Les Trois Lieux Analyse

Le roman jeunesse est un monde auquel peut se rattacher une multitude de genres littéraires et de procédés travaillés. Celui ficelé par Sylvie Desrosiers, Les trois lieues, baigne dans l’altérité et dans un reflet de l’adolescence moderne. Ce livre à saveur humoristique représente bien les enjeux actuels que rencontrent nos jeunes à l’aide d’une quête hors du commun. Les personnages, très différents les uns des autres, sont détenteurs d’une onomastique assez explicite de leurs caractéristiques personnelles. À travers le paysage hivernal présenté dans le roman, la relation cassée d’un père et d’un fils est décrite avec une éloquence déroutante. Bref, un personnage principal coloré permettra aux adolescents de s’identifier à lui, ainsi qu’au récit.

L’auteur prêtera un discours aux jeunes à partir de sa perception des enfants de son époque. Pour se faire, elle utilisera des personnages diversifiés qui peignent la société actuelle dans laquelle les adolescents vivent. Les comparses du personnage principal ont des traits de personnalité distincts qui font avancer le roman ou du moins expliquent ou définissent le tempérament du personnage principal. Ulu est la fille Inuit qui accompagnera et soutiendra Thomas dans son périple. Elle fait preuve de courage et d’empathie. Son nom en entier, Uluriak, signifie étoile. Probablement que ce nom fût choisi par l’auteur à cause du rôle de guide qu’elle occupe dans le récit «Uluriak. Étoiles. Mais on me surnomme Ulu, c’est le nom d’un couteau.» p.54 Ce couteau est en fait utilisé seulement par les femmes Inuit. Ce côté «tranchant» est peut-être relié à sa façon de dire les choses, sans filtre, avec une honnêteté décidée «Si je te disais que j’étais amoureuse de toi et que tu ne me répondais pas, je saurais que tu n’es pas amoureux de moi.» p.133 Patte bleue est un chien à tendance loup qui fût découvert par Thomas. En fait, il est un esprit féminin qui veille sur Thomas. La signification du chien et du loup est de guider vers l’apprentissage et vers la découverte de l’amour. La présence fidèle de Patte bleue tout au long du roman, permet à Tom de dialoguer avec lui-même, de faire face aux obstacles et de douter de sa rationalité. La mère de Thomas fût une femme aimante et protectrice «Si ma mère savait, elle enverrait l’armée me chercher.» p.101 qui, maintenant, souffre d’un cancer, ce qui a causé la fuite de Louis, le père alcoolique de Thomas. Artiste dans l’âme, sculpteur de profession, Louis fût un père absent, mais un modèle pour son fils, grâce à son esprit humoristique «Louis m’a beaucoup fait rire. Et fait rire ma mère. C’est un petit plus difficile de détester un père drôle. Je dis ça pour rien car, depuis quelques années, il ne nous amusait plus du tout.» p.87 Le nom de Louis signifie «gloire» et «combat». Cet élément est présent autant que pour le père qui affronte le froid pour accueillir son fils, que le fils lui-même qui affronte le paysage glacial pour sauver son père.

Thomas est un adolescent âgé de seize ans, qui affiche de longs cheveux prisonniers d’un élastique qu’il expose en permanence «Le temps est parfois court, parfois long. Tu vois, c’est comme l’élastique dans mes cheveux.» p.73 Même s’il présente une allure maigrichonne «Même si je suis maigre […]» p.113, c’est un jeune garçon qui a beaucoup de personnalité. Thomas se voit d’une manière bien particulière :

«J’ai grandi très vite. Ayant toujours été trop grand pour mon âge, j’ai longtemps eu l’air d’un enfant retardé. Je me suis habitué à ces regards empreints de pitié que les gens avaient pour moi […] Je n’étais certainement pas au courant de ma force physique et je devais être une menace pour mes amis, si j’en avais bien sûr […] Je n’ai jamais tenté de montrer que j’étais plus intelligent que j’en avais l’air […] J’exagère souvent.» p.16-17

La série de péripéties nous le démontre comme un jeune homme empreint d’une personnalité diversifiée. Il manifeste de l’imagination sans borne « Je devrais inventer des lunettes à cerveau qui guériraient nos neurones de leur myopie imposée par notre volonté» p.92, une grande débrouillardise «Donnez-moi un canot, un couteau, une tente et de la bouffe acceptable, et je vous emmène en toute sécurité voguer sur une rivière.» p.110, un courage considérable «-Tu as peur. – Évidemment! Mais j’irai. Ça me fera une histoire à raconter en rentrant chez moi.» p.99 et il démontre une perspective rationnelle de la vie quand il décrit des faits divers «Sur Jupiter, il y a une tempête qui fait rage trois cent soixante-cinq jours par année[…]»p.65 Malgré cette personnalité éclatante, le nom de Thomas dénonce le doute qu’il manifeste envers les autres «Elle a l’air de bien s’y connaître, comme ça, et je lui fait confiance tout de suite parce qu’elle est d’ici ; mais ça ne signifie pas qu’elle soit sortie bien loin de Iqaluit.» p.102, «Le monsieur veut amener le garçon faire un tour de machine? J’ai beau être grand, je me demande, on ne sait jamais, je ne le connais pas.» p.43 et «C’est lui tout craché, pas fiable» p.45, pareillement à l’apôtre Thomas. Cette instabilité émotionnelle résulte probablement de l’absence de son père. Les actions de Thomas sont cohérentes avec son âge, dans la mesure où l’on considère qu’il démontre une maturité assez avancée, en lien avec la relation chaotique avec son père.

Même si Louis et son fils furent éloignés par l’alcoolisme, la description psychologique des personnages nous permet de noter qu’ils ont des points communs. Les deux ont beaucoup d’humour, ils affrontent les dangers, ils sont séducteurs et font preuve d’un côté artistique. Même si ces ressemblances sont indéniables, chacun est d’accord pour affirmer que leur relation est abimée au point que Thomas ne veut pas s’identifier à son père. Louis voit cette relation comme une désillusion de sa progéniture face à lui «Il admirait ma force physique. Et puis ce fut la longue descente. Un fils peut-ils aimer son père? Impossible s’il ne l’admire pas.» p.40 et Thomas la perçoit comme un modèle à ne pas suivre :

«Disparue, la route. La vie de mon père, quoi. Elle a commencé, est partie dans une drôle de direction pour se rendre complètement nulle part. Une chose est sûre : la mienne sera différente, n’aura rien à voir avec la sienne. Si j’ai un but dans la vie, c’est celui de ne JAMAIS ressembler à mon père.» p.48

Un des principaux rôles du père est de poser des limites. Puisque Louis n’a pas toujours été présent dans la vie de son fils, Thomas risque sa

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