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Le roman : œuvre d'art pour sublimer l'insupportable

Étude de cas : Le roman : œuvre d'art pour sublimer l'insupportable. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  3 Mars 2014  •  Étude de cas  •  2 425 Mots (10 Pages)  •  1 439 Vues

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Le roman est-il « une feinte pour tenter d'échapper à l'intolérable », comme l'affirme Romain Gary ? Vous répondrez à cette question en vous appuyant sur les textes du corpus, les œuvres étudiées en classe et vos lectures personnelles.

I. Le roman peut être un moyen d'échapper aux difficultés de la vie réelle

1. Il peut nous projeter dans un ailleurs

2. Il peut idéaliser le réel

II. Le roman peut se confronter à l'intolérable

1. Il peut critiquer ou dénoncer

2. La métaphore

III. Le roman : œuvre d'art pour sublimer l'insupportable

1. L'écriture au service de l'indicible

2. Le roman peut donner la parole aux bourreaux

Le genre romanesque se fonde souvent sur un intéressant paradoxe : il se nourrit essentiellement du réel, mais, par le biais de l'écriture, il tire sa force et sa richesse de la fiction, qui lui autorise toutes les audaces. Ce potentiel illimité d'exploration, mais aussi de contestation du monde réel, Romain Gary affirme qu'il est à l'origine de sa vocation d'écrivain : pour lui, la création littéraire est « une feinte pour tenter d'échapper à l'intolérable ». Ce rôle qu'assigne l'écrivain à la littérature est-il applicable au genre romanesque en particulier ? Peut-on dire que le roman cherche toujours, par la « ruse » de l'écriture, et dans sa capacité à nier le réel, à fuir la réalité dans ce qu'elle a d'insupportable, de critiquable ? Nous montrerons d'abord que certains genres romanesques cherchent, en effet, à contester la réalité en la déformant. Nous verrons ensuite que, cependant, la fiction romanesque peut également, par la « feinte », s'emparer de l'intolérable. Enfin, nous nous demanderons si, dans sa dimension artistique, le roman n'a pas la capacité à dépasser l'intolérable.

I. Le roman peut être un moyen d'échapper aux difficultés de la vie réelle

1. Il peut nous projeter dans un ailleurs

La lecture de romans est souvent, en soi, une forme de voyage, qui nous permet de nous évader de la réalité du monde. Ce motif du voyage structure nombre de récits de fiction. Par le biais de l'écriture, le romancier peut ainsi nous projeter dans un ailleurs géographique et temporel. Le roman d'aventures, à cet égard, illustre bien cette capacité de la fiction à faire perdre au lecteur le contact avec la réalité du monde. Beaucoup d'écrivains reconnaissent d'ailleurs que leur vocation littéraire est née de cette découverte des pouvoirs du roman à nous faire oublier une situation difficile. Dans L'Enfant, roman autobiographique de Jules Vallès, le narrateur raconte comment il oublia qu'on l'avait enfermé, par punition, dans une salle de classe : il était tellement absorbé par la lecture de Robinson Crusoé qu'il n'avait pas vu le temps passer, ni senti sa faim : « Je suis resté penché sur les chapitres sans lever la tête, […] collé aux flancs de Robinson. » Cette capacité de s'évader de soi par la lecture, ou bien encore l'écriture de romans d'aventures, l'écrivain Jean-Paul Sartre dit l'avoir éprouvée dans son autobiographie intitulée Les Mots. Lorsque, enfant, il se voyait méprisé par ses pairs qui refusaient de jouer avec lui, il montait dans sa chambre et se vengeait de son humiliation « par le massacre de cent reîtres ». Le même Sartre revendique le caractère structurant de ses lectures d'enfance. Les dénouements toujours heureux des fictions dans lesquelles il s'immergeait, comme Le Dernier des Mohicans, ont forgé « [s]a fantasmagorie la plus intime : l'optimisme ». De fait, les romans dominés par le voyage et l'exotisme présentent des situations souvent inextricables et dangereuses, mais presque toujours résolues par des héros inventifs et audacieux. Dès lors, le lecteur peut se sentir, au moins temporairement, par la magie de l'illusion romanesque, immergé dans un monde où le danger n'est jamais intolérable, en ce qu'il est un moyen d'avancer vers une situation plus acceptable. Le roman d'aventures organise donc le réel pour le rendre plus « tolérable ». Ce réel peut également être idéalisé.

2. Il peut idéaliser le réel

Les romans sentimentaux occupent une large part de la littérature romanesque. À l'instar des romans d'aventures, ils donnent de la réalité une image déformée et idéalisée, à travers des intrigues dans lesquelles le monde matériel semble n'avoir aucune prise sur les êtres qui l'habitent. Le caractère épistolaire de certains de ces romans au XVIII siècle est d'ailleurs là pour mettre à distance la réalité des choses au profit d'une analyse détaillée des mouvements de la passion. Dans La Nouvelle Héloïse, par exemple, si les réalités sociales ne sont pas tues, elles structurent même l'intrigue du roman, les personnages de Julie et de Saint-Preux ne semblent exister que dans l'expression exaltée de leurs sentiments et l'intensité de leurs plaintes. De même, les paysages sentimentaux brossés dans ce roman sont totalement idéalisés, purifiés de toute mesquinerie, à l'image de l'amour unissant Paul et Virginie, héros éponymes du roman de Bernardin de Saint-Pierre. Ce type de littérature, héritée du roman pastoral, reflète une sensibilité préromantique, à travers laquelle se dessine une certaine nostalgie de l'âge d'or, d'un Éden mythologique qui n'est, au fond, que le temps béni de l'enfance heureuse. Mais ces récits idylliques de paradis perdus, cette « feinte » pour tenter d'échapper, sinon à l'intolérable, du moins à la banalité de sa propre existence, peut « contaminer » les âmes les plus fragiles. Dans Madame Bovary, l'héroïne passe son enfance à dévorer des romans d'amour à deux sous. Lorsque la réalité, dans son âge adulte, la rattrape, c'est alors que la vie ordinaire et les soucis du quotidien lui deviennent proprement insupportables et la conduisent au suicide. La fiction romanesque, en proposant un monde idéalisé, utilise donc à plein sa capacité d'illusion et peut nous faire échapper, parfois jusqu'à nous faire perdre pied, à la réalité du monde. Toutefois, le romancier,

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