Sur Les Champs d'Honneur, Jean Rouaud

Littérature du 21ème siècle

Dissertation

Dissertation sur Les Champs d’honneur de Jean Rouaud, avec une citation d’Alice Ferney.

« Peu de destins individuels demeurent longtemps éclairés pas l’Histoire. Cet ensevelissement des noms et des hommes dans le passé parait plus injuste lorsqu’ils ont enduré une guerre. Pourtant, cette convulsion historique, qui fait drame dans leur vie, ne change rien à l’oubli promis aux héroïsmes anonymes. [… [Le temps, dont ils furent la matière, passe à autre chose trouve ses fibres neuves. La passion de ce qu’il fut s’émousse. L’intérêt d’estompe. La mémoire se polarise. La violence des événements se dissipe. L’actualité renouvelle les objets de l’attention. La connaissance des êtres – ce qu’ils ont fait, la manière dont ils l’ont fait – disparaît. »

Cette citation d’Alice Ferney propose une réflexion sur la vanité de l’action humaine dans l’Histoire et a un rapport très lié avec le roman de Jean Rouaud, Les Champs d’honneur. Ce roman a été publié en 1990 et est le premier tome d’une série de cinq livres autobiographiques. Ce récit raconte l’histoire familiale du narrateur, l’action se déroule dans la Loire-inférieure au vingtième siècle. C’est donc l’histoire de trois personnes d’une même famille qui meurent à quelques jours d’intervalle : le père (Joseph), la grande tante (Marie) et le grand-père maternel (Alphonse). Jean Rouaud commence à avoir le désir d’écrire à cause de ces morts tragiques qui ravivent le souvenir de la disparition de deux frères de la famille, Joseph et Emile (les grands oncles du narrateur), victimes de la 1ère Guerre Mondiale. Il s’agit ici d’un récit sur la vie, la mort, le temps, la famille et la mémoire.

C’est ce que nous allons voir à travers la citation d’Alice Ferney. Nous nous demanderons donc si l’œuvre de Jean Rouaud illustre le rapport des hommes face à l’Histoire. Pour cela, nous analyserons tout d’abord le récit puis dans un second temps, le fait que ce roman soit en réalité un hommage.

Jean Rouaud renouvelle le genre de l’autobiographie en mettant en avant les figures de son enfance, il dresse en quelque sorte un portrait familial. En effet, en s’appuyant sur des archives, le narrateur recompose l’histoire de sa famille. De plus, il décrit comment l’Histoire collective traverse les destinées individuelles des anonymes. Tout au long de son récit, Jean Rouaud nous décrit sa famille, une famille heureuse mais touchée par des décès récents et rapprochés qu’il a évoqué. Ce roman est donc l’exploration d’une mémoire familiale entre la guerre de 14 et les années 60. La description familiale commence par celle de Joseph, le père. Ce dernier se tient au creux de la symphonie familiale. Par ailleurs, l’écriture de Jean Rouaud est née de la disparition de Joseph lorsqu’il n’avait que onze ans. Le père, contrairement aux oncles, n’est pas « mort à la guerre », sa mort n’a aucun rapport avec l’Histoire. De plus, la mort de Joseph est l’élément déclencheur pour le début de l’écriture de Jean Rouaud.

Malgré que cette disparition soit le début du désir d’écrire de Rouaud, celle du grand-père maternel est l’événement qui marque l’œuvre. En effet, la 1ère partie du roman est consacrée seulement à Alphonse Burgaud, le grand-père. De plus, c’est lui qui remet en ordre dans la boîte, les papiers de la famille du père du narrateur, ce qui permet à ce dernier de comprendre où commence la mélancolie familiale, dans la boue des tranchées de la Grande Guerre, que nous verrons plus tard.

Vient ensuite le grand-père paternel, Pierre et la tant Marie. Cette dernière est quelqu’un de très important pour le narrateur et pour l’Histoire. En effet, c’est une figure de relais de l’écrivain. C’est d’autant plus une figure de mémoire car elle dresse un pont entre deux Joseph, son neveu et son frère mort pendant la guerre de 1914-1918. Elle est perçue, dans le roman, comme une religieuse et ses paroles sonnent comme des vérités supérieures que Jeans Rouaud recueille dans son enquête. Ce dernier s’est fixé l’objectif de restituer sa mémoire au sein de ses écrits. Elle est la deuxième personne à mourir, précédé d’Alphonse.

Arrive ensuite la grand-mère paternelle, la « Grande Aline ». Son destin est assez tragique car elle a fait, de nombreuse fois, face à la mort, en particulier avec ses enfants morts nés. Joseph est le seul qui a survécu. De plus, elle fait encore face à la mort car plusieurs membres de sa famille sont morts.

Enfin, pour finir cette fameuse description familiale et donc ce roman autobiographique, il y a la grand-mère maternelle, Mme Burgaud. Cette dernière a permis à Jean Rouaud de mettre en place ce récit familial puisqu’elle meurt vers 1987 et que Les Champs d’honneur sont publiés en 1980.

Pour conclure sur ce point-là, Jean Rouaud met en écriture sa famille en devenant leur porte-parole. Mais malgré que ce soit une sorte de récit autobiographique, le narrateur n’est pas très présent au sein du récit.

Bien qu’il soit intra-diégétique, c’est-à-dire qu’il fait partie de la diégèse (de l’histoire) racontée, le narrateur n’est en réalité pas présent tout au long du récit. En effet, il est porte-parole de siens et a renoncé au pronom personnel « je » pour laisser place au « nous » et au « on » et ce, pour se faire passer comme un passeur anonyme de mémoire. De plus, malgré que sa présence soit constance, il n’apparait pas comme une « réelle » personne dur récit. On pourrait croire qu’il est en réalité hors du récit et qu’il est omniscient, qu’il se content juste de raconter une histoire. Son seul objectif est de décrire les mémoires des siens, tout en restant anonyme à l’histoire. De plus, il garde une sorte d’intimité face aux lecteurs car le nom de famille Rouaud n’est jamais

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