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La Figure Du Cyborg

Commentaire de texte : La Figure Du Cyborg. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  19 Mars 2014  •  Commentaire de texte  •  3 140 Mots (13 Pages)  •  652 Vues

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« Les cyborgs sont les rejetons illégitimes du militarisme et du capitalisme patriarcal, sans parler du socialisme d’Etat. »

DH a raison. En effet, la première mention du mot cyborg apparaît dans un article de Manfred E. Clynes et Nathan S. Kline intitulé « Cyborg and Space » dans le magazine de la NASA Aeronautics en 1960 dans le cadre d’une problématique précise qui était de savoir quels devraient être les changements biologiques nécessaires qui permettraient à l’homme de vivre longtemps de manière adéquate dans l’espace » alors même que les Etats-Unis était en pleine guerre froide et que l’espace est considéré comme un enjeux stratégique, un territoire à coloniser.

Or si l’on lit C&K cette dimension est complètement occultée par ce qui semble être une préoccupation d’ordre purement techno-scientifique. C’est ce mouvement d’effacement, de prétendue neutralité ; ce savoir non situé mais qui reste profondément hégémonique dans sa visée que DH va contester dans son Manifeste Cyborg de 1985.

Tout cela n’empêche pas que la solution proposée par C&K est radicale et novatrice car ils proposent tout simplement de renverser la manière de concevoir les possibilités de vie prolongée dans l’espace jusqu’alors envisagées comme la recréation de l’environnement terrestre, par exemple sous forme de station spatiale. Or nous disent C&K, cette manière de voir « ne fera que temporiser, et temporiser dangereusement car nous nous plaçons dans la même position qu’un poison qui prendrait une petite quantité d’eau avec lui pour vivre sur terre. » La reconstitution sur le long terme des conditions de vie terrestre avec tout ce qu’elle implique comme problèmes est donc jugée irréaliste. En revanche « Si l’homme essaie de s’adapter partiellement aux conditions spaciales au lieu d’insister pour prendre avec lui l’ensemble de son environnement, un nombre de possibilités apparaissent. » « Une de ces possibilités nous a amené à penser à intégrer des équipements exogènes pour assurer les changements qui pourraient être nécessaires dans les mécanismes homéostatiques humains pour lui permettre de vivre dans l’espace qua natura. »

d’où la définition du mot cyborg: « pour un dispositif étendu de manière exogène fonctionnant comme un système homéostatique intégré inconsciemment, nous proposons le terme cyborg. Le cyborg est donc un couple homme-machine qui bénéficie de l’apport de systèmes chimiques et technologiques qui étendent les fonctions autorégulatrices de contrôle de l’organisme pour l’adapter à de nouveaux environnements. Bon. On est dans une perspective purement instrumentale. « Le but du cyborg, comme celui de nos propres systèmes homéostatiques, est de fournir un dispositif dans lequel des problèmes de régulations sont pris en charge automatiquement et inconsciemment, laissant l’homme libre d’explorer, de créer, de penser, et de sentir. »

On voit bien ce que cette perspective a de problématique. Non seulement elle tait les conditions de sa production, mais l’élément technologique ne semble pas remettre en question la conception de l’homme comme sujet capable de régir l’ensemble de l’univers. Elle laisse intact aussi la propension à penser le monde en terme de conquête. Reste tout de même que le couplage homme machine n’en crée pas moins, peut-être même à l’insu de ses auteurs, un horizon riche en possibilités.

C’est d’ailleurs ce que va faire DH.

Pas de problème pour elle de reconnaitre que le cyborg est avant tout un organisme cybernétique produit de la science-fiction, du militarisme, de l’impérialisme et du patriarcat. Je me permets de rappeler que la cybernétique qui est l’étude des régulations chez les organismes vivants et les machines construites par l'homme, trouve son origine dans le développement d'appareils de pointage automatique pour canons antiaériens.

« D’un certain point de vue, un monde cyborg » nous dit DH « est celui dans lequel seront définitivement réalisés le maillage du contrôle de la planète, l’abstraction finale d’une apocalypse de Guerre des étoiles prétendument défensive, l’appropriation totale des corps des femmes dans une orgie guerrière masculine. ». Mais ce n’est pas tout. Il y a une autre voie « Si l’on change de perspective, le monde cyborg peut en revanche apparaître comme celui de réalités corporelles et sociales vécues sans crainte de la double parenté de l’humain avec les animaux et les machines, un monde où la fragmentation continuelle des identités et les positions trop souvent contradictoires ne feraient plus peur. »

Savoir qui seront les cyborgs est une question décisive. A nous donc de composer car nous dit DH « la lutte politique doit embrasser ces deux perspectives à la fois… Le regard qui se focalise dans la même direction produit des illusions bien pires que celles de la vue double. » Mais l’art de la composition nécessite de l’expérience. On ne pourra pas comprendre le cyborg sans prendre conscience des impacts de la science et de la technologie dans les rapports sociaux et sur la notion d’individu.

Pour DH, la science et la technologie ont produits de nouvelles formes de domination qu’il est impossible de décrire comme « naturels ». Par exemple, ; la profondeur, l’intégrité sont maintenant pensés comme surface et limite ; la nature et la culture comme champ de différence ; l’eugénisme comme contrôle démographique ; la perfection comme optimisation ; l’organisme comme composants biotiques etc. Or des objets comme les composants biotiques ne pensent pas en termes de propriétés intrinsèques, mais de design, de contraintes externes, de mesure de flux, de logique de systèmes, et du coût d’abaissement des contraintes. D’où l’impossibilité de leur assigner une quelconque nature. La même chose va pour les énoncés idéologiques sur la diversité humaine qui aujourd'hui sont formulés en terme de fréquence de paramètres, de statistiques, à l’instar des groupes sanguins, de la population, ou de la pauvreté.

Aucune architecture « naturelle » ne contraint la conception des systèmes. Dans ce déplacement « l’intégrité » ou « la sincérité » du moi occidental s’efface devant les procédures décisionnelles et les systèmes experts. Aucun objet, aucun espace, aucun corps n’est sacré en lui-même car chaque composant peut être mis en interface avec un autre, à partir du moment où l’on a défini la norme et le code à appliquer pour traiter les signaux dans un même langage.

Les

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