Étude de la pièce de théâtre Dom Juan de Molière

Dom Juan

Le XVIIe siècle fut marqué par une grande remise en question. Alors que l’excitation de la découverte scientifique se heurtait aux mœurs sévères de la religion, laissant l’humanité dans la plus grande confusion, les artistes de cette époque, choqués, inspirés par leur milieu, se mirent à dépeindre leur environnement d’une façon toute nouvelle. Laissant désormais place au rêve, au surnaturel, ils saisirent les métamorphoses, le mouvement, les contrastes, comme il ne leur avait jamais été permis de le faire, prenant souvent des libertés audacieuses pour traduire leurs pensées. C’est ce qu’on nomma le courant baroque. Un des célèbres écrivains de cette époque trouble et confuse, Molière, a connu un franc succès à travers les temps avec sa pièce Dom Juan. Tout porte à se demander si cette œuvre est empreinte de cette essence caractéristique du courant baroque. L’utilisation de tons variés, le caractère libertin du personnage principal et l’intervention du fantastique sont toutes des preuves que la pièce Dom Juan fut belle et bien inspirée par ce célèbre courant littéraire.

Tout d’abord, la pièce Dom Juan met en contraste deux tons fort différents, la comédie et la tragédie, ce qui démontre bien la nature baroque de la pièce. Au milieu du XVIIe siècle, un courant littéraire appelé Classicisme livrait une féroce opposition au Baroque. Alors que le théâtre classique prônait la sobriété et l’unité, son rival baroque employait dans ses pièces des tons variés afin de parvenir à un résultat plus instable et coloré. Ainsi les rires de la comédie se mêlaient-il à la vive émotion de la tragédie. On peut remarquer cette caractéristique dans la troisième scène de l’acte premier, alors que Done Elvire somme Don Juan de lui fournir des explications quant à ses escapades, Sganarelle répond : "Madame, les conquérants, Alexandre et les autres mondes sont causes de notre départ. Voilà, Monsieur, tout ce que je puis dire." Cette insertion de comique à même une des scènes les plus tragiques laisse bien entrevoir que l’auteur cherchait ici à dédramatiser la pièce, à alléger le climat. Bien que de telles légères incursions se retrouvent à divers endroits dans la pièce, Molière ne s’en contente toutefois pas ; si le premier acte se voulait un acte de tragédie, le deuxième, quant à lui, en est un de comédie : une sorte de parenthèse comique qui prouve bien que l’auteur aime mélanger les genres. La scène première de cet acte fait intervenir deux paysans qui discutent avec une grande fantaisie verbale et qui utilisent un nombre incalculable de jurons : " Regarde la grosse Thomasse, comme elle est assotée du jeune Robain : alle est toujou autour de li à l'agacer, et ne le laisse jamais en repos; toujou al li fait queuque niche ou li baille queuque taloche en passant. " La seconde scène est une parodie des scènes de galanterie alors que la troisième scène n’est rien d’autre qu’une scène de farce avec son abondance de didascalies et de jeux d’esquive. Par le mélange de deux genres théâtraux contraires, Molière confère une attitude tout à fait baroque à son œuvre.

Par ailleurs, Molière ne pouvait qu’être sous l’influence baroque lorsqu’il décida de doter son personnage principal d’une pensée libertine et d’un caractère aussi choquant pour l’époque. Le théâtre classique s’était donné pour but d’éduquer la noblesse par des pièces dont les personnages présentaient un modèle de courage, de culture, de courtoisie, de galanterie et d’élégance. En contrepartie, le théâtre baroque, éternel rebelle, n’était pas soumis à de telles règles et usait avec audace de cette liberté pour mettre en scène des personnages

...