Soigne Ta Chute

Menace pour l'intensité physique et psychique, l'expérience mère-fille est cependant vécue comme irrévocable. Balzano offre pourtant à cette jeune fille un moment où elle pourrait retourner à sa jeunesse, et rattrapper ce qu'elle avait perdu chez sa propre mère. Avec cette prostituée, l’immigrante devient nostalgique, innocente et jeune. Sur le même continuum la femme est devenue objet. Malgré cette description étroite et sexiste d'une femme aux cheveux de poupée, Balzano présente un personnage qui essaie de voir hors de son assoupissement physique et social. En créant une tension dynamique entre mère et la société qu'elle refuse, Balzano explique que si cette nouvelle femme est devenue un objet-poupée, au moins elle garde une sorte d'identité. Enfin, il faut se rappeler que cette femme poupée donne à l’immigrante l’occasion de s’attacher à elle. C’est ce lien, aussi compliqué qu’il soit, dont la fille a besoin. Ce qui a le plus attiré notre attention dans ce cas de la prostituée-poupée, c’est le rôle paradoxal qui y est accordé à la jeune fille. Elle continue à assister à un psychodrame où, comme dans le cas de sa mère confrontrée à la police, elle prend la responsabilité d'une autre femme adulte affaiblie devant la grande main de l'Homme qui la gifle : « Je dis, là là pour couvrir ses petites plaintes de chien. » (STC 28) C’est justement le titre de poupée qui offre à la fille un ordre, une façon de s’organiser. La métaphore de la poupée indique que le renversement des rôles de mère/fille s’applique aussi dans ce cas. Malgré le manque d’expérience amoureuse avec sa mère, l’immigrante fait l’effort de soulager la douleur de cette femme en retournant à l’âge de six ans.Il y a dans la conception de ce personnage une mélange des images. Dans le cas de l'image de la poupée, cette femme est à lire dans un sens bipolaire. C'est à cause de sa marginalité qu'elle donne à la narratrice l'occasion de devenir une jeune fille, de recommencer sa jeunesse. Cependant, Balzano n’oublie pas que cette fille doit rester celle qui soigne sa chute, celle qui aide la femme tombée.La femme blessée symbolise une image de la féminité abusée, prostituée.Elle recommence avec son sourire. Je pense à tous les mecs qu'elle a dû faire fondre rien qu'avec ce sourire. Ça se voit à son dentier impeccable, à sa veste de laine bouclée, à ses jeans bien serrés sur ces petites cuisses maigres d'ancienne pute, à ses nouvelles bottes hautes en plastique (STC 28-29).Toujours à travers la langue maternelle du silence, cette femme se présente avec son sourire. La description est verticale, les dents parfaites, les jeans, les bottes. Lorsque la narratrice lève les yeux du trottoir pour observer l’ombre de cette femme en costume, elle comprend sa réalité de prostituée. Nous l’identifions non pas parce qu'elle est « dégueulasse et vulnérable, » (STC 28) mais à cause de l’image d'un être humain servant de jouet d'enfant qui se transforme en une « pépée », une femme servante d'ornement. Au-delà d’un métier immoral, nous retrouvons une femme disciplinée et ordonnée, une femme dont la narratrice a besoin. Nous sentons le désir de Balzano de sortir la fille migrante du patriarcat qui a rendu sa mère folle.La prostituée introduit une dimension

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