français. Paru également dans Mein Weltbild, Amsterdam : Querido Verlag, 1934.

Encore dans le XVIIe siècle, les savants et les artistes de toute l'Europe avaient été si étroitement unis par un lien idéal commun, que leur coopération était à peine influencée par les événements politiques. L'usage général de la langue latine fortifiait encore cette communauté.

Aujourd'hui nous regardons vers cette situation comme vers un paradis perdu. Les passions nationalistes ont détruit la communauté des esprits et la langue latine qui jadis unissait tous est morte. Les savants étant devenus les représentants les plus forts des traditions nationales ont perdu leur communauté.

Nous observons de nos jours ce fait frappant, que les hommes politiques, les hommes de la vie pratique sont devenus les représentants de la pensée internationale. Ce sont eux qui ont créé la Société des Nations.

MES PREMIÈRES IMPRESSIONS DES U. S. A.

Une interview pour le Nieuwe Rotterdamsche Courant Parue le 7 juillet 1921 dans le Berliner Tageblatt.

Je dois tenir ma promesse de dire quelques mots sur mes impressions de ce pays. Ce n'est pas pour moi chose aisée. Car il n'est pas facile de jouer le rôle d'un observateur objectif, quand on a été accueilli comme je l'ai été en Amérique avec tant d'affection et d'honneurs exorbitants. D'abord quelques mots sur ce point particulier.

Le culte personnel est toujours à mes yeux quelque peu injustifiés. Sans doute la nature répartit ses dons d'une manière fort différente entre ses enfants. Dieu merci, il y en a aussi beaucoup de bien doués et je suis fermement convaincu que la plupart d'entre eux mènent une existence paisible et inaperçue. Il ne me paraît pas juste, et même pas de bon goût qu'un petit nombre de ceux-ci soient admirés sans mesure, en leur imputant des forces surhumaines d'esprit et de caractère. C'est

précisément mon cas et il y a un contraste grotesque entre les capacités et les pouvoirs que les hommes m'attribuent et ce que je suis et ce que je puis en réalité.

La conscience de ce fait étrange serait insupportable, si elle ne comportait pas une seule belle consolation : c'est un indice réjouissant pour notre époque, qui passe pour matérialiste, qu'elle fasse des héros de simples mortels, dont les objectifs appartiennent exclusivement au domaine intellectuel et moral. Ceci prouve que la science et la justice passent, pour une grande partie de l'humanité, au-dessus de la fortune et de la puissance.

D'après ce que j'ai vu, cette manière de voir idéaliste paraît régner dans une proportion particulièrement forte dans ce pays d'Amérique que l'on accuse spécialement d'être imbu de matérialisme. Après cette digression, j'arrive à mon sujet, en espérant qu'on n'accordera pas à mes modestes observations plus de poids qu'elles ne méritent.

Ce qui frappe tout d'abord d'étonnement le visiteur, c'est la supériorité de ce pays au point de vue de la technique et de l'organisation. Les objets d'usage journalier sont plus solides qu'en Europe ; les maisons sont organisées d'une manière incomparablement plus pratique : tout est disposé de manière à épargner l'effort humain. La main-d’œuvre est chère, parce que le pays est peu peuplé, eu égard à ses ressources naturelles.

C'est ce prix élevé de la main-d’œuvre qui a poussé au développement prodigieux des moyens et des méthodes de travail techniques. Que l'on réfléchisse, par contraste, à la Chine ou à l'Inde surpeuplées, où le bon marché de la main-d’œuvre a empêché tout développement des moyens mécaniques ! L'Europe se trouve dans une situation intermédiaire. Une fois que la machine s'est suffisamment développée, elle devient finalement meilleur marché que la main-d’œuvre humaine, même si celle-ci était déjà bon marché. C'est à cela que doivent songer les fascistes d'Europe qui, pour des raisons de politique à courtes vues, interviennent pour l'accroissement de la densité de la population dans leur pays. Sans doute cette impression contraste avec l'étroitesse d'esprit dont font preuve les États-Unis en se renfermant sur eux-mêmes et en empêchant les importations par des droits prohibitifs... Mais on ne peut pas exiger d'un visiteur sans arrière-pensée, qu'il se rompe par trop la tête et du reste, finalement, il n'est pas absolument sûr qu'à toute question puisse correspondre une réponse raisonnable.

Le deuxième point qui surprend le visiteur, c'est la position joyeuse et positive en face de l'existence ; le rire sur les photographies est le symbole d'une des forces principales de l'Américain. Il est affable, convaincu de sa valeur, optimiste et ne porte envie à personne. L'Européen éprouve de l'agrément et aucune contrariété dans ses rapports avec les Américains.

Au contraire, l'Européen critique et réfléchit davantage, est moins cordial et moins serviable, plus isolé ; il se montre toujours plus difficile pour ses distractions comme pour ses lectures ; il est le plus souvent plus ou moins pessimiste, par comparaison avec l'Américain.

Les commodités de l'existence, le confort jouent en Amérique un grand rôle ; on leur sacrifie le repos, la tranquillité d'esprit, la sécurité. L'Américain vit davantage pour un but, pour l'avenir, que l'Européen ; pour lui la vie est toujours le " devenir " et jamais l' " être " : à ce point de vue, il est encore plus différent du Russe et de l'Asiatique que l'Européen.

Mais il y a un autre point par lequel l'Américain ressemble davantage à l'Asiatique que l'Européen : il est moins individualiste que ce dernier, si on le considère, non plus au point de vue économique, mais au point de vue psychologique.

On entend davantage prononcer " Nous " que " Je ". Ceci veut dire que les usages et les conventions sont plus puissants et que la conception de la vie des individus, ainsi que leur position au point de vue du goût et de la morale est bien plus uniforme qu'en Europe. C'est à cette circonstance en grande

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