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Nerval Le Bal De Loisy

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Par   •  28 Novembre 2012  •  1 682 Mots (7 Pages)  •  2 022 Vues

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Les filles du feu est un recueil de nouvelles et de poèmes écrit en 1834 par Gérard de Nerval alors interné dans une clinique psychatrique. Cette oeuvre se compose de huit nouvelles (Angélique, Sylvie, Chansons et légendes du Valois, Jemmy, Octavie, Isis, Corilla, Emilie) et d'un ensemble de douze sonnets plaçé à la fin du recueil (Les chimères). Initialement, Nerval voulait intituler ce recueil Amours Perdus. Au sein de cette nouvelle portée à notre étude, Sylvie, il s'agit bien de la perte d'un amour, de son effacement. Dans cet extrait, le narrateur revient au bal de Loisy pour y voir Sylvie, qui fût un temps sa compagne. Il s'agit ici d'une scène de retrouvailles: la narrateur retrouve Sylvie après une longue absence et lui propose de la raccompagner chez elle.

Comment Nerval transforme cette scène de retrouvailles en une scène d'adieu à la faveur d'une mise en scène rêvée, floue et confuse dans un premier temps, puis dans un dernier sursaut, sorte "d'énergie du désespoir" réanime le texte pour la dernière fois tel Orphée voulant sauver son Eurydice ?

Cet extrait apparait comme le "rêve d'un rêve" pour citer Proust. En effet, c'est un moment de pause où le temps semble comme suspendu voir inexistant.Tout est flou, comme si cette scène était regardée à travers un voile. L'heure est "mélancolique et douce" (l.1), "les lumières palissent et tremblent" (l.2): le rythme binaire de la phrase semble ralentir peu à peu le texte. Le lecteur n'a pas de précision sur l'heure exacte, nous devinons être à l'aube avec "aux approches du jour" (l.2) et "le jour commencait à se faire" (l.15). L'endroit où se trouve le narrateur semble être celui d'un entre deux entre jour et nuit. L'aube est un moment particulier (notamment pour les poètes (Rimbaud, Aube)): une heure indicible, un moment éphémère, fragile qui vient décolorer les visions de la nuit comme le montre le verbe palir répéter deux fois : "pâlissent" et "pâles" (l.2 et 5). De plus, l'aube est ce moment de semi-obscurité qui précède le jour. Ici l'idée de clair-obscur est présente tout au long du texte : le verbe "palissent" (l.2) s'oppose à "assombris" (l.3), la teinte "bleuâtre" (l.3) s'oppose aux couleurs "jaunes et blancs" (l.21) des nénuphars, les gens sont "pâles" (l.5) mais l'oeil "noir" (l.12) de Sylvie "brillait" (l.12), "il faisait grand jour mais le temps était sombre" (l.19).

De plus, le temps n'est pas la seule chose suspendue, l'action l'est aussi. Alors que cet extrait est un moment de retrouvailles entre Sylvie et le narrateur, il y a très peu d'action et les deux personnages ne se parlent pas. La seule action que fait Sylvie est de faire "signe qu'elle renoncait à la contredanse suivante" (l.13). De plus, le narrateur opère un découpage synecdochique: Sylvie est évoquée seulement à travers sa "figure fatiguée" (l.11), "son oeil noir" (l.12), "ses cheveux dénoués" (l.16), "son corsage" (l.17), "sa main" (l.16-18). Ainsi, le narrateur semble arriver dans un monde fantôme où tout commence à se dégrader, où le vivant commence à mourir: "la flûte ne luttait plus si vivement" (l.4), "tout le monde était pâle" (l.5), les groupes étaient "dégarnis" (l.5), la figure de Sylvie "était fatiguée" (l.11). C'est encore plus flagrant vers la fin de l'extrait : les cheveux de Sylvie sont "dénoués" (l.16), les fleurs dans sa chevelure "se penchaient" (l.16), le bouquet de son corsage "s'effeuillaient" (l.17), les dentelles sont "fripées" (l.18). Tout se fâne petit à petit. Sylvie elle même devient fantôme, seul son corps reste présent grâce au découpage synecdochique.

La temporalité du récit contribue à rendre confus cet extrait. Nerval (T1 : le temps de l’écriture), écrit son histoire alors qu’il est dans une clinique psychiatrique. Il raconte que le narrateur est retourné au bal de Loisy (T2 : le temps du récit) et qu’il se souvient, une fois là-bas, de la jeune Sylvie (T3: le temps du souvenir), qui désormais a vieilli (T2 à nouveau). En effet, la description de Sylvie, bien que s’effectuant au temps vécu par le narrateur (T2) s’achève sur le souvenir qu’il a d’elle : « Sa figure était fatiguée ; cependant son œil noir brillait toujours du souvenir athénien d’autrefois » (l. 11-12). La démultiplication des temporalités rend flou ce passage et le passé et le présent se mélangent. Le mélange incessant des niveaux temporels correspond à la volonté de rattraper le temps perdu, pour le sauver de l'oubli et attester d'une permanence. De plus, l'utilisation de la première personne "je suis entré" (l.1), permet une identification. En effet grâce à cette première personne, le lecteur est associé aux actions et aux pensées du "Je" narrateur. Ce choix permet que la confusion du narrateur devienne également celle du lecteur: celui-ci est confronté à des effets de zoom et de recul car il suit le regard du narrateur, en focalisation interne. Ainsi, il y a un choix opéré par le narrateur de donner certaines indications et pas d'autres, il y a une hiérarchie des éléments. Certains points sont précis: "à notre gauche" (l.20) et d'autres éléments sont plus flous tels que le temps, le lieu, les personnes qui composent la foule qui devient une sorte de masse où l'individualité n'existe pas, etc.

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