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Le dernier wagon

Commentaire d'oeuvre : Le dernier wagon. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  28 Novembre 2017  •  Commentaire d'oeuvre  •  594 Mots (3 Pages)  •  499 Vues

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La chaleur étouffante des beaux jours envahissait l'habitacle, obligeant les voyageurs à essuyer de leurs manches, déjà salies par la poussière du charbon, la sueur qui perlait aux coins de leur visage. À mesure qu'ils répétaient ce geste, des traces sombres s'amoncelaient sur leurs pommettes saillantes et leur front plissé, donnant à ces hommes et femmes aux yeux vitreux un air de mineurs couverts de suie. Seuls ceux qui avaient été les premiers à monter, dès lors installés près des fenêtres, se découvrirent d'une joie non dissimulée un filet d'air frais continu, tandis que les autres juraient d'avoir, pour une fois, trop de matière pour s'habiller.

Leurs mains moites, qu'aucun accoudoir ne venait supporter, trituraient tantôt le rebord d'un chapeau, tantôt le fil qui dépassait des coutures grossières des vêtements raccommodés. Ces mains, qui, autrefois douces et potelées, avaient passé ces longs trajets à ramoner un nez ou à frotter des yeux à demi-clos, étaient abîmées, écorchées par les poutres qu'il avait fallu poncer, pleines d'ampoules dues aux champs qu'il avait fallu labourer, sèches à cause des vêtements qu'il avait fallu lessiver. C'était désormais au tour de ces mains fatiguées de menacer la joue rebondie d'un enfant et de lui taper les doigts quand il les mettait là où il ne fallait pas. En réalité, elles n'étaient pas les seules que le temps avait amochées ; les dos, après tant de journées de durs labeurs, avaient finis par se courber, si bien que les dossiers tout en bois des banquettes ne faisaient que les élancer ; les pieds, comprimés dans des sabots usés, ne brinquebalaient plus au rythme du roulement machinal du train, n'ayant que trop peu de place pour s'y essayer.

Même baignée par les rayons du soleil, la voiture noire de monde nageait dans l'obscurité. En pleine journée, il était hors de question d'allumer les lampes à huiles suspendues aux quatre coins ; les premières et deuxièmes classes en auraient jasé des jours entiers. Sans lumière, les robes difformes des dames aux coiffes savamment rafistolées paraissaient plus ternes qu'elles ne l'étaient déjà ; elles s'accordaient non seulement au teint cireux des occupants du wagon, mais aussi au wagon lui-même, qui, défraîchi, ressemblait à une carcasse métallique sans vie. Ce n'était pas tant les pans de ces robes de piètre ouvrage qui bruissaient constamment ; mais davantage ce conglomérat de personnes réunies en un espace si restreint, qui se cognaient tant de fois les jambes contre celles d'à côté qu'elles en venaient à découvrir des marques bleutées sur leur peau si fragile.

Au-delà de ce bruit de fond, aucun son ne sortait de ces lèvres malgré tout remuantes : imperceptiblement, la bouche d'une mère anxieuse se crispait, celle d'un homme aux cheveux poivre et sel s'humectait, sans qu'aucune parole ne soit versée. Quelques fois, un râle souffreteux ou un babillement venait rompre ce silence assourdissant. Le cliquetis habituel de la machine qui berçait la plupart des songeurs, ne cessait que lors des entrées en gare, accompagnées d'un strident coup de frein et du sifflement des soupapes bouillantes, les tirant brutalement de leurs réflexions. De rares personnes, soulagées d'être

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