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Oedipe Par Jean-Pierre Vernant

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Par   •  26 Avril 2015  •  4 693 Mots (19 Pages)  •  985 Vues

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Œdipe, par Jean-Pierre Vernant

Transcription par Taos Aït Si Slimane de l’émission « Les grands entretiens », du 2 mai 2002, consacrée à Œdipe. La journaliste Catherine Unger recevait Jean-Pierre Vernant. Cette transcription a été réalisée à partir des archives de la Télévision suisse romande (TSR).

Je conserve volontairement l’oralité lors de mes transcriptions. Si vous constatez une erreur, coquille, faute, ou si vous pouvez remplacer mes points d’interrogations entre parenthèses qui indiquent un doute sur l’orthographe d’un mot ou un nom merci de me le signaler afin de permettre aux autres lecteurs de profiter d’un texte le plus « propre » possible.

Lire et voir aussi, dans la même série :

 Dionysos par Jean-Pierre Vernant

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 La guerre de Troie, par Jean-Pierre Vernant

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 Jean-Pierre Vernant, Un homme engagé

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 La mort de la Méduse, par Jean-Pierre Vernant

Edito, sur le site de l’émission : Fils de Laïos, roi de Thèbes, et de Jocaste, Œdipe est éloigné du palais familial dès qu’un oracle apprend à ses parents qu’il tuera son père et épousera sa mère. Devenu adulte, Œdipe accomplit son destin…

Jean-Pierre Vernant, spécialiste de la Grèce ancienne et de sa mythologie, professeur honoraire au Collège de France, revient sur cette fameuse histoire d’Œdipe qui inspira fortement Sigmund Freud.

Catherine Unger : Freud en a fait le plus fameux personnage de la mythologie grecque, Œdipe. Jean-Pierre Vernant, professeur honoraire au Collège de France, spécialiste de la Grèce ancienne, règle son compte au fameux complexe. Il nous raconte la tragique histoire de ce héros qui, cherchant qui était le coupable, découvre que c’est lui-même.

Jean-Pierre Vernant, comment présenter Œdipe, le nom sans doute le plus connu de la mythologie grecque, peut-être à cause de Freud, pour des raisons qui ne vous paraissent pas nécessairement bonnes, on y reviendra peut-être. Œdipe dont Malraux disait : « C’est le premier polar de l’humanité », on pourrait dire aussi « Œdipe, un bébé qui naît sous X ». Comment est-ce que vous la racontez, vous, cette histoire de cet homme à la fois parricide et incestueux ?

Jean-Pierre Vernant : Écoutez, j’essaye de la raconter comme les Grecs la racontaient. L’histoire d’Œdipe, c’est une histoire, je crois, qui pour être comprise, exige qu’on remonte plus haut, jusque Cadmos, parce qu’il est un homme de Thèbes. Tout se passe à Thèbes. C’est la mythologie thébaine dans laquelle nous sommes. Alors, Dionysos est revenu à Thèbes et puis la vie continue. Après Cadmos, après Penthée, coupé en morceau, si je peux dire, et la tête plantée en haut d’un thyrse, il y a encore un fils de Cadmos et d’Harmonie, Pandoros ( ?), qui est roi, très peu de temps. Puis très rapidement, le trône de Thèbes qui devrait être occupé par un homme impeccable, comme était Cadmos, béni des Dieux, d’une certaine façon héroïque, ce trône est l’objet de disputes, d’intrigues où les semaient ces guerriers, ces gens de la terre, qui sont nés de Thèbes même, mais qui sont orgueilleux, violents, brutaux, joue un rôle très grand. Finalement, un des descendants de Cadmos, Labdacos, va devenir roi de Thèbes, tardivement et peu de temps. Labdacos, le nom, signifie le boiteux et peut-être que là déjà, y a t-il une indication : la lignée royale, la lignée de Cadmos, qui s’est unie nécessairement à ces guerriers issus du sol, au lieu de se poursuivre droitement est perpétuellement rejetée en oblique.

Catherine Unger : Elle est gauchie.

Jean-Pierre Vernant : Elle est gauchie, Labdacos a attendu très longtemps avant de pouvoir prendre le trône. Il prend le trône et quand il meurt, son fils, Laïos, est tout petit et par conséquent ne peut pas assumer la fonction royale. Non seulement il ne peut pas assumer la fonction royale de son père, Monsieur le boiteux, mais par-dessus le marché il est obligé de quitter Thèbes. Il s’en va finalement et se trouve, quand il est jeune homme, à 18 ans, à Corinthe, chez Pélops, et là, il tombe amoureux, très fort, une espèce de démence érotique, je dirais volontiers, que nous avons déjà vu à l’œuvre, d’un jeune garçon, Chrysippe, le fils de Pélops. Chrysippe le repousse et alors, il se livre là, à une faute très grave : il est l’hôte de Pélops et il violente Chrysippe.

Catherine Unger : Il viole totalement les lois de l’hospitalité…

Jean-Pierre Vernant : Il viole totalement les lois de l’hospitalité en violant l’intégrité de ce jeune garçon. Et Chrysippe, je crois, se suicide à la suite de cet outrage qu’il a reçu. Bien entendu Pélops maudit Laïos. On peut dire, que là aussi, lui, il boite. Il boite sexuellement. Pour les Grecs ce n’est pas une vraie boiterie s’il avait eu un amour régulier, codifié avec ce jeune garçon pour essayer la paideia, l’enseignement, en faire un vrai homme, mais non, l’autre refuse. Il n’y a d’amour que s’il y a réciprocité, comme pour Dionysos et son adepte, « tu me regardes, je te regarde », là, c’est la violence. On ne peut pas confondre la violence d’Arès avec l’amour d’Aphrodite. Il a fait cette faute. Finalement, le trône lui revient comme descendant légitime.

Catherine Unger : Alors, Labdacos, Laïos ce sont : le grand-père et le père d’Œdipe.

Jean-Pierre Vernant : Exactement. Laïos revient à Thèbes et là, il épouse, dans la tragédie, Jocaste, dans d’autres mythes plus anciens elle a un autre nom, peu importe. Il épouse Jocaste et ils n’ont pas d’enfants.

Catherine Unger : Ils ne peuvent pas avoir d’enfants en raison de la malédiction.

Jean-Pierre Vernant : Elle est stérile. La malédiction de Pélops était déjà là, elle ne suffit pas. Ils se demandent ce qu’il faut faire. Il va à Delphes et l’oracle d’Apollon lui annonce : si tu as un fils, il te tuera et il couchera avec sa mère. Il revient un peu révulsé, un peu inquiet. Certains détails, que nous n’avons pas dans la tragédie mais que nous avons dans des commentaires ailleurs, disent que dans ses rapports avec Jocaste, il s’arrange pour qu’il ne risque pas de la mettre enceinte, comme

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