Levez-Vous Vite Orages Desires

Au point de départ, il apparaît dans l’extrait que le héros souffre d’une instabilité affective. En ce sens, il est facile de voir que René est déprimé. En effet, la présence d’un champ lexical de sentiments négatifs multipliant des mots tels que « vide » (l. 4), « solitaire » (l. 4), « mélancolique » (l. 9), « tourmenté » (l. 21), « triste » (l. 9), témoigne de façon évident le désespoir le héros. De plus, la métaphore : « Notre cœur est un instrument incomplet, une lyre où il manque des cordes et où nous sommes forcés de rendre les accents de la joie sur le ton consacré aux soupirs. » (l. 10-11), accentue la plainte du personnage et fait de la fragilité émotive une composante de l’âme humaine. L’extrait présente donc un héros qui exprime un état permanent de mélancolie, et dont la désespérance s’applique au genre humain tout entier.

D’autre part, nous constatons que René est exalté. La présence d’un autre champ lexical comprenant cette fois des sentiments totalement opposés au désespoir (« joie »,

« bonheur », « enchanté » et « possédé »), met en lumière des émotions intenses et incontrôlables qu’il ressent parfois. En plus, l’insistance créée par l’accumulation des participes passés (« enchanté, tourmenté et comme possédé par le démon de mon cœur » (l. 22), vient également souligner l’état de fébrilité absolue qui l’envahit. On comprend alors que René est en proie à une exaltation si intense qu’elle frise la démence. Or, cette dualité affective correspond justement à ce que Chateaubriand a lui-même décrit comme le « vague des passions » des premiers romantiques.

Nous pouvons donc affirmer que le texte étudié constitue l’expression individuelle d’un mal de vivre spécifiquement associé au romantisme des aristocrates exilés. Nous avons pu définir le « vague des passions », qui accable le héros, illustrer comment la nature instable est l’image de ses sentiments troublés et, finalement, la mort chrétienne qui constitue l’unique voie de libération. Ce romantisme n’aura qu’un temps, puisque la défaite napoléonienne provoquera des tensions politiques et sociales qui transformeront ce « vague des passions » en « mal du siècle », comme en témoigne le succès de l’œuvre d’Albert Musset, La confession d’un enfant du siècle, publié en 1836.

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