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L'image n'est-elle qu'une illusion?

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Par   •  15 Décembre 2020  •  Dissertation  •  3 075 Mots (13 Pages)  •  1 242 Vues

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L’image n’est-elle qu’une illusion ?

L’image peut se définir comme la représentation matérielle ou mentale d’un objet. L’illusion, quant à elle, est une croyance ou une opinion fausse abusant l’esprit par son caractère séduisant selon le Dictionnaire de philosophie de Jacqueline Russ.

Ainsi, nous pouvons voir qu’il existe un rapport nécessaire entre le réel et l’image car elle est, d’après sa définition, une représentation d’un objet dans le réel.

Nous pouvons nous demander comment définir l’image en rapport avec le réel ?  Peut-elle être vraiment définie que comme une illusion ?

Dans un premier temps, nous verrons que l’image peut être une illusion lorsqu’elle se présente comme la chose même. Dans un second temps, nous montrerons que l’image peut aussi se présenter paradoxalement comme un outil d’accès au réel. Enfin, nous expliquerons que l’image peut être un moyen de s’évader du réel.

Le mouvement de pensée selon lequel l’image est une illusion du réel, une vulgaire copie qui entrave l’accès à celui-ci trouve son origine dès l’Antiquité grecque. En effet, Platon est perçu comme le philosophe qui, le premier, théorisa le problème de l’image et la critiquera pour son caractère d’illusionniste.  Dans La République Livre X, Platon nous explique le problème de « l’image simulacre », c’est-à-dire, l’image qui se fait passer pour la chose réelle. La chose réelle, la chose vraie, c’est l’Idée de la chose. Platon prend l’exemple du lit : le lit réel, c’est l’Idée de lit, la réalité ontologique du lit indépendante des manifestations du lit qui existent dans le monde sensible. Pour Platon, le problème de l’image ne réside pas dans le lit construit par l’artisan se constituant comme un rapport entre le lit sensible et l’Idée de lit mais réside dans les images qui reproduisent l’apparence du lit dans le monde sensible, le lit perçu, comme le lit peint. Platon, pour illustrer sa pensée, critique, à travers un dialogue entre Socrate et Glaucon, le peintre, qualifié « d’imitateur » et de « charlatan ». En effet, le peintre dupe les regards de ceux qui posent les yeux sur une peinture bien faite. Les regards sont fascinés par l’image, captivés et le spectateur oublie le caractère représentatif de l’image. L’image fait oublier qu’elle n’est pas réelle, empêche donc la connaissance du réel et amène à ne plus « distinguer la science, l’ignorance et l’imitation ».

Près de deux millénaires plus tard, Pascal met en lumière une autre dimension au problème de l’image dans ses Pensées. Pour Pascal, l’image donne de la valeur aux choses de manière illégitime et irrationnelle. La fascination qu’exerce l’image sur le regard entrave l’examen rationnel nécessaire au don de valeurs aux choses. Ainsi, l’image « donne le respect et la vénération aux personnes, aux ouvrages, aux lois, aux grands. » C’est par l’imaginaire, c’est-à-dire la faculté de représentation de l’esprit, que l’être humain valorise les choses conforment à l’image que l’esprit se fait de ses choses. Pascal donne l’exemple du magistrat : la valeur que je donne à la parole d’un magistrat dépend de la conformité de l’apparence du magistrat à l’image que je me fais du magistrat. Je donne de la valeur aux paroles des magistrats car « leurs robes rouges, leurs hermines, dont ils s’emmaillotent en chats fourrés, les palais où ils jugent, les fleurs de lis » leur donnent une image conforme à celle que j’ai d’un magistrat mais j’échappe à l’examen rationnel de leurs connaissances, de leurs intelligences, de leurs facultés de juger, de leurs compétences… J’échappe, par l’image, à la réalité des choses. Par conséquent, bien qu’un magistrat soit compétent : « que la nature lui ait donné une voix enrouée et un tour de visage bizarre, que son barbier l’ait mal rasé, si le hasard l’a encore barbouillé de surcroît, quelques grandes vérités qu’il annonce, je parie la perte de [sa] gravité. »

Cette pensée n’est pas sans écho aujourd’hui. En effet, dans quelque profession que ce soit, une certaine « image à tenir » est nécessaire. Les avocats portent toujours une robe noire, les hommes politiques des costumes, les cérémonies de commémoration sont sujettes à de nombreux rituels…

Il semble donc qu’à notre époque comme à celle de Pascal, à l’inverse du célèbre proverbe, l’habit fait le moine, l’image fait la chose. Mais, de surcroît, à notre époque, l’image se substitue au réel.

Nous vivons dans un temps où le numérique occupe la place, sans doute la plus grande, dans notre monde. À l’ère de l’image numérisée, de la publicité, conséquence de la société de consommation, l’image se trouve empreinte d’une nouvelle dimension. En effet, l’image numérique, au contraire de l’image peinte, sculptée, photographique, ne repose plus sur un modèle réel. Elle est le modèle, elle naît informatiquement, à l’aide d’ordinateurs, grâce à des algorithmes de toutes sortes. Puisqu’elle ne s’appuie plus sur le réel, l’image est le réel lui-même. Ce règne de l’image est ce que le philosophe Baudrillard appelle « l’hyper-réel ». Baudrillard dans son ouvrage Simulacres et simulation, expose cette idée selon laquelle l’image « n’est plus celle (…) d’un être référentiel, d’une substance », il existe en notre temps une abolition du rapport entre l’être et son image sensible. Cette scission a de nombreuses conséquences négatives. En effet, l’image n’est plus, comme il en était question précédemment un « obstacle épistémologique », pour reprendre le terme de Bachelard, c’est-à-dire une entrave néanmoins surmontable à la connaissance du réel, l’image devient le réel lui-même et donc, l’accès à l’essence de celui-ci est impossible. Par conséquent, face à ce nouveau réel, l’être humain perd le sens des choses, de l’objet. Au temps de la société de consommation et de la publicité, l’image de l’objet qu’il faut vendre ne reflète pas la valeur d’usage de l’objet mais le « signe » social qu’apporte l’objet au consommateur. Par exemple, la publicité pour une montre ne renverra pas au fait que cette montre permet de voir l’heure mais qu’elle sera signe, image de richesse, d’élégance dû à sa marque, aux matériaux avec lesquels elle est fabriquée… La montre perd sa valeur d’usage, elle ne sert plus à voir l’heure mais est une distinction sociale. De plus, l’image numérique crée une identification. Le problème réside dans le fait que l’on ne s’identifie plus à une image du réel (une simple photographie par exemple) mais à une image qui ne repose sur aucun modèle. Il en résulte un mal-être général car l’image numérique est inatteignable, nous nous identifions et voulons ressembler à une image qui repose sur une absence de réel, ce que véhicule l’image est en somme impossible à atteindre. De ce « vouloir ressembler » aux images numériques découle donc une surconsommation infinie de produits qui prétendent faire atteindre ces nouveaux idéaux et, plus grave, une explosion des maladies mentales comme l’anorexie, maladie où l’on s’affame afin de ressembler aux modèles de beauté inatteignables.

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