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Les Effarés

Commentaire d'oeuvre : Les Effarés. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  6 Décembre 2014  •  Commentaire d'oeuvre  •  420 Mots (2 Pages)  •  887 Vues

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Le premier travail du poète est de créer une forme. Le poète de seize ans qui écrivit "Les Effarés" n'eut pas à rougir de son inexpérience. Certes, il n'était pas le premier à composer un poème par tercets, ni même par tercets à vers hétérométriques, mais il s'illustrait tout de même là dans une forme rare, mise à profit pour soutenir une structure narrative tendue vers sa chute. Car, avec sa longue phrase complexe des strophes 6 à 12, la composition est bien agencée pour tenir le lecteur en haleine.

La représentation de l'enfant pauvre, de l'enfant des rues, du "Gavroche", est un poncif au XIXe siècle, tant dans la littérature que dans la peinture ou la gravure. Rimbaud s'y essaie en proposant une image fixe : cinq enfants agglutinés devant le soupirail d'une boulangerie. Le tableau est fortement contrasté, en clair-obscur : la neige et la nuit, le fournil qui s'allume dans la brume. Pour peindre l'intensité du désir qui porte les petits pauvres vers le spectacle du pain qu'on enfourne, Rimbaud fait appel à tous les sens : chaleur du four, odeurs des "croûtes parfumées", chants superposés des garnements qui "grognent", des "croûtes" qui croustillent et du cri-cri des "grillons".

Les insistances de la description sont autant d'appels à la compassion : l'air d'affamés prêté aux enfants, la pauvreté de leur habillement, la comparaison implicite avec des petits animaux sans défense ("Ils sont blottis" ; "leurs culs en rond" ; "collant leurs petits museaux roses" ; "grognant"), l'hostilité du décor hivernal ("neige", "brume", "vent", "givre"). Mais la compassion, ici, ne va pas sans quelque moquerie. Les enfants sont décrits "à genoux", "tout bêtes, faisant leurs prières". Ils sont "bêtes", peut on comprendre, parce qu'ils s'agenouillent devant le boulanger comme s'il était un prêtre et devant le pain comme s'il était Dieu ; parce qu'il leur a suffi de flairer l'odeur du pain pour que déjà "ils se ressentent si bien vivre", pour que déjà ils croient "le ciel rouvert". Ils vont apprendre à leurs dépends, ces naïfs, que le "Ciel" n'est pas pour eux, lorsqu'ils vont se retrouver, à la fin du poème, toujours aussi affamés et plus transis que jamais dans leurs culottes ouvertes au vent d'hiver. On sent bien dans ce dénouement une double raillerie, contre la religion et contre la société : la société prive les pauvres de pain, et la religion leur promet illusoirement le ciel pour les dédommager du bonheur que la société leur refuse.

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