Sujet : « Un Livre Digne De Ce Nom Est Toujours De Son époque Par L'esprit Qui L'anime »
Commentaires Composés : Sujet : « Un Livre Digne De Ce Nom Est Toujours De Son époque Par L'esprit Qui L'anime ». Recherche parmi 298 000+ dissertationsPar lily2412 • 21 Janvier 2015 • 1 803 Mots (8 Pages) • 910 Vues
Il nous faut très souvent du temps pour savoir si un livre appartient à une époque
particulière ou s’il est de toutes les époques. Beaucoup d’écrivains, s’interrogeant sur leur
œuvre, se sont questionnés sur ce problème. Tel est le cas du romancier Julien Green (1900-
1998) qui, dans son Journal, a écrit : « Un livre digne de ce nom est toujours de son époque
par l’esprit qui l’anime. » Selon l’auteur de Frère François, un bon livre est un livre qui
traverse les modes et les époques particulières ; un grand roman, par le message qu’il porte,
est toujours d’actualité. Mais cela est-il possible ? Un livre peut-il toujours être actuel, quelles
que soient les époques ?
Nous verrons dans un premier temps qu’il existe effectivement des romans qui
transcendent les époques. Puis, dans un second temps, nous démontrerons que certains
romans peuvent revenir de manière cyclique, selon les événements. Enfin, nous pourrons
observer que des romans appartiennent à toutes les époques, sauf à celles qui les a vus naître.
L’histoire de la littérature nous offre des œuvres qui ont toujours nourri l’humanité,
quelles que soient les époques. Il serait intéressant d’analyser ces exemples afin de
comprendre si ces œuvres sont réellement universelles et pourquoi elles le sont.
Constatons tout d’abord qu’il existe des structures qui régissent l’humanité, sans que
celle-ci en ait réellement conscience. À ce sujet, l’anthropologue Claude Lévi-Strauss signalait
qu’avant l’avènement de la modernité, les mythes prenaient en charge l’intelligibilité du
monde en développant différents codes explicatifs, comme le code de la création des espèces,
le code de la régularité de l’univers, le code de l’origine et du rôle du langage, etc. Avec
l’apparition de la science moderne à partir du XVIIe siècle, le mythe s’est retrouvé dépouillé
de son rôle de compréhension du monde. Seuls deux codes explicatifs n’ont pu être pris en 2
charge par la science : l’amour et la mort. C’est à partir de là qu’a pu se constituer la
littérature moderne, qui met en cohérence l’amour et la mort à travers des fictions. Tristan et
Iseult, œuvre anonyme du XIIe siècle, illustre bien ce point évoqué par Lévi-Strauss. Si la
science n’a pas pu mettre en cohérence l’amour et la mort, c’est parce que ces deux
constituants de la nature humaine sont universels et échappent à toute forme de
quantification. Tristan et Iseult est une histoire de l’amour impossible qui ne peut déboucher
que sur la mort. À ce titre, elle touche des structures fondamentales de l’homme qui
échappent au temps et à l’espace, qui peuvent se retrouver en tout temps et en tout lieu.
C’est pour cette raison que ce thème universel se retrouvera dans des œuvres très différentes,
comme Tristan et Isolde de Richard Wagner et Roméo et Juliette de Shakespeare.
Si des œuvres peuvent être universelles en touchant les structures fondamentales de
l’humanité, c’est souvent de manière inconsciente et sans la volonté explicite de l’auteur. Un
écrivain peut-il produire un livre digne de ce nom à portée universelle dans une stratégie
consciente ? Gustave Flaubert fait partie de ces écrivains qui ont revendiqué un objectif aussi
ambitieux. Madame Bovary a été écrit avec l’intention consciente de faire appartenir cette
œuvre à toutes les époques. « Un livre, cela vous crée une famille éternelle dans l’humanité »,
écrit Flaubert à Louis Bouilhet le 26 mars 1854. C’est pour s’attabler avec cette « famille
éternelle » que Flaubert a volontairement effacé tout ce qui pouvait appartenir en propre au
XIXe siècle, et que toutes les époques puissent se reconnaître dans ce roman. Flaubert
cherchait plus la réalité universelle de l’homme, que les particularités de son temps. Cela
touche d’ailleurs profondément le XIXe siècle : Nietzsche, contemporain de Flaubert, appelait
ce projet d’être toujours actuel, c’est-à-dire jamais, être « inactuel » - ou « intempestif » selon
les traductions. C’est sans doute pour cela que Flaubert (tout comme Nietzsche) s’est
intéressé à la bêtise, qui est selon lui la caractéristique humaine qui transcende les époques.
Par la description de la bêtise, qui cherche toujours à conclure, Flaubert parvient à toucher
un aspect fondamental des structures de l’humanité, dans un projet littéraire volontairement
et consciemment élaboré.
Par conséquent, nous pouvons voir qu’il existe des œuvres qui transcendent les époques,
car elles touchent des réalités profondes de la nature humaine. Non seulement ces œuvres
intemporelles existent, mais elles peuvent être consciemment écrites dans cet objectif.
Cependant, ces romans inactuels ont-ils tous un parcours aussi linéaire ?3
Il est en effet possible qu’un roman, malgré son intemporalité, connaisse un parcours
cyclique,
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