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Les Figures Mythiques

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Par   •  29 Juin 2014  •  9 540 Mots (39 Pages)  •  656 Vues

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a Bible a-t-elle créé des mythes, elle aussi, ou bien pratiquait-elle plutôt à mesure une sorte de « démythisation » inlassable, qui construisait en fait une histoire ? L’ensemble des textes bibliques est-il à classer dans les répertoires du langage mythique ou répond-il au contraire à un langage symbolique tout autre, dont les structures sont à peu près opposées ? Une rapide diagonale à travers l’histoire nous confirmera que de facto les hommes de la Bible combattirent de toutes leurs forces les mythologies qu’ils rencontraient. Aujourd’hui, nous tentons d’arriver à une vision plus réfléchie et plus significative des mythes : voilà qui nous permettra de vérifier que la Bible s’appuie sur des structures de pensée et d’expression tout à fait différentes. Elle manie des structures symboliques assez semblables, mais les « démythise » en proposant une vision du monde plus nettement centrée sur le lien personnel de l’homme à Dieu, et en l’inscrivant dans une histoire toute contraire à la perspective habituelle des mythes, si peu ouverte sur le temps concret.

I. Combattre ou réhabiliter les mythes : chercher un langage juste

Les hommes de la Bible réagissaient contre les mythologies de leurs voisins

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Le mot « mythe » est naturellement à peu près absent des textes des deux Testaments [1] L’A.T. est rédigé pour la plus grande partie en hébreu.... [1] , mais, très tôt, une tradition prophétique assez récurrente se montre fort agressive face aux dieux multiples et impuissants des paganismes environnants ou face aux récits absurdes que conservent les sanctuaires cananéens, philistins, plus tard babyloniens, grecs, etc. À ces idoles inanimées, à ces récits peu cohérents, les prophètes opposent la fidélité (personnelle et collective) à la Parole du Dieu unique qui ne peut être nommé ( Ex., 3,25). Cette fidélité, il faut la redire et la réaffirmer sans cesse, tant ressurgit constamment, dans ce petit peuple entouré de voisins plus puissants ou plus évolués, la tentation de se laisser entraîner à les imiter en empruntant des idoles aux panthéons des uns ou des autres. Face à ce péril, le peuple hébreu s’entend rappeler à la Parole et, sans se lasser, reprend, médite et réinterprète son passé et son présent comme l’histoire des Promesses et de l’Alliance divines.

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Cette histoire sans doute a été bien souvent bouleversée par les incrédulités, les négligences et les infidélités, qui ont entraîné chaque fois sanctions ou châtiments et, plus immanquable encore, le pardon final : un tel cycle de crise et de confiance retrouvée pourra toujours se reproduire, ce qui entraîne ce petit peuple « obsédé par son passé » (comme notait Renan) à devenir aussi, peu à peu, un peuple obligé de se rêver un avenir, du moins d’attendre opiniâtrement le pardon qui viendra renouveler l’Alliance et lui rouvrir un futur.

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Un peu plus tard, les premières générations chrétiennes, qui vont se détacher peu à peu des communautés juives, conserveront la même réaction jalouse contre les cultes hellénistiques et leurs mythes. Les premiers interprètes chrétiens, à partir de Justin (+ 165) ou d’Irénée (+ 202 ?) et leurs successeurs bien plus encore reprendront volontiers les argumentations de la raison grecque contre les mythes. Les prédicateurs chrétiens se montrent plus agressifs que les penseurs grecs, sans doute parce qu’ils transposent à la critique des mythes gréco-latins la diatribe véhémente des prophètes d’Israël contre les idoles et les mythes orientaux jadis menaçants.

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Bien plus tard, à partir du Moyen Âge, l’acceptation progressive des catégories aristotéliciennes de pensée apportera une caution apparemment définitive au refus des mythes. Les humanistes de la Renaissance pourront bien tenter de rendre vie aux modèles classiques qui les enchantent, mais leur réaction sonne plus moderne qu’antique, elle vise à la poésie et à l’esthétique, non à un culte ou à une foi. On empruntera plutôt (notamment à Plutarque) les grands exemples de morale et de politique et on préférera souvent des personnages historiques ou bibliques (Auguste, Mithridate ou Athalie, etc.) aux figures mythologiques, auxquelles de toute façon la foi monothéiste a retiré toute aura religieuse. Les figures mythologiques sont assimilées au pire à des pièges diaboliques ou à des fables scandaleuses, au mieux à des inventions poétiques ou tragiques capables d’inspirer beauté et vérité humaine.

Les mythes disqualifiés par le langage rationnel et/ou scientifique

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Longtemps « les mythes » ont désigné les « fables » gréco-latines, par opposition aux « vérités » bibliques. Du XVIIIe au XXe siècle, le panorama va désormais s’élargir et se diversifier de plus en plus avec la découverte de tant d’autres univers mythologiques [2] Dès le XVIe siècle, de rares officiers ou missionnaires... [2] . Concurremment, appuyé entre autres sur la nouvelle critique des textes bibliques (face à une dogmatisation religieuse longtemps excessive), le rationalisme croissant sera bien vite tenté de confondre ces textes bibliques avec les récits mythiques, pour rejeter plus aisément d’un même coup tout cet irrationnel « primitif » ! Nous ajouterions volontiers aujourd’hui que personne n’était alors capable de distinguer valablement entre ces textes symboliques si différents, encore moins dans le climat de polémiques acharnées de l’époque.

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Polémiques ? pas toujours : la philosophie allemande a tenté plutôt de relativiser et d’intégrer dans ses systématisations les héritages bibliques comme les mythes antiques et, dans tous les pays, bon nombre de grands poètes romantiques se sont réapproprié les uns et les autres comme d’inépuisables sources d’inspiration. Mais un peu partout, les exégètes chrétiens, catholiques notamment, vont persister longtemps dans l’erreur de défendre surtout l’exactitude historique des récits bibliques comme si elle monopolisait leur seule « vérité ». La majorité des critiques de l’autre bord, dans l’ensemble, tendra à appliquer pêle-mêle à tous le vocabulaire des mythes et à réduire l’immense variété de ces textes sous un même dénominateur irrationnel, ostensiblement dédaigneux.

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En France, particulièrement, les critiques rationalistes se font plus radicales au long du XIXe siècle,

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