Restif de la Bretonne, La Découverte australe par un homme volant, 1781

Restif de la Bretonne, La Découverte australe par un homme volant, 1781.

Restif de la Bretonne (1764-1806) est le fils d’un paysan aisé de l’Auxerrois. D’abord imprimeur (« prote »), tenté un temps par la prêtrise, il échappe à ces obligations professionnelles pour vivre de sa plume : il est connu comme l’un des plus abondants polygraphes – à la limite de la graphomanie – du XVIIIe siècle.

La Découverte australe par un homme volant, ouvrage publié en 1781, met en scène le voyage à bord d’un aéronef d’étrange facture de Victorin, le héros, en quête de sa bien-aimée Christine. Ce fil romanesque fournit un prétexte loisible à mettre en scène des voyages imaginaires teintés de fantastique et de merveilleux comme le XVIIIe siècle littéraire les a tant aimés. L’univers austral – auquel notre héros vient tout juste d’aborder dans le passage qui nous occupe – permet à l’auteur de mettre en scène une société utopique, constituée d’hybrides et d’hommes-animaux, au sein de laquelle, comme nous le verrons, tous les aspects de la vie sociale (le travail et les relations amoureuses en particulier) font l’objet d’un strict encadrement de type patriarcal.

Le roman est contemporain des récits de voyage si nombreux au XVIIIe siècle, notamment ceux de Cook, Bougainville ou La Pérouse, et pose la question philosophique d’une utopie qui prend la forme d’un bonheur imposé à tous : quelle(s) fonction(s) remplit alors cette utopie ? comment y démêler le fantastique du merveilleux ? quelle critique sociale peut s’y lire en plein ou en creux ?

On peut commenter brièvement les noms quand leur construction est significative ; c’est ce qui s’appelle faire de l’onomastique. Le personnage Teugnil semble bien posséder le titre de Mégapatagon (=énorme Patagon). « Teugnil », avec le hiatus et cette gutturale centrale ([g]) nous place d’emblée dans un imaginaire du Sauvage, d’une forme de primitivisme.

Inégalité des conditions en Occident : débouche sur le pire emploi des qualités des uns et des autres. Critique ciblée : « Chez vos Européens » ; opposition soulignée par la répétition de la locution adverbiale : « au contraire ».

Sens commun qui ne pourrait se trouver que « dans l’état du milieu » : comme votre camarade l’a bien relevé, dans ce contexte pré-révolutionnaire, l’état du milieu renvoie de manière transparente à la petite bourgeoisie, dont Restif de la Bretonne était lui-même issu. Refus aussi bien de la prolétarisation complète des très pauvres que des « Privilèges » qui créent une aristocratie hors-sol, déconnectée du « sens commun ».

Partage Public-Privé respecté : ce n’est pas le cas dans toutes les utopies.

En filigrane : critique de ce que l’on n’appelle pas encore la taylorisation.

Crainte de la répétitivité des tâches, de leur ultra-spécialisation, au sein d’une société européenne qui est encore en pleine révolution industrielle – révolution dont nul ne connaît encore à ce moment-là les conséquences ni la finalité dernière.

☞ Karl Polanyi, La Grande Transformation, passage brutal à une société fondée sur le travail et la production, là où l’Ancien Régime reposait essentiellement sur une hiérarchie de valeurs intangibles (l’honneur, la foi, la monarchie de droit divin).

Commenter ensuite les idées sur l’éducation : hiérarchie des connaissances ? manières d’assurer la transmission. Ne pas hésiter à bien décrire et reformuler les arguments de l’auteur, pour être sûr de bien restituer son propos à votre auditoire ou à votre lecteur, ensuite vous pouvez interpréter davantage.

Idées rousseauistes sur l’Éducation, respect (relatif) de la liberté individuelle, mais dans quelles limites ? Partage plutôt « archaïsant » entre les hommes et les femmes, et Patriarcat (les vieillards dirigent le pays).

Urbanisme qui est bien dans une ligne assez « totalitaire », que l’on retrouve dans les utopies précédentes (de Campanella par exemple) aussi bien que dans des utopies plus récentes (heureusement non réalisées, comme la Berlin revue par Albert Speer, l’achitecte d’Hitler).

Blaise Cendrars, L’homme foudroyé, 1945

Blaise Cendrars, né en 1887 à La Chaux-de-Fonds sous le nom de Frédéric Louis Sauser, est un aventurier, bourlingueur, journaliste, écrivain de renommée internationale, dont le parcours épouse toute la première moitié du XXe siècle. Engagé volontaire au sein de la Légion Étrangère, il est gravement blessé à la fin de l’année 1915 et son bras droit est amputé : sa traversée de la première guerre mondiale sous le grade de caporal donnera lieu à au deuxième volume de son autobiographie entamée en 1945 sous le titre La Main coupée. Essentiellement connu comme poète proche de toutes les avant-gardes (d’Apollinaire à Modigliani) et de la bohême de Montparnasse avant le déclenchement du premier conflit mondial (La prose du Transsibérien, premier poème « moderniste » de langue française), il abandonne l’écriture littéraire au début des années 1920 avant de signer quelques-uns de ses grands succès : L’Or (1925) et Moravagine (1926). Devenu grand reporter, il ne renouera définitivement avec la « grande » littérature qu’au sortir de la Seconde guerre mondiale avec sa quadrilogie : L’homme foudroyé (1945), La main coupée (1946), Bourlinguer (1948), Le Lotissement du Ciel (1949).

...