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Autrui est-il une entrave à la liberté d’être moi-même ?

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Par   •  10 Mai 2015  •  6 194 Mots (25 Pages)  •  1 492 Vues

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Autrui est-il une entrave à la liberté d’être moi-même ?

I. Qui est « autrui » ?

Autrui est cet autre moi, une individualité propre et unique, qui en tant que tel est radicalement autre que moi mais en même temps similaire à moi-même. Autrui est donc à la fois même et autre.

Le rapport à autrui présuppose dès lors une rencontre qui est celle de deux subjectivités, une subjectivité qui est celle de la profondeur d’un moi incarné, d’un égo. Autrui est donc celui qui relève de la dignité humaine, de ce statut particulier abordé par Kant (Cf. Le dernier point sur le chapitre consacré à la morale).

La rencontre avec l’autre rappelle donc que « je ne suis pas seul », que mon rapport au monde n’est pas spécifiquement celui de l’introspection, de la solitude mais du domaine de l’action et plus spécifiquement de l’interaction et de l’intersubjectivité.

*Intersubjectivité : Relation, rencontre de deux subjectivités.

Si le sujet se donnait par une méditation profondément isolée avec Descartes, que le « je » se construisait ainsi dans une solitude extrême est-il réellement possible de concevoir une conscience issue d’un tel solipsisme ?

*Solipsisme : Attitude qui consiste à considérer qu’il n’existe aucune autre certitude et aucune autre réalité que le moi pour le sujet pensant.

Méditations Cartésiennes (1929, Conférence). Si Husserl reprend ici le doute cartésien comme commencement philosophique, il y introduit une nuance. En effet, Husserl ne nie pas l’existence du monde mais refuse de lui donner son assentiment pour tenter de comprendre la manière dont le monde se donne justement, la façon dont il se constitue dans une conscience. Ce retour sur soi est une véritable mise entre parenthèses du monde et d’autrui mais à laquelle Husserl souhaite éviter l’écueil du solipsisme. Dès lors, comment une autre conscience peut-elle se donner ? Comment être sûr de son existence ? Pour que le monde soit, il ne doit pas être uniquement pour moi, mais aussi pour autrui… Pour donner une objectivité au monde, il faut qu’autrui se fasse pleinement subjectivité…

Mais si autrui semble aller de soi au quotidien, sa nature reste cependant complexe en tant que conscience incarnée, esprit et corps. Car c’est bien la conscience qui distingue autrui des « choses » pour le hisser à la subjectivité. Paradoxalement, la conscience d’autrui ne m’est ni visible, ni accessible. Les vécus personnels d’autrui me sont à jamais impossibles à faire miens et pourtant « je pose autrui comme un autre ego » : l’alter ego. Autrui est donc un autre moi, un possible reflet de moi-même puisque nous partageons des tendances mais ce reflet diffère et m’échappe…

Ce reflet qui m’échappe s’avère cependant essentiel. Pour Husserl, le « je » ne se donne en effet jamais au contraire de Descartes que dans un rapport à l’altérité. « Je » me construis ainsi dans une compréhension réciproque, par une relation à autrui qui répond, qui échange quand je l’interpelle et qui me permet de me comprendre, de me saisir.

Si autrui m’est d’une certaine manière à jamais inaccessible en raison de ses vécus intimes qui ne peuvent s’appréhender, ma conscience n’est pas pour autant un fait isolé. « Je » n’est pas cette substance posée face à l’autre et au monde mais justement, cette ouverture à ce qui est autre. « Toute conscience est conscience de quelque chose » rappelle que ma conscience est irrémédiablement une visée, une projection vers… le monde, mon semblable,… Ma conscience est ainsi incessamment tournée, orientée vers quelque chose qu’elle cherche à englober. L'intentionnalité souligne en effet l’ouverture de la conscience au monde ainsi que la manière dont elle se focalise sur un objet. La conscience est toujours un rapport (même dans la réflexivité). Le « je » est donc chez Husserl une subjectivité transcendantale, c’est-à-dire une ouverture essentielle à l’autre et au monde.

Une ouverture qui se fait tout d’abord sous la forme de mon corps. Car c’est d’abord par le corps et par ma chair que je me vis et me saisis. C’est cette même chair qui me donne une image du monde, des sensations… En effet, j’ai immédiatement une vision de la chair de l’autre qui me permet de noter une ressemblance entre ses attitudes et les miennes, tout en constatant qu’il ne s’agit pas de mon corps. Une ressemblance qui me permet de supposer en l’autre une conscience propre dans sa manière d’incarner l’existence (le distingue de la chose, de l’automate). Autrui m’apparaît donc d’abord par analogie, par un processus où une similitude se remarque.

Ensuite, je peux par l’imagination, me transposer, me mettre à la place de l’autre. C’est une volonté de comprendre l’autre, d’accéder à sa conscience et à ses vécus qui m’échappent. Cette transposition à l’autre est un fait « spatial » de l'imagination : je suis ici mais aussi d'une certaine façon là-bas. Ce processus peut s’apparenter à une forme d’empathie qui littéralement signifie ce que je ressens d'autrui. L’empathie permet ainsi un accès à l'autre. C’est cette empathie qui dote l’autre d’une conscience, d’un ego.

L’intersubjectivité n’est en conséquence plus seulement une relation à autrui, un rapport entre deux subjectivités mais cette manière où je cherche à faire « comme si » j’étais à la place de l’autre. L’intersubjectivité est à plus forte raison le monde car « moi-même » j’existe pour autrui. Il y a une reconnaissance réciproque de nos existences qui constitue une communauté de sujets : ce n’est pas un monde en soi, objectif, mais un monde pour et par les hommes. Avec Husserl, autrui est donc un être en moi, pour moi. Il est dans mon monde, dans la perception que j’en ai. Mais autrui est au-delà de mon monde en tant qu’il possède sa propre perception du monde, son propre monde.

II. Le regard de l’autre, une prison pour « moi ».

Huis clos (1944): Inès, Estelle et Garcin sont morts et se retrouvent en Enfer, dans un salon bourgeois. Leur sort est d’abord d’une totale étrangeté pour eux. Où se situe la torture dans ce salon ? Mais s’ils s’interrogent sur leur condamnation, les damnés ne cessent en l’occurrence de se faire passer pour des victimes.

Inès n’est qu’une martyre, punie pour son homosexualité. Estelle, une pauvre et belle orpheline

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