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Prochain Episode D'Hubert Aquin

Compte Rendu : Prochain Episode D'Hubert Aquin. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  27 Janvier 2014  •  1 164 Mots (5 Pages)  •  1 688 Vues

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La grande originalité de Prochain Episode réside dans la subtilité de l'auteur, la même qui lui permet de raconter une histoire d'espionnage tout en déconstruisant ce genre, et plus encore en réinventant le processus d'écriture. Dans cette œuvre, Aquin raconte, plus qu'autre chose, l'histoire d'une écriture, de la création, l'histoire d'un auteur en panne d'inspiration.

Pour se découvrir, Aquin use de la littérature qui reste, malgré l'omniprésence du narrateur (et donc de lui-même), un personnage essentiel à son roman.

I) Écrire pour exister : une littérature identitaire

S'il ne se redécouvre peut-être pas en écrivant Prochain Episode dresse tout de même son portait, entre son arrestation pour port d'arme et d'autres événements propres à sa vie. Plus encore, ce recueil est l'expression de sentiments, de réflexions, et la mise en perspective des doutes qui étouffent l'auteur. Plus qu'un simple roman d'espionnage, il est surtout traversé par une sorte de quête, une quête identitaire, celle consistant à trouver, pour l'écrivain, des réponses à ses questions. Si cette recherche se termine par un échec, il n'en reste pas moins qu'elle est mise en mot, et dans une perspective tout à fait inédite, plus encore pour la littérature québécoise. A travers une prose presque poétique, un refus d'être dans la norme, et une tendance ouvertement suicidaire, Aquin dépeint un tableau où tout lecteur s'enlise et où la confusion règne. Des thèmes prédominent la trame du roman, et font bien souvent partis des préoccupations premières d'Hubert Aquin, comme la révolution, le suicide, l'inédit, l'écriture, le mouvement, l'art... Plus que d'écrire l'histoire d'un agent double en Suisse, il rédige ses interrogations existentielles et les partage aux lecteurs si bien que celui-ci en devient affecté. Après tout, sa vision marginale du monde, de la société voire même des gens qui l'entoure apparaît comme perturbante. C'est d'ailleurs surement son but, de déranger celui qui lit, puisqu'il ne cesse de placer des pièges tout au long de ses lignes, comme si lui-même était difficile à cerner. On ressent presque son écriture comme le reflet de ce qu'il est, brouillé, étrange, complexe, suicidaire, extrémiste, aventurier, vrai. Pourtant, ce roman n'est pas un roman psychologique, il s'approche plus d'une autofiction -comme on l’appellerai aujourd'hui-, d'une fiction rétrospective. Et la littérature, ici, ou du moins l'écriture, permet à l'auteur de se décrire sur quelques feuillets, et de rédiger une sorte de journal intime, puisqu'en partageant ses doutes, il s'ouvre aux lecteurs.

Il n'empêche néanmoins que cette « autofiction » est un processus de découverte d'un homme, de l'auteur, caché derrière son narrateur, son porte-parole. Aucun des personnages n'a de nom, entre le protagoniste anonyme, H. de Heutz avec trois identités, ou encore « K ». Et le narrateur s'entremêlent avec ces deux personnages-symboles.

Car, bien sûr, K n'est autre qu'une allégorie, celle de la femme-pays, un symbole de l'idéal révolutionnaire que chérissait Aquin.

