Supplément au voyage de Bougainville, Diderot

   Le XVIIIème siècle est un siècle marqué par les Grandes Découvertes et la colonisation de ces nouveaux territoires. En 1769, après être revenu d'un voyage autour du monde et entre autres de Tahiti, Bougainville publie un récit de son voyage. Diderot utilise ce texte comme support pour écrire en 1772 le « Supplément au voyage de Bougainville ». Dans ce récit, il écrit le discours d'un tahitien envers Bougainville et de manière plus générale aux colons venus d'Europe. A travers ce discours et ce personnage, Diderot soutient le peuple indien et fait réfléchir au comportement à tenir. On se demande alors : comment Diderot prend-il parti au peuple indien et comment fait-il réfléchir aux comportements européens ?

Je montrerai d’abord que Diderot fait un blâme de la société européenne, mais qu’il fait dans le même temps un éloge de la vie dite « sauvage » et je terminerai en expliquant la stratégie argumentative utilisé par Diderot pour faire adhérer à son jugement.

   A travers le discours du vieillard tahitien, Diderot condamne la société européenne. En effet, il associe les habitants du Vieux-continents au champ lexical du crime avec les mots « brigands », «féroce », « vol » , « vengé », « méprisable »… Diderot dénonce tous les méfaits de la société européenne mais les associe également à un fléau. Effectivement, dès le début de l’extrait le vieillard dit qu’ils ne peuvent « que nuire » et les accuse de vouloir effacer de leurs « âmes son caractère ». Diderot n’exprime par-là que la réalité en parlant d’effacer leur âme et donc culture, puisqu’une des raisons des conquètes de l’Amérique était de convertir les indiens à la religion chrétienne et donc d’effacer leurs croyances païennes. L’Europe est vue de façon très péjorative par les habitants du Nouveau-Continent. Notons que Diderot ne s’exclue pas de cette civilisation négative puisqu’il termine le monologue en qualifiant le mouvement des Lumières de « inutiles », or il est un des acteurs clés de ce mouvement. Il écrit même que les Lumières ne valent pas l’ignorance des indiens.

    Pour blâmer la société occidentale, Diderot, dans le discours du tahitien, redistribue les rôles entre indiens et colons. Le tahitien interroge directement Bougainville en lui demandant de façon rhétorique ce qu’il en penserait si les indiens agissaient de la même manière en Europe. A travers ces questions rhétoriques, il montre d’abord au lecteur que l’indien est l’égal de l’européen puis il amène le lecteur à se demander qui est vraiment le barbare: l’indien comme le laisse croire les préjugés ethnocentrés ou bien l’européen ? Il ne laisse cependant pas la place du doute au lecteur, il est évident pour Diderot que les indiens se comportent de manière éduquée et qu’ils ne sont pas centrés sur leur propre culture mais ouvert au monde, tandis que l’européen est vu comme un barbare. Diderot dénonce à travers ces quelques questions rhétoriques : l’esclavage puisqu’il montre que l’indien est égal aux colons, il dénonce aussi le comportement hostile des européens et leur irrespect pour les populations découvertes.

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