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 Michael Fried ; De l'antithéatralité

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Par   •  5 Janvier 2023  •  Commentaire de texte  •  2 096 Mots (9 Pages)  •  172 Vues

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 Michael Fried ; De l'antithéatralité

''Question de la forme''

     Nous allons maintenant revenir sur le sous chapitre nommé « Question de la forme » car il permet d'éclairer la portée des analyses de Fried sur les courants de l'art de la modernité ainsi que les enjeux philosophiques qui y sont attachés. Nous allons nous recentrer par l'analyse de ce chapitre sur la question du médium, de l'autonomie esthétique de la forme et de l'impact de l’œuvre sur le spectateur et les autres formes d'art ou de discours. Nous avons plus tôt dans le cours que Fried comme Greenberg s'inscrivent dans les débats contemporains sur la forme et la structure ou le contenu. Le formalisme attaqué pour sa tendance à laisser de côté le contenu subit aussi des brèches de l'intérieur. Nous reviendrons sur les points communs et les différences entre Fried et Greenberg qui sous tendent notre texte. De plus il s'agira de montrer l'importance d'auteurs comme Lukacs et Merleau Ponty dans la pensée de Fried.

Notre texte est en quelques sortes un commentaire que fait Fried sur sa démarche de philosophe et d'historien de l'art à travers en particulier des ouvrages comme « Art et objectité » et « Frank Stella : forme et conviction ». L'auteur partira de ses analyses sur les tableaux de Stella, Olitski, et Noland. Fried reprend le questionnement sur le médium du début. A partir de Manet, l'effort dans l'art ne semble plus être dirigé vers la représentation mais vers le médium lui même, la question de la forme ''s'ancre dans les tableaux eux-mêmes''. Cette question trouve son acmé dans les années 1950 / 1960 avec notamment le peintre New-yorkais Frank Stella. Ce qui occupe Fried c'est en particulier les Black Paintings de Stella exposés en 1959. Il s'agit d'une série de toiles qui présentent des bandes noires parallèles séparées par de fins traits de blanc. Au nombre de 23 elles sont peintes à la main avec des brosses larges. La différence entre tous ces quasi-monochromes sont les orientations des bandes, les angles choisis etc... La volonté de Stella est d'abord de sortir de l'illusionnisme spatial, cet espace optique illusoire qui singe la profondeur. Le problèmes était en fait double, artistique et méthodologique. Artistique dans le problème de l'organisation de la surface et méthodologique dans l'effort pour ne pas laisser une brèche de profondeur qui briserait la pure forme. La peinture est en fait contrainte au renouvellement, à l'invention en permanence pour attirer l'attention sur la planéité de la surface picturale. L'inventivité de Stella permet de mieux répondre à ces problèmes que celle des cubistes que Fried prend pour exemple. Stella rend compte du caractère explicite et littéral du support esthétique avec des techniques comme le principe de symétrie qui permet de remplir l'espace mais qui doit être supplanté par la densité de couleur. De plus avec le motif de la bande, cela donne un effet de saturation de la surface. Les interstices non peints sur la toile son nécessaire pour créer une tension avec le reste. En effet on comprend qu' un véritable monochrome uni serait encore dans l'illusion de la profondeur et que les espaces entre les bandes de Stella sont des éléments dynamiques, positifs qui donnent à voir la planéité du support. Nous avons dans l'exposé précédent que Fried voit chez Stella le concept de continuité de la forme, entre la forme dépeinte (intérieure) et la forme extérieure (médium).

Nous remarquons que cette analyse dans son caractère conceptuelle est partagée par Greenberg quand celui-ci parlait d'autocritique de la peinture moderniste, de volonté de ramener la peinture à son médium. Mais Fried prend une nouvelle direction dans sa pensée. En effet, l'analyse de la forme chez plusieurs artistes modernistes et la question de l'opticalité étaient extrêmement importantes pour rendre compte du nouveau rapport de la peinture à son médium mais cela semble tout de même incomplet car l'opticalité n'est pas suffisante pour penser une œuvre qui ''emporte la conviction'', c'est-à-dire qui puisse résoudre la tension entre opticalité et caractère littéral de l’œuvre. Cette tension réside dans la question générale face à la peinture moderniste de Noland ou Olitski : est-ce des œuvres ou des objets ? La peinture moderniste se trouve dans une situation où elle doit redoubler d'efforts pour se faire œuvre à travers l'affirmation de sa forme. Nous voyons apparaître chez Fried une notion forte que nous pouvons illustrer en empruntant le concept de distinction à Bourdieu, à la fois séparation et raffinement. D'un côté la peinture doit affirmer la puissance de sa forme, de l'autre cette affirmation permet précisément une distinction d'avec les autres formes. Mais précisons que chez Bourdieu, la distinction qui s'effectue par des pratiques culturelles pouvant s'apparenter à une affirmation de goût personnels cache en réalité une logique sociale. La logique du jugement de goût est l'appartenance à un groupe social ce qui dissimule une lutte des classes pour la distinction.

Cette idée nous permet de faire une transition avec le penseur marxiste Georg Lukacs dont Michael Fried s'inspire beaucoup et dont certains concepts peuvent nous éclairer sur la conception de la peinture moderniste de Fried et ses rapports à Greenberg. Le recours de Fried à l'hégéliano-marxisme s'explique par l'histoire des questionnements qu'il traite. On a observé que approximativement depuis Manet, la peinture employait toute son industrie à s'autonomiser. Or la caractéristique propre d'une peinture est sa force critique. Elle est a elle même sa pratique et sa théorie. C'est ce que Fried à pu appeler la négativité de l'art, le fait de ne pouvoir avoir qu'une approche critique de l’œuvre. De ce fait l'art est un langage qui suppose le méta-langage de la critique. Cela induit nécessairement le débat dans le méta-langage c'est-à-dire le conflit. La dialectique historique de l'art que propose Fried est donc nécessaire pour penser la continuelle autocritique des solutions formalistes.

Rappelons un instant la position de Greenberg ) Celui-ci a aussi fait mention d'une dialectique dans ses travaux. En effet il analysait la rupture qu'a été la peinture moderniste par rapport à l'âge classique à travers une dialectique historique. Greenberg historicise le passage à la peinture moderniste et le modernisme en lui même. L'exposé sur Greenberg nous a rappelé que Kant pouvait être considérer comme le premier moderniste au sens large car il a été le premier à questionner les limites de la logique et de la philosophie de l'intérieur, de son médium en somme. Cet exemple montre bien que la rupture chez Greenberg est ancrée historiquement, elle correspond à un moment précis. C'est à travers une évolution historique dialectique d'autocritique que l'art renforce sa cohérence avec lui même. Fried va défendre Greenberg contre les accusations de téléologie en montrant que sa conception de la logique de l'art n'est pas linéaire mais circulaire et rétrospective. En revanche Fried est très critique de l'historicisation de Greenberg car il fige les conventions à un instant T dans l'histoire. La réduction moderniste de Greenberg fait apparaître pour lui des conventions essentielles et des conventions éliminables ou réductibles. Or Fried semble refuser cette essentialisation et cela se comprend avec l'utilisation qu'il fait de la philosophie de Merleau Ponty qui n'est pas sans rapport avec la dialectique historique que nous évoquions.

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