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Musset Lorenzaccio

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Par   •  15 Janvier 2013  •  5 076 Mots (21 Pages)  •  923 Vues

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Lorenzaccio recherches personnelles

Aux sources du drame

Lorenzaccio parait en août 1834, dans le premier volume de la seconde livraison d'Un spectacle dans un fauteuil (Librairie de la Revue des Deux Mondes). Le drame figure ensuite dans l'édition Charpentier des Comédies et Proverbes (1840).

Son écriture est contemporaine de la liaison de Musset avec George Sand, commencée à la fin de juillet ou au début d'août 1833 pour s'achever dans les derniers jours de mars 1834 : avant de rencontrer Musset, Sand avait en 1833 composé une « scène historique » en six tableaux intitulée Une conspiration en 1537, tirée de la douzième nouvelle de l'Heptaméron de Marguerite de Navarre (1558) et de la Storia fiorentina de Benedetto Varchi (publiées seulement en 1721, ces chroniques florentines avaient été écrites entre 1547 et 1548). Musset y puisa l'idée de son drame, mais il a consulté aussi, pour sa part, la Storia fiorentina et fait sur bien des points œuvre originale. A quelle époque faut-il situer sa composition ? Une légende tenace voudrait la placer sur les lieux mêmes du drame florentin : mais il est désormais établi que Musset n'a passé qu'un ou deux jours à Florence et l'on chercherait vainement dans sa pièce le souci de la couleur locale, esthétique dont il était, au reste, l'adversaire déclaré. Enfin et surtout, une lettre du poète à Buloz, du 27 janvier 1834, permet d'affirmer que le manuscrit de Lorenzaccio était intégralement achevé avant le 12 décembre 1833.

Ainsi la pièce de Musset comporte des éléments qui ne se trouvent ni chez Sand, ni chez Varchi. En ce qui concerne la comparaison avec Sand, notons seulement que celle-ci est beaucoup plus proche de Varchi et que sa « scène historique » est beaucoup plus resserrée dans le temps (plus centrée autour du meurtre), plus schématique aussi. Musset ajoute, avec tout ce qui concerne les Strozzi et les Cibo, l'aliment d'une vraie réflexion politique, met en place une vie foisonnante et une dimension philosophique que Sand ignore. Surtout, il s'engage lui-même dans le drame.

La présence de Musset dans Lorenzaccio n'est pas contestable, en effet. Elle se reconnaît immédiatement à un certain accent où se mêlent la gouaille et l'éloquence. Elle se trahit dans certaines répliques de Marie Soderini, qui observe Lorenzo avec le regard triste de la mère du poète, dans certains anachronismes révélateurs (ainsi le souvenir de la mère, dans l'acte I, évoquant son fils rentrant du collège, « tout baigné de sueur, avec ses gros livres sous le bras... », est visiblement autobiographique). La présence du poète s'avoue enfin dans la dissociation du moi, thème récurrent dans son œuvre. Ces deux moi sont partiellement mis en scène dans le dialogue entre Lorenzo et le peintre Tebaldeo et plus encore, à l'intérieur de la conscience du protagoniste, dans l'opposition de ce que fut Lorenzo et de ce qu'il est devenu. Non qu'il faille assimiler sans réserve le Musset de 1833 et l'être odieux dont Florence méprise l'abjection. Mais l'obsession de la débauche, la faiblesse nerveuse, les vertiges, les phénomènes d'autoscopie sont communs à Lorenzo et à Musset.

Plusieurs influences littéraires possibles ont été proposées, en particulier celles de Shakespeare (Hamlet) et de Schiller (La Conjuration de Fiesque). On a noté aussi les traces laissées dans la technique dramatique de Musset par la vogue, vers 1830, du drame historique, où des scènes se juxtaposent en tableaux indépendants. Cette influence du drame romantique n'est certes pas niable, mais il faut garder en tête que, dans l'esprit de Musset, ses pièces ne sont pas destinées à être jouées. Les metteurs en scène qui s'aviseront de monter ce « théâtre dans un fauteuil » rencontreront aussi bien de telles difficultés que la plupart se résigneront à opérer dans le texte des coupes importantes. On sait d'autre part que la première mise en scène à peu près intégrale de Lorenzaccio, assurée par Gérard Philipe, qui interprétait aussi le rôle titre, ne remonte qu'à 1952. C'était aussi la première fois qu'un homme incarnait Lorenzo, la tradition, depuis Sarah Bernhardt, ayant choisi de valoriser l'androgynie du personnage.

Aujourd'hui, Lorenzaccio a manifesté toute sa richesse : comme toutes les grandes œuvres, ce drame est susceptible de se plier avec bonheur à des lectures différentes, sans que sa force en soit épuisée : pièce aux résonances métaphysiques autant que politiques, romantique mais aussi bien « existentialiste », elle nous rend témoins surtout d'une conscience énigmatique et déchirée qui justifie sa place dans notre programme.

Le drame romantique

Né à la fin du XVIIIème siècle du « drame bourgeois », le genre s'impose sur les boulevards et triomphe après la Révolution. Négligeant la psychologie, il accorde la première place à l'intrigue - souvent historique -, aux jeux de scène et vise à procurer des émotions fortes. Sa théorie s'élabore sous l'influence de Shakespeare via les commentaires qu'en ont fait Stendhal (Racine et Shakespeare, 1823) et Hugo (Préface de Cromwell, 1827) :

le mélange des genres : « La muse moderne sentira que tout dans la création n'est pas humainement beau, que le laid y existe à côté du beau.» (Hugo). Le drame fera ainsi se côtoyer, tant dans les situations que dans les individus, le sublime et le grotesque : « tout ce qui est dans la nature est dans l'art », écrit aussi Hugo.

contre les unités classiques : au nom de la vraisemblance, les nouveaux dramaturges s'insurgent contre l'unité de temps et l'unité de lieu. Les drames pourront ainsi multiplier les lieux différents, parfois représentés en tableaux simultanés sur la scène, et dilater à leur gré une intrigue souvent politique qui doit désormais tenir compte de multiples enjeux et rebondissements : « Quelle conjuration a le temps de s'ourdir, quel mouvement populaire a le temps de se développer en trente-six heures ? » (Stendhal). Seule l'unité d'action est reconnue, même si des intrigues secondaires peuvent apparaître et se mêler à l'action principale.

au contraire du drame bourgeois, le drame romantique consacre le type du héros solitaire marqué par une destinée orageuse. Confronté à une société médiocre, celui-ci peut manifester une révolte désespérée, voire suicidaire (c'est le cas du Lorenzo de Musset comme du Chatterton de Vigny). Parallèlement, le drame exploite

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