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Les Chatiments Joyeuse Vie

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Par   •  28 Mai 2014  •  1 173 Mots (5 Pages)  •  7 473 Vues

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L'argument dont use Victor Hugo ici pour condamner le nouveau régime a ses racines dans un voyage accompli le 10 février 1851 dans les quartiers populaires de Lille. C'est à une sollicitation de l'économiste Jérôme-Adolphe Blanqui, frère du célèbre révolutionnaire Auguste Blanqui, que Hugo a répondu. L'extrême pauvreté de ces gens provoque chez lui une prise de conscience aiguë de l'injustice sociale qui règne dans le pays. Ce voyage a d'ailleurs beaucoup contribué à son évolution politique vers la gauche. Peu de poèmes scellent avec autant de force l'unité de sentiment et d'inspiration de l'homme politique et de l'écrivain, au point peut-être de brouiller les genres : poème social ou harangue ? discours politique ou description littéraire ? Que cache au juste ce poème au titre ironique ?

Lecture du texte

Joyeuse vie - II

Du début au vers 24

Millions ! millions ! châteaux ! liste civile !

Un jour je descendis dans les caves de Lille ;

Je vis ce morne enfer.

Des fantômes sont là sous terre dans des chambres,

Blêmes, courbés, ployés ; le rachis tord leurs membres

Dans son poignet de fer.

Sous ces voûtes on souffre, et l'air semble un toxique ;

L'aveugle en tâtonnant donne à boire au phtisique ;

L'eau coule à longs ruisseaux ;

Presque enfant à vingt ans, déjà vieillard à trente,

Le vivant chaque jour sent la mort pénétrante

S'infiltrer dans ses os.

Jamais de feu ; la pluie inonde la lucarne ;

L'œil en ces souterrains où le malheur s'acharne

Sur vous, ô travailleurs,

Près du rouet qui tourne et du fil qu'on dévide,

Voit des larves errer dans la lueur livide

Du soupirail en pleurs.

Misère ! L'homme songe en regardant la femme.

Le père, autour de lui sentant l'angoisse infâme

Etreindre la vertu,

Voit sa fille rentrer sinistre sous la porte,

Et n'ose, l'œil fixé sur le pain qu'elle apporte,

Lui dire : d'où viens-tu ?

Victor Hugo

Les Châtiments - Livre sixième

Commentaire littéraire

I- Une enquête dans le " morne enfer " de la misère

Précédée d'une quadruple exclamation qui dénonce le luxe dans lequel vit l'empereur, cette partie du poème est toute entière consacrée au récit du voyage à Lille. Aux " châteaux " et " liste civile ", c'est-à-dire aux sommes d'argent allouées à Louis-Napoléon pour ses dépenses personnelles, s'oppose l'" enfer " lillois. Pour y accéder, il faut deux conditions : s'éloigner du centre du pouvoir et " descendre " (vers 2), c'est-à-dire pousser des portes. Comme celui que décrit, dans La Divine Comédie, Dante Alighieri auquel il sera fait allusion plus loin, le voyage que narre Hugo est initiatique. Il initie en ce sens (étymologique) qu'il révèle des choses ordinairement soustraites au regard du non-initié, du profane :

Un jour je descendis dans les caves de Lille ; (vers 2)

L'alexandrin, coupé à l'hémistiche, débute par une imprécision volontaire. Ce " jour " n'a pas besoin d'être précisé davantage. Les circonstances du voyage sont éludées car elles importent peu. Seule compte la rupture de ce " jour ". Le poème se fait à la fois initiatique et autobiographique. Il a, pour première valeur, la force du témoignage : ce que j'ai vu est vrai puisque moi, Victor Hugo, j'ai pris le risque de " descendre dans les caves de Lille ". L'authenticité de cette parole est garantie par la liberté et la nouveauté du témoignage.

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