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Restrictions littéraires : le thème de l'injustice en banlieue

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Par   •  31 Janvier 2015  •  Analyse sectorielle  •  2 885 Mots (12 Pages)  •  584 Vues

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Rédiger une nouvelle/Sujet d’invention.

Domaine : Sociologie

Contrainte littéraire : Thème l’injustice dans les banlieues.

Auteure : Marie-France Rachédi.

Deux fées pour « Leïla »

« Bienvenue dans la « cité des paradis » » Tu parles, de Paradis, elle n’en a que le nom ! Pensa tout haut Mathilde, occupée à trouver une place sécurisée pour garer sa voiture. Assistante sociale, affectée depuis tout juste un an aux quartiers Nord de la ville de Marseille, Mathilde détestait se rendre sur le terrain, elle était effrayée ! Certes, elle avait dans le cadre de sa formation, étudié la sociologie et lu de nombreuses études sur la vie dans les cités décrites comme de véritables microcosmes avec leurs liens de solidarités, leurs codes mais aussi leurs lois implacables. Qu’ils vivent en banlieue parisienne ou en périphérie de grandes villes comme Marseille, les jeunes y étaient confrontés aux mêmes maux : famille déstructurée, échec scolaire, chômage, racisme, univers guerrier où l’on doit s’imposer par la force. Mais entre la théorie et la pratique, Mathilde constatait un énorme fossé. C’est une chose de découvrir ces éléments à travers les livres, c’en est une tout autre que d’aller se frotter à ces populations… Pourtant, elle n’avait pas le choix ! Mener des enquêtes de terrain faisait partie de son métier. Dès qu’un signalement était effectué, par l’école, des éducateurs, des voisins, il fallait aller vérifier sa justesse, à la justice de prendre ensuite le relais pour savoir s’il fallait retirer l’enfant ou les enfants de leur environnement familiale ou, comme dans le cas présent, pour la petite Leïla, 10 ans, signalée absente depuis près d’un mois à l’école, prendre une sanction administrative en supprimant, par exemple, les allocations familiales. C’était, en effet, ce qui l’amenait aujourd’hui dans cette cité grisonnante où les barres d’immeubles se serraient les unes contre les autres, toute aussi laides et sordides « Si ça s’est le Paradis, songea l’assistante sociale, je me demande ce qu’est l’enfer ! ». Comme chaque fois, une sorte de vertige la prenait devant cette désolation urbaine où le béton trônait en maître même si certains utopistes avaient vainement tenté de recouvrir par des tags qui se voulaient artistiques mais ne contribuaient qu’à rendre cet univers encore plus désespérant !

« Tiens là, près de l’école, c’est le coin le moins risqué je pense, ils ont encore un peu de respect pour l’institution ». La voix chantante de Joëlle, venait de tirer Mathilde de sa rêverie maussade. Joëlle était aussi brune que Mathilde était blonde, aussi pétillante et pleine de vie que Mathilde était réservée et morose. Elle était native de Marseille et, sans qu’elle ne le lui ai vraiment dit, Mathilde pensait qu’elle était issue de ces Cités. Elle les connaissait par cœur, comprenait ses habitants et montraient beaucoup d’empathie pour les jeunes. Elle était assistante sociale depuis maintenant 15 ans et n’aurait « pour rien au monde changé de métier », comme elle le répétait en riant à qui critiquait sa profession.

La présence de Joëlle rassurait Mathilde, elle semblait naviguer dans ses ilots de misère, de désolation et d’insécurité comme un poisson dans l’eau. Elle ne craignait pas de s’y rendre, distribuant des sourires et des bonjours à la ronde : « marche d’un pas assuré, lui conseillait-elle et tu verras, tout ira bien ». Mathilde tentait chaque fois de cacher son malaise et sa peur. Elle baissait les yeux pour ne pas croiser le regard de ces bandes de jeunes qui tenaient les murs, parlant fort, se chahutant sans cesse, s’interpellant dans une langue que Mathilde avait beaucoup de mal à comprendre. Le langage des jeunes des cités était partie intégrante de cet univers socioculturel à l’opposé de celui de Mathilde qui venait d’un milieu socio-économique plutôt favorisé où la famille se composait d’un père, d’une mère et de deux enfants, chacun sa chambre et son bureau pour étudier. Les sorties au musée, théâtre, expositions diverses coulaient de source, l’été à la mer, l’hiver à la montagne entre les deux, les études, très important ! Joëlle se prenait parfois à imiter ces jeunes, sans méchanceté mais avec tellement de justesse : « Ouech, ma sœur, c’est quoi ton zéro six ? », ce qui faisait beaucoup rire Mathilde. Mais Joëlle savait aussi être sérieuse et consciente des difficultés de la majorité des populations du quartier Nord de Marseille, s’engageait bénévolement au côté d’associations de lutte contre la pauvreté, de réinsertion, de solidarité. Elle continuait à lire les études sociologiques sur la vie des cités afin, comme disait-elle, de ne pas être déconnectée de la réalité. Récemment, elle s’était enthousiasmée pour le livre du sociologue Thomas Sauvadet : « Les jeunes Guerriers des cités » ponctuant sa lecture de « c’est vrai ça !», ou de « tout à fait !» ou encore « c’est vraiment de pire en pire leur situation ! ». Tiens, avait-elle commentée une fois à l’intention de Mathilde, tu vois ce que je t’expliquais, Thomas Savadet l’a constaté dans son enquête. Il dit que la population des cités n’est pas homogène. Il mentionne trois catégories : les « repliés », les « installés » et les « précaires ». Voulant échapper au discours militant de Joëlle, Mathilde avait fait semblant d’être concentrée sur son travail, ignorant l’intervention. Mais il en fallait plus pour décourager cette passionnée. Selon-lui, avait-t-elle poursuivi avec son accent pointu qui avait parfois le don d’énerver sa collègue, les repliés seraient les mieux lotis. Ce sont en fait des jeunes couples, cadres célibataires, ou des retraités. Ils n’entretiennent pas de contact avec les gens de la cité et se préparent surtout à en sortir. Les « installés », eux, sont intégrés dans la cité. Ils représentent les classes populaires pauvres mais, toujours selon le sociologue, leur sort est tout de même plus enviable que celui des « précaires ». Eux, ce sont les pires, les pauvres ! Ce sont ceux que nous rencontrons le plus souvent de part notre profession ! Chômeurs, mères célibataires, travailleurs intérimaires, ils vivent de l’aide sociale, les familles sont souvent déstructurées, le père se montre souvent inexistant, parfois alcoolique, les mères seules gèrent des enfants entassés dans un petit logement. C’est bien cette catégorie là que nous côtoyons hein Mathilde ? » avait-elle questionné dans un dernier effort pour attirer l’attention de sa collègue.

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