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Lorenzaccio : L'énigme du Moi

Cours : Lorenzaccio : L'énigme du Moi. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  7 Mars 2013  •  Cours  •  1 212 Mots (5 Pages)  •  613 Vues

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L'énigme Lorenzo

Si l'on se demande quel est le problème central de Lorenzaccio (est-ce le caractère indélébile des traces que la débauche laisse dans le cœur du débauché ? le vice qui stérilise l'âme et tue la faculté d'agir ? est-ce la nostalgie de la pureté ?), on s'aperçoit que tous ces thèmes sont bien traités par Musset, mais qu'ils comptent moins que celui de l'unité brisée. Le héros est habité par une angoisse fondamentale qui ne lui permet pas de s'éprouver identique à lui-même. Ce qu'il recherche dans le meurtre d'Alexandre, c'est sans doute le salut de sa patrie, l'estime des hommes libres, l'apaisement de sa conscience et la louange de la postérité. Mais c'est, avant tout cela, un acte unificateur qui le constituera en personne cohérente (il parle ainsi du meurtre d'Alexandre comme de « [s]es noces »). Pourtant Lorenzo est trop assailli de doutes pour recouvrer l'unité perdue. Comme le note Claude Roy, cet « agent double de la liberté » est « rongé par le personnage qu'il simule ». La duplicité semble être le maître mot de tout cela : le double jeu de Lorenzo est plus qu'une posture stratégique. Il correspond à l'être profond du personnage, déchiré entre des inclinations contradictoires et, du coup, constamment énigmatique aux yeux du spectateur, alors même que celui-ci est prévenu de son masque.

Qui est Lorenzo ? Il nous faut, pour répondre, envisager plusieurs niveaux de perception, qui tiennent à la conduite de l'enjeu dramatique.

pour son entourage, d'abord, jusqu'à l'accomplissement de son meurtre, Lorenzo est Lorenzaccio, c'est-à-dire le complice abject des débauches d'Alexandre. Dans ce surnom péjoratif, entre aussi le mépris que méritent aux yeux de tous la lâcheté et le blasphème. A vrai dire, dans cette unanimité, il faut tenir compte de quelques exceptions dont le rôle est de fortifier l'incertitude du spectateur. Le cardinal Cibo, par exemple, se montre peu enclin à être la dupe de la comédie jouée par Lorenzo : il ne croit pas à son évanouissement devant l'épée du duc («Vous croyez à cela, Altesse ? [...] Cela est bien fort ») et il semble s'être tôt avisé du danger que Lorenzo représente, voire du complot qu'il fomente. Giomo fait état, quant à lui, de vieux soupçons qui se rouillent de temps en temps dans sa tête (II, 6), et Scoronconcolo a deviné, à l'agitation de son maître, qu'il a « un ennemi » (III, 1). Des échos d'un autre Lorenzo nous parviennent aussi : l'oncle Bindo rappelle les armes qu'il a faites à Rome; Marie, surtout, nous parle en mère d'un autre Lorenzo, sage et studieux, « un saint amour de la vérité brillant sur ses lèvres » (I, 6). Philippe Strozzi, avant d'être, le premier, informé par Lorenzo lui-même de la comédie qu'il joue, s'adresse curieusement à lui dans son désarroi, sollicitant l'homme sous l'histrion : n'avait-il donc pas déjà percé à jour sa « hideuse comédie » ? (III, 3).

La personnalité de Lorenzo est soumise ainsi à un feu croisé de projecteurs différents : il est révélé par son discours mais aussi par ses comportements et par les portraits que dessinent de lui les autres personnages. Une onomastique variée traduit cette complexité. Au Lorenzaccio du peuple florentin s'opposent les diminutifs affectueux ou moqueurs du duc : Renzo, Renzino ou Lorenzetta. Ce dernier surnom met l'accent sur une certaine ambiguïté sexuelle de leur relation (le duc appelle Lorenzo « mignon », et souvenons-nous qu'on aperçoit les deux hommes à l'acte I déguisés en religieuses). Renzo, c'est

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