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L'homme Peut-il Vivre Sans Passion

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Par   •  4 Février 2014  •  4 999 Mots (20 Pages)  •  22 973 Vues

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Introduction

Le même événement apparaît comme action du point de vue de celui qui la fait et comme passion du point de vue de celui qui la subit. La passion et l'action sont réciproques, sont la même chose, mais de deux points de vue différents. Exemple: un corps (une boule de billard) en heurte un autre qui était immobile et le met en mouvement. Le premier agit et le second réagit, c'est-à-dire subit. La réaction n'est pas une action, elle n'est pas spontanée; c'est une passion, elle se caractérise par sa passivité. C'est le même événement que l'on appelle dans un cas action, et dans l'autre passion. Toute passion est l'envers d'une action. Descartes, les Passions de l'âme, § 1: ce qui arrive à un être "est généralement appelé par les philosophes une passion au regard du sujet auquel il arrive, et une action au regard de celui qui fait qu'il arrive ".

Une passion de l'âme est réaction à quelque chose d'étranger à la raison. La passion de l'âme, selon Descartes, a sa source dans le corps. La passion de l'âme, c'est l'action du corps. Par conséquent, l'âme se trouve dans un état de passivité par rapport à la passion qu'elle subit. Une telle définition est conforme à l'étymologie, qui fait de la passion un " pâtir ". En effet, le latin patior signifie subir. La passion est donc passivité pour l'âme. Le passionné se trouve sous la dépendance de l'objet de sa passion. La passion est une servitude qui, parce qu'elle grossit la valeur de son objet, conduit à l'excès, et ainsi à des comportements irrationnels. Que l'on pense par exemple au personnage de Molière, l'avare, dont la cupidité lui fait perdre tout sens de la mesure.

Si toute passion conduit nécessairement à une telle conduite, il faut donc s'efforcer de vivre sans passion, s'efforcer de vaincre ses passions, pour se conduire conformément à la sagesse. Mais toute passion n'est peut-être pas mauvaise. Bien plus, que serait une vie sans passion ? Il faut vérifier qu'elle vaudrait la peine d'être vécue avant de condamner les passions.

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I. Le désordre des passions

La passion pousse à l'action. Le passionné fera tout pour atteindre l'objet de ses vœux. La passion est dynamique. C'est pourquoi elle est souvent associée, dans la littérature, au vocabulaire du mouvement. Le passionné est transporté, emporté, ravi à lui-même. On parle, dans la langue du XVII ème, des transports de l'amour, ou encore des élans du cœur. Zénon la définit comme "un ébranlement de l'âme". Mais que l'on ne s'y trompe pas: ce mouvement échappe au contrôle du passionné. Si la passion est dynamisme, le sujet, lui, semble plutôt subir les désordres qu'elle cause en son esprit. Cela semble justifier qu'on cherche à les dominer, et même à les vaincre.

Exemple: la passion du jeu, décrite par Dostoïewsky dans le Joueur, nouvelle autobiographique. L'auteur fut lui-même pris de cette passion. Il était amoureux, d'un amour très sincère, d'une jeune fille qui lui préféra un autre. Il décide de la rejoindre pour la reconquérir, la séduire à nouveau et chasser son rival. Comme il est désargenté, il se dit qu'il aura plus de chances de réussir dans son entreprise s'il a quelque argent. Il s'arrête donc en route au casino pour jouer et gagner juste assez pour séduire la belle; il est résolu à ne s'arrêter qu'un moment. Mais, devant la table de jeu, repris par sa passion, il oublie la jeune fille, le but de sa halte, et, faute de savoir résister, perd tout ce qu'il possédait.

1. La passivité

Le personnage est en proie au démon du jeu. Tout se passe comme s'il était possédé, ensorcelé, victime d'un sort. Ce qui saute aux yeux, c'est l'impossibilité, ou du moins la difficulté de se libérer de ce penchant. Le passionné se trouve dans un état de servitude, si bien que Kant compare la passion à une véritable maladie: "La passion est une gangrène pour la raison pratique" (Anthropologie, §81). Elle est un obstacle pour la raison en tant que celle-ci a pour but une action morale. Elle est comparée par Kant à une maladie - une maladie de la volonté? D'ailleurs, le mot grec qui désigne la passion (pathos) signifie aussi maladie (d'où "pathologique"). Or, la maladie, c'est ce que je subis, ce dont je ne suis pas responsable - le malade est soigné, non puni. En effet, on ne peut juger de la moralité d'une action que si elle a été accomplie librement. Si j'agis sous l'effet de la contrainte, en réalité je ne suis pas le sujet de cet acte. De même sous l'effet de la passion si elle me prive de mon libre arbitre. Je n'ai donc aucun mérite si l'action est bonne, ni responsabilité si elle est mauvaise. La passion est comme une maladie, mais d'une espèce particulière: la gangrène, une fois qu'elle s'est mise dans une blessure, s'étend à tout le membre. De même, la passion, une fois qu'on lui a cédé. Le désir de vengeance, par exemple, s'entretient lui-même: plus il est vif, plus on y pense; et plus on en retourne l'idée dans sa tête, plus il s'avive. De même la jalousie, "monstre aux yeux verts qui se nourrit de lui-même" (Shakespeare, Othello). Cette passion, une fois qu'elle s'est insinuée dans le cœur du jaloux, n'a pas besoin de faits réels pour s'alimenter, elle s'entretient elle-même. La rumination de l'offense reçue fait peu à peu du désir de vengeance une idée fixe dont le caractère obsessionnel apparente la passion à une maladie de l'âme. La passion, une fois qu'on lui a cédé, n'a plus de raison de cesser. Pour la satisfaire, il en faudra toujours plus. Le joueur pourra tout miser, jusqu'à la ruine, l'avare entasser un vrai trésor et pourtant vivre dans la misère. Quant au débauché, il lui faudra des plaisirs toujours plus nombreux, raffinés et variés pour satisfaire son appétit. On se lasse des plaisirs que l'on obtient. Cette accoutumance engendre des besoins toujours plus nombreux. La passion est donc, par essence, insatiable. Le passionné ne pourra jamais être satisfait. C'est pourquoi Platon, dans Gorgias, compare l'âme du passionné à un tonneau percé: la passion témoigne d'un désir, d'un manque qu'il est impossible de combler.

2.

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