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Les efforts de Phèdre pour éviter la Faute

Fiche de lecture : Les efforts de Phèdre pour éviter la Faute. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  24 Novembre 2014  •  Fiche de lecture  •  2 288 Mots (10 Pages)  •  986 Vues

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Phèdre est-elle alors coupable ou innocente ? Elle se sent coupable des sentiments incestueux qui l’habitent même s’ils n’ont pas été exposés à la clarté du jour, même si elle n’a pas manifesté à leur égard la moindre tentative de réalisation. La simple existence de son désir pour Hippolyte suffit à engendrer en elle angoisse et réprobation. Elle ne cesse de dire ses « crimes » : persécution de l’innocent, désir d’ »inceste » et d’ »adultère », compromission en cédant à Oenone, mensonge par refus de détromper confirment de plus en plus Phèdre dans son sentiment de devenir « un monstre exécrable », le « triste rebut de la nature entière ». Au paroxysme de son dégoût, elle éprouve une horreur totale d’elle-même.

Consciente de l’énormité de son crime, elle se dit pourtant innocente, en refuse la responsabilité, rejetant d’abord la faute sur Vénus, puis sur Oenone : « Le Ciel mit dans mon sein une flamme funeste / La détestable Œnone a conduit tout le reste ». Elle meurt dans la honte, mais sans repentir, avec le sentiment, que son ultime aveu, suivi du silence éternel de la mort, suffiront à rétablir l’ordre originel un moment perturbé : « Et la mort, à mes yeux, dérobant la clarté / Rend au jour, qu’ils souillaient, toute sa pureté ».

Phèdre n'est donc pas le monstre qu'elle dit être. Comme je vais tenter de vous le montrer, ses paroles sont celles d'une femme qui souffre et qui résiste à sa passion. Ce n'est que lorsque l'on apprend que Thésée, son époux, est mort, qu'elle se résout à parler à Hippolyte, à un moment donc où elle est effectivement hors adultère. Son véritable crime, et j'y reviendrai, est d'avoir menti à son époux de retour, ce qui provoquera l'irréparable. Mais son dernier souffle est un souffle de repentir. Dans cette pièce, qui porte son nom, Phèdre est analysée avec grand art par ce maître de la tragédie qu'est Racine.

Et c'est là sans doute la grande innovation du dramaturge français. Le mythe de Phèdre a inspiré, du moins d'après les oeuvres qui nous restent, deux grandes tragédies dans l'Antiquité, une grecque et une romaine. Il s'agit de l'Hippolyte porte-couronne d'Euripide et de la Phèdre de Sénèque.

La première a ceci de particulier qu'elle ne n'intéressait pas au personnage de Phèdre. Le véritable personnage tragique de la pièce, c'est Hippolyte, car il meurt victime des mensonges de sa marâtre. Phèdre se réduit chez Euripide à un pur moyen de vengeance utilisé par Aphrodite contre Hippolyte, qui s'est voué tout entier au culte d'Artémis, la déesse vierge. Dès lors, chez Euripide, il n'est guère question de la faute de Phèdre : il est clair qu'elle n'est responsable de rien, elle n'est qu'un jouet des dieux. Elle n'a aucune indépendance, volonté propre. On ne saurait donc lui en vouloir.

Les efforts de Phèdre pour éviter la Faute

Chez Racine, tout est fait pour disculper en partie Phèdre. Étudions dans ce sens le premier aveu de Phèdre, qu'elle fait à OEnone, sa nourrice1.

Premier point qui innocente quelque peu Phèdre. C'est tout simplement qu'elle éprouve un véritable coup de foudre pour Hippolyte, dès qu'elle le voit. Or les voies de l'amour sont impénétrables... Son erreur aura été de suivre Thésée, venu en Crète tuer le Minotaure. En effet, celui-ci avait séduit la soeur de Phèdre, Ariane, mais n'avait pas tardé à l'abandonner. Il retourna en Crète pour emmener avec lui à Athènes Phèdre. C'est bien le sens des vers qui suivent, où Athènes devient le sujet, Phèdre n'étant que complément. Phèdre est bouleversée à la vue du jeune homme, et son état est tel que les contraires s'attirent:

«Mon mal vient de plus loin. A peine au fils d'Egée

Sous les lois de l'hymen je m'étais engagée,

Mon repos, mon bonheur semblait être affermi ;

Athènes me montra mon superbe ennemi.

Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;

Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue ;

Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;

Je sentis tout mon corps et transir et brûler.

Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,

D'un sang qu'elle poursuit tourments inévitables.»

Nous savons qui orchestre tout cela : la déesse de l'amour, bien sûr. Aphrodite en personne a frappé Phèdre de tout son coeur... Car Aphrodite voue une haine profonde, non pas à Phèdre, mais à toute sa famille. Car Phèdre est descendante du Soleil, qui a osé surprendre Aphrodite et son amant Arès en pleins ébats, et en plus il a tout révélé au mari. Comment d'un vaudeville on est passé à une tragédie... Que faire alors ? La pauvre Phèdre ne le sait. Elle est mariée à Thésée et Hippolyte est le fils que ce dernier a eu avec une Amazone. Mais dans la pensée antique reprise au xviiième siècle, il y a inceste. Céder à cet amour est impossible, car honte suprême, déshonneur terrible... Il faut donc lutter : Phèdre décide de tenter d'apaiser le courroux de la déesse par les bonnes vieilles méthodes. Elle lui construit un temple richement décoré, elle lui fait des sacrifices abondants et réguliers. Racine dans sa description s'inspire de quelques vers de Virgile dans l'Enéide, où Didon est elle aussi obsédée par l'amour, celui qu'elle porte à Enée2:

«Par des voeux assidus je crus les détourner :

Je lui bâtis un temple, et pris soin de l'orner.

De victimes moi-même à toute heure entourée,

Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée.

D'un incurable amour remèdes impuissants !

En vain sur les autels ma main brûlait l'encens :

Quand ma bouche implorait le nom de la Déesse,

J'adorais Hippolyte ; et le voyant sans cesse,

Même au pied des autels que je faisais fumer,

J'offrais tout à ce dieu que je n'osais nommer.»

Comment oublier

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