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Eloge de la frontière ( R. Debray )

Commentaire d'oeuvre : Eloge de la frontière ( R. Debray ). Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  19 Novembre 2014  •  Commentaire d'oeuvre  •  974 Mots (4 Pages)  •  834 Vues

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Eloge de la frontière (R. Debray)

Pour Régis Debray, si l’humanité contemporaine se plaît à s’imaginer qu’elle irait mieux sans frontières, c’est parce qu’elle va mal et ne sait comment guérir. Et si l’Europe est en pointe dans ce mouvement, c’est parce qu’on y va, dans l’ensemble, encore plus mal qu’ailleurs.

Le culte du « sans frontière » n’exprime, pour Debray, que l’angoisse de vivre – angoisse d’être un être, c'est-à-dire d’avoir des limites, des frontières, des bornes, pour marquer ce que l’on est et ce que l’on n’est pas. Le culte du « sans frontière », nous dit Régis Debray, exprime un désir d’anéantissement. Et la propagande bruxelloise, qui nous vante la « civilisation » rendue possible par l’unité, ne recouvre que l’effacement du distinct, de ce qui est enclos – et donc de la cité, et donc de lacivilisation.

De toute manière, fait encore observer Debray, la réalité du monde contemporain, c’est la multiplication des frontières. Depuis 1991 et la chute de l’URSS, on en a tracé 27.000 kilomètres supplémentaires. Une fois de plus, les esprits à la mode ont une mode de retard. Pendant qu’ils nous chantent le « trans », « l’open », le « light » imprécis et flou, les vieilles fractures se réveillent, partout. Et le mode de gestion qui leur convient n’est pas la dénégation, mais au contraire la codification, l’inscription dans le signe, dans l’écrit, sur la carte. On nous dit que le monde s’unifie, c’est faux : il éclate. On nous dit qu’il faut moins de frontières pour surmonter des fractures dépassées, c’est encore plus faux : ce sont les frontières qui permettront de rendre les fractures vivables, alors qu’elles ne cessent de prouver qu’elles sont tout, sauf dépassées.

Voilà la thèse.

 

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L’argumentaire, à l’appui de cette thèse, est très simple. Debray le développe longuement, de manière quasiment poétique, mais on peut le résumer en quelques paragraphes.

Tracer une frontière, explique Debray, est la condition sine qua non pour disposer d’un espace à organiser, donc pour rendre possible une organisation, quelle qu’elle soit. La séparation est la mère des êtres, et sans êtres distincts, il n’y a pas de cosmos à organiser. Le « cosmopolite » même n’est possible que parce qu’il existe des « polis » distinctes, dont les interactions forment le cosmos. Si l’univers entier était un tout non fragmenté, ni cosmopolitisme, ni esprit de clocher ne pourraient être, car ils ne pourraient être par opposition l’un à l’autre. Sans frontières, la pensée même devient impossible, parce qu’il n’est plus envisageable de créer des oppositions.

Une fois la frontière tracée, on fois qu’on sait qui est à l’intérieur et qui n’y est pas, on peut organiser l’espace circonscrit. C’est parce que cet espace est circonscrit qu’il peut être organisé, c’est à dire devenir un tout organique. C’est pourquoi la frontière présente toujours un caractère sacré : elle est à la racine du Vivant. C’est aussi pourquoi on crée des frontières à l’intérieur de la frontière : ces frontières internes permettent de créer des espaces de sacralité hiérarchisée. La limite, la séparation, la frontière est la mère de l’être, toujours. La peau est

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