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Lecture Mentale Sur " L'enfant Océan " De Jean-Claude Mourlevat

Note de Recherches : Lecture Mentale Sur " L'enfant Océan " De Jean-Claude Mourlevat. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  9 Juin 2015  •  1 224 Mots (5 Pages)  •  2 014 Vues

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Lis bien cet extrait de « L’enfant océan ».

« Récit de Nathalie Josse, trente-deux ans, assistante sociale

Je suis une des dernières personnes qui ont vu Yann Doutreleau vivant. Enfin, je crois. Il était posé à côté de moi dans la voiture. Je dis bien « posé » pas assis. Ses jambes trop courtes étaient étendues à plat sur le siège et pointaient vers l’avant, raides comme des bâtons, les deux pieds désignant la boite à gants. La ceinture de sécurité flottait autour de sa poitrine. J’aurais pu le mettre à l’arrière sur le siège-auto, mais je n’avais pas osé. On aurait dit une grande poupée. C’était en novembre dernier. Vous vous rappelez cette semaine de pluie qu’on a eue au début du mois ? Ce temps de chien ? Il tombait des cordes et c’est moi qui l’ai ramené chez lui ce matin-là. Je ne l’ai jamais revu depuis. Mes essuie-glaces sont à peu près aussi efficaces que des baguettes de tambour et je roulais à trente à l’heure, pas plus, sur la départementale. Si j’avais su que c’était la dernière fois, je l’aurais regardé davantage. Trop tard.

Je le revois, calé au fond du siège, buté, à tripoter ses mains, ses drôles de petites mains rouges et rondes, ses mains de bébé. Comment pouvait-on oser habiller un enfant de la sorte, sinon pour l’humilier. Il semblait sorti d’un autre âge, avec sa veste de costume boutonnée au milieu, son pantalon de toile grise. Des vêtements de grenier. Ma gorge se serre dès que j’y repense.

Je n’ai jamais vu un petit bonhomme de ce genre auparavant. Combien pouvait-il mesurer ? Quatre-vingts centimètres ? Quatre-vingt-dix ? En tout cas, il avait à peine la taille d’un enfant de deux ans. Or, il en avait 10. Yann était une miniature.

« Bout de chou », « mignon », « mimi », « trognon » : voilà ce qu’on avait envie de dire de lui mais on en était empêché par cette expression d’adulte qu’il avait autour des yeux et de la bouche, cette gravité. Il n’avait aucune difformité comme on en voit chez les nains. Chez lui tout était harmonie, mais tout était... petit.

La pluie à verse, donc. Du vent, par rafales. La carte dépliée en vrac sur mes genoux. Ça ne pouvait pas être très loin.

Quelques centaines de mètres plus loin peut-être. J’avais dû rater le chemin, passer devant sans le voir. Sous cette pluie battante, tout était possible. J’ai fait demi-tour et je me suis concentrée. C’était d’autant plus agaçant que Yann, à côté de moi, connaissait parfaitement la route, lui.

Seulement, il n’était pas coopérant. Je l’avais interrogé, au début :

Montre-moi, au moins, si tu ne veux plus parler...

Avec ton doigt ...

Autant interroger mon parapluie.

Je savais peu de choses encore de mon petit passager. Qu’il avait dix ans, qu’il s’appelait Yann et qu’il était muet. Il était arrivé dans sa classe de sixième le matin, hébété et sans cartable. On avait bien questionné ses frères, mais ils n’étaient guère plus bavards. L’un deux avait fini par expliquer en reniflant un filet de morve de dix bons centimètres :

- C’est le père qui y’a foutu à la baille.

Traduction : le père avait jeté le cartable dans le puits, ou dans la marre, enfin quelque part où il y avait de l’eau.

J’en avais vu des gratinées dans mon métier de dingue, mais ça c’était nouveau. J’ai observé

...

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