II) Écrire pour résister : une littérature révolutionnaire

L'aspect révolutionnaire de l'auteur transparaît inévitablement tout au long de l’œuvre, puisqu'elle va de paire avec l'aspect identitaire. Plus qu'une quête d'identité individuel de l'écrivain, c'est également, si ce n'est surtout, une quête collective identitaire, celle de tout un peuple. Sa soif de rébellion, il la montre sous divers aspects, à différents niveaux. D'abord avec K, et l'amour qui unit le protagoniste et cette étrange entité. Bien souvent, les phrases d'Aquin confondent cette relation avec K et sa relation à la révolution. De plus, ses références constantes à certains événements clés de la révolution québécoise et de cette tentative d'arriver à avoir un pays, que ce soit dans les dates où bien dans les lieux symboliques, prouvent bien qu'il tente de rendre compte d'un besoin révolutionnaire. Sa première phrase elle-même est pleine de signification politique, et il prend la plume pour défendre son idéologie propre. D'une certaine manière, écrire est aussi politique, et l'auteur est dans une relation de pouvoir : il a le contrôle sur ses personnages, son intrigue, et il prend les décisions. Si écrire permet de résister, cette activité semble également permettre à l'imagination d'atteindre des idéaux gardés interdits dans la réalité.

Et bien sûr, si ces idéaux restent inatteignables dans la réalité, malgré leur apparente proximité dans la fiction, c'est que, quelque part, l'écriture a ses limites, des limites parfois dévastatrices pour celui qui croit à ce que la fiction montre.

III) L'écriture et ses limites : une littérature de l'échec

Un des thèmes principaux de ce Nouveau Roman, et qui d'ailleurs participe grandement à l'originalité de cette œuvre, c'est l'échec. La perspective de l'erreur, d'une fin décevante. C'est à travers cette prédominance de l'échec qu'il parvient à créer de l'inédit dans un genre aussi codifié que celui du roman d'espionnage, puisqu'en créant un anti-héros plutôt qu'un personnage canonique, un homme tourmenté plutôt qu'un surhomme, un être marqué par l'échec plutôt que par la réussite permanente, il parvient à ouvrir le genre de l'espionnage sur d'autres perspectives. Plus encore, l'échec et sa place centrale viennent aussi se lier au processus de l'écriture : réussir à créer. Des centaines de problématiques côtoient étroitement la capacité d'écrire, comme le syndrome de la page blanche qui est en soit une sorte d'échec, ou bien l'idée d'écrire de l'inédit, ou encore choisir les bons mots. L'écriture, en tant qu'exercice périlleux, est remplie d'échec. Tout comme cette révolution qu'Aquin tentera de réaliser toute sa vie. Ou bien encore le suicide qui marquera la fin de son existence. L'échec est un thème essentiel dans ce livre, mais également dans la vie de l'écrivain ou dans celle de tout le peuple québécois. Et ainsi, l'écriture n'est qu'une expérience déceptive, au final, puisque c'est créer un idéal ou un monde fictionnel, pour ensuite ne jamais le voir. Ce n'est qu'une illusion, et la réalité apparaît ensuite terne et moins intéressante que cette fameuse imagination. Dans Prochain Episode, il semble que Hubert Aquin illustre sa déception face à un monde peu enclin au langage et à la communication, et l'impact bien plus impressionnant de la violence. Peut-être est-ce également le moyen de trouver une sorte d'excuse à sa volonté de lutter violemment pour ses idées. La littérature n'est autre qu'un piège, comme il s'applique à nous le prouver en déconcertant et en perdant son lecteur sans cesse.

En fin de compte, cette construction -qui s'approche plus d'une déconstruction d'ailleurs- permet d'exposer divers idéaux propres à cette emblème de la littérature québécoise qu'était Hubert Aquin. Entre une redéfinition de l'esthétisme à travers une prose nouvellement poétique, riche de vocabulaire et confuse à la fois, une quête identitaire à la fois personnelle et collective, Aquin parvient même à aborder des thèmes philosophiques et psychologiques dans un roman qui n'est ni l'un ni l'autre. En reprenant ce genre codifié de l'espionnage et en en faisant un tout nouveau récit, l'auteur prouve que l'on peut faire de l'inédit avec des règles, et peut-être pousse-t-il sa réflexion jusqu'à la révolution dont il rêve : la nouveauté peut naître dans un « pays » conservateur. Il met en parallèle révolution et écriture, valorisant le processus plutôt que le résultat. L'écriture d'Aquin apparaît comme une libération. La libération dont il rêve pour son peuple.

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