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Le Personnage Du Chevalier Dans L'aventure Ambigue

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Par   •  3 Janvier 2013  •  5 606 Mots (23 Pages)  •  6 675 Vues

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Nous nous proposons, dans le contexte particulier de la société dial­lobé (une communauté sous domination coloniale et en pleine muta­tion), d’étudier, succinctement, le thème de l’éducation dans L’Aventure ambiguë, en ne privilégiant cependant que ses aspects essentiels tradi­tionnels. Pour ce faire, nous partirons du Foyer-Ardent, un cadre hau­tement symbolique : le sens profond de la mission dévolue à Thierno, le maître des Diallobé, ainsi que le rôle, l’influence de certains parmi les principaux autres protagonistes du récit sur le destin de Samba Diallo, seront au centre de notre réflexion. Au terme de celle-ci, il nous sera alors peut-être possible de trouver un certain nombre de réponses consistantes comme celles-ci : quarante ans après les Indépendances africaines et à l’aube du IIIème millénaire, Cheikh Hamidou Kane a -t-­il été bien compris, son livre est-il aujourd’hui dépassé ou, au contrai­re, reste-t-il toujours d’actualité ?

Si, comme on l’a dit, l’Islam demeure « une des sources où s’abreuve l’homme diallobé » [2], alors nous ne devons pas nous étonner de voir ce récit débuter au Foyer-Ardent. Ce cadre est hautement significatif, symbolique. Le Fouta-Tôro d’autrefois a également connu une multitude d’écoles coraniques célèbres, disséminées dans les grands centres traditionnels du pays. Les marabouts qui dirigeaient ces foyers de cul­ture avaient la réputation d’être des sommités intellectuelles, et ils rivalisaient d’ardeur et de prouesses dans la noble mission qu’ils s’étaient assignée : « ouvrir à Dieu l’intelligence des fils de l’homme » (p. 15), et tout comme Thierno, être les guides des enfants du pays dans leur randonnée spirituelle.

Assurément, cette randonnée s’avérait souvent parsemée d’em­bûches, tout comme le sera celle des jeunes disciples de Thierno. Les premières pages de L’Aventure ambiguë montrent bien à quel point la vie au Foyer-Ardent était dure. Notre sensibilité de lecteur est en effet mise à rude épreuve. L’image de ce garçon gémissant de douleur, râlant même parfois, nous touche profondément. A première vue, on pourrait être tenté d’assimiler l’école coranique à une sorte de purgatoire et de considérer Thierno comme un véritable bourreau d’enfants. Il faut cependant comprendre les motivations de cet austère pédagogue. Thierno ne badine pas. Il s’est assigné une mission : apprendre au fils de l’homme la parole de Dieu. Cette parole, elle est « perfection », car ayant été effectivement dite par « l’Etre Parfait ». Interdiction est faite au fils de l’homme, cette « misérable moisissure de la terre », d’oblitérer cette parole prononcée véritablement par le « Maître du Monde » (p. 14). Tout le malentendu entre le maître et son disciple provient de là.

Cependant, la sévérité dont fait montre le vieillard à l’égard de Samba Diallo est à la mesure de l’affection, voire de l’admiration qu’il éprouve pour celui-ci. Le petit garçon souffre d’autant plus qu’il est considéré par le maître comme un « véritable don de Dieu » (p. 15). Dès lors, il n’est pas étonnant que Thierno, présenté sous les traits d’un homme extrêmement rigoureux, prenant trop à cœur sa mission d’édu­cateur et de formateur auprès du jeune cousin de la Grande Royale, nous mette finalement mal l’aise. Si l’Occident a presque partout inter­dit le châtiment corporel dans ses institutions éducatives, l’école africaine traditionnelle, qu’elle soit d’obédience musulmane ou animiste, n’a jamais cessé, quant à elle, d’utiliser ce moyen qui a fait ses preuves. Thierno en use et, de l’avis de certains, en abuse même, en particulier à l’endroit de Samba. Ne perdons pas de vue que c’est le maître lui-­même qui a demandé à prendre en charge l’éducation de ce dernier. Dans le contexte de la société musulmane diallobé, c’est un grand hon­neur que d’avoir été choisi par un homme de la dimension de Thierno.

La vie au Foyer-Ardent est loin d’être agréable ; elle est très pénible, comme dans toute éducation de type spartiate. Le maître