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Les lettres elliptiques de Lagarce / Juste la fin du monde

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Par   •  1 Février 2022  •  Analyse sectorielle  •  2 547 Mots (11 Pages)  •  1 098 Vues

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Jean-Luc Lagarce Juste la fin du monde

                                             

                                                         Suzanne, les lettres elliptiques

analyse linéaire

Jean-Luc Lagarce, dramaturge du XXème siècle, a publié la pièce de théâtre Juste la fin du monde en 1990. Dès le prologue, Louis confie au lecteur/spectateur le secret de sa « mort prochaine et irrémédiable » et le projet qu’il a eu de revenir dans sa famille pour le leur « dire ». L’action de la pièce débute véritablement à la scène 1 : Suzanne, la cadette, manifestement heureuse des retrouvailles, présente sa belle-sœur Catherine à son frère aîné, parti depuis une dizaine d’années. Dans la scène 2, Catherine, qui est la femme d’Antoine, parle à Louis de ses « neveux », qu’il ne connaît pas, et justifie le choix du prénom « Louis » pour le garçon. Le dialogue charrie les banalités, les maladresses, et tente de combler le vide tandis qu’Antoine ne craint pas de souligner par ses remarques que Louis s’est éloigné de sa famille. Au début de la scène 3, Suzanne se retrouve seule avec Louis. Elle sera la seule à parler dans un long soliloque (discours d’un personnage qui se parle à lui-même en présence d’un autre). Elle revient sur le départ de son frère quand elle était petite : elle le lui reproche comme un abandon, « Ce n’est pas bien que tu sois parti ». Suzanne en vient alors à évoquer les lettres à travers lesquelles Louis est resté malgré tout en contact avec sa famille.

Problématique : Comment se manifeste l’ambivalence de la relation de Suzanne à son frère aîné ?

 Découpage : 3 mouvements

Premier mouvement  : les faits : des « lettres elliptiques »

Deuxième mouvement : retour sur le passé : les attentes de Suzanne

Troisième mouvement: l’interprétation de Suzanne

Premier mouvement : Les faits : des « lettres elliptiques » (v1 à 7)

Comme tous les personnages de la pièce, Suzanne hésite quand elle parle, reformule sans cesse son propos, à la fois par souci de trouver la formulation la plus juste et parce que le langage, c’est le domaine de Louis. En effet, on perçoit chez elle à la fois un effort pour être à la hauteur de celui qui est censé bien parler et une gêne, voire un complexe, de ne pas être aussi à l’aise que lui sur ce terrain.

 ● Suzanne commence par évoquer les « lettres » envoyées par Louis

→utilisation de l’imparfait, « tu nous envoyais ». L’adverbe de temps « parfois » est placé en début de phrase et répété à la ligne suivante (anaphore). Cela souligne la rareté des lettres en question.

● Puis, Suzanne se corrige.

→ reprise de la même proposition au présent d’actualité (polyptote : emploi d’un même mot sous différentes formes grammaticales) : « tu nous envoies ». L’épanorthose (correction d’une expression pour la nuancer ou la renforcer) lui permet d’être plus juste : Louis n’a pas cessé de leur écrire et il est là en face d’elle. Par cette correction, elle considère donc leur relation passée et présente.

 ● Suzanne revient ensuite sur l’emploi du mot « lettres » pour désigner les messages de Louis → négation grammaticale totale, « ce ne sont pas des lettres » + interrogation partielle « qu’est-ce que c’est ? ». Elle se pose la question dans son soliloque. Mais n’implique-t-elle pas Louis dans ce constat que ce ne sont (même) pas des lettres ?

 ● C’est leur brièveté qui justifie que le nom « lettres » ne convienne pas.

→ Epanorthose : « de petits mots ». L’adverbe « juste » souligne cette brièveté, comme le confirme la suite : « une ou deux phrases ». Cette gradation descendante atteint ensuite son terme : « rien » = pronom indéfini. Cela traduit l’ampleur de la déception et de la frustration de Suzanne.

● Suzanne s’efforce ensuite de désigner plus objectivement ce dont il s’agit.

→ pronom indéfini neutre: « comment est-ce qu’on dit ? ». L’adjectif « elliptiques » appartient au langage savant + mis en valeur seul sur une ligne. Elle n’interroge peut-être pas directement Louis mais elle le prend à témoin de son souci de parler juste, lui qui connaît mieux la langue qu’elle. Elle montre ici qu’elle maîtrise un langage qui est d’ordinaire davantage celui de son frère.

● Elle récapitule enfin la phrase à laquelle elle a abouti, comme si elle se citait elle-même :

→ utilisation des guillemets : « Parfois tu nous envoyais des lettres elliptiques ». On dirait qu’elle soumet à Louis sa belle phrase, mais on ne peut pas exclure une forme d’autodérision de la part de Suzanne, qui prendrait ainsi une distance ironique par rapport à cette manière savante de parler. Deuxième mouvement : Retour sur le passé : les attentes de Suzanne (v 8 à 27)

● Suzanne revient sur son enfance et l’image qu’elle avait de Louis à son départ.

→ utilisation de verbes au passé (imparfait + passé composé) : « Je pensais, lorsque tu es parti ». Phrase suspendue pour être reformulée dans une proposition incise entre parenthèses, « (ce que j’ai pensé lorsque tu es parti) ». La proposition subordonnée circonstancielle de temps « lorsque tu es parti » est reformulée (épanorthose), « lorsque j’étais enfant », et coordonnée à une troisième qui dépasse le constat objectif pour dire explicitement le reproche d’abandon : « et lorsque tu nous as faussé compagnie ». La syntaxe souligne la faute de Louis aux yeux de Suzanne : il les a abandonnés alors qu’elle était encore enfant. Il était censé être l’homme de la maison après la mort du père : elle considère qu’il a fui le rôle que la famille lui réservait.

● importance de cette désertion

→ nouvelle proposition incise entre parenthèses « (là que ça commence) ». Le pronom démonstratif « ça » est énigmatique. Qu’est-ce qui a commencé ? la crise (personnelle et familiale) ? le manque ? le sentiment d’abandon ?

● Suzanne poursuit sa phrase, à nouveau suspendue avant la fin.

→ « je pensais que ton métier ». Nouvelle épanorthose pour nuancer le nom « métier » : « ce que tu faisais ou allais faire dans la vie » expression elle-même nuancée : « ce que tu souhaitais faire dans la vie » Louis est parti en même temps qu’il allait devenir écrivain, comme si les deux allaient de pair : cette vocation d’écrivain n’est réalisable que grâce à la rupture.

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