L’ironie : comment l’étudier, comment la décrire ?

L’ironie : comment l’étudier, comment la décrire ?

La conception traditionnelle de l’ironie :

« ironie » dans le dictionnaire de Littré (1863) : proprement, ignorance simulée afin de faire ressortir l’ignorance réelle de celui contre qui on discute ; de là, l’ironie socratique, méthode de discussion qu’employait Socrate pour confondre les sophistes.

Par extension, raillerie particulière où l’on dit le contraire de ce qu’on veut faire entendre. (=définition rhétorique qui passe par un mensonge)

• Mensonge qui est présenté comme tel : il doit être compris comme tel. L’autre doit être capable de saisir le mensonge.

Renvoie à l’idée platonicienne que nous sommes tous plein d’un savoir, qu’il faut faire ressortir.

L’ironie consiste à déstabiliser et est en quête de vérité.

• Travail de mise à nu : on se débarrasse des faux semblants pour aller vers le vrai.
• Relève toujours de la manipulation : est destinée à obtenir quelque chose de l’autre ; mise en avant de ses tords ou de son infériorité par exemple.

Platon, Alcibiade : destruction de l’autre pour reconstruire à partir de cette destruction.

Robbe-Grillet, le Voyeur : utilisation de l’antiphrase.

L’ironie rhétorique s’appuie sur l’antiphrase.

Pourquoi passer par l’antiphrase ?

Idée de se moquer donc d’obtenir quelque chose par cette moquerie.

Candide, Voltaire : « Rien n’était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné… formaient une harmonie qu’il n’y en eut jamais en enfer » 

Vision antiphrastique qui demande au lecteur de passer au dessus ce qui semble être de l’admiration, pour percevoir l’ironie.

Musset, Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée 

Musset s’amuse à opposer la marquise, très heureuse d’être indépendante.

En face d’elle, le conte est amoureux d’elle et la marquise souligne ses arguments d’indépendance.

Le conte l’attaque violemment et face au discours enflammé du conte, la marquise use de l’antiphrase ironique.

1. A la bonne heure au moins ! vous parlez très bien ; à peu de choses prés, c’est comme un livre
2. A votre aise, faites comme chez vous.

• Le marquis se retrouve bloqué et saisit l’ironie de la marquise.
• Fausse invitation qui est un défi ou un refus.

Ce type d’ironie est quasiment lexicalisé avec d’autres verbes à l’impératif comme : « faites comme chez vous ! ».

Problème : Louise a fait une « promenade » cette après-midi ?

La mise entre guillemets correspond à un fait d’intonation particulier ; elle fait aussi signal de mention. Pourquoi ?

Promenade est-il le mot que X (Louise ? quelqu’un d’autre ?) emploie pour parler de ce qu’elle fait et qui ne conviendrait pas.

La possible ironie tient à des questions énonciatives.

Conception énonciative :

Elle se développe dans les années 80 : on parle d’ironie par écho ou par mention.

Modèle proposé par les linguistes D.Sperber et D.Wilson.

Il s’appuie sur deux idées fondamentales :

1. L’ironie verbale met invariablement en jeu l’expression implicite d’une attitude à l’égard d’une pensée dont il est fait écho.
2. Cette attitude est « toujours de l’ordre du rejet ou de la désapprobation ».

L’ironie est un rejet qui se fait de la manière la moins visible possible.

Synthèse des deux lectures :

L’attitude ironique se manifeste dans le cadre d’une « tromperie ouverte », d’un « double jeu énonciatif contradictoire », où l’énonciateur feint hypocritement est paradoxalement d’adhérer à un point de vue qu’il rejette, tout en cherchant.

• D’une part, à prendre pour cible le discours ou l’opinion à laquelle il fait écho.
• D’autre part, à communiquer son propre point de vue, par antiphrase.

Confronté à l’ironie, il est parfois difficile de savoir comment réagir.

On peut aussi finir par voir de l’ironie partout ; qui peut conduire à des contre-sens.

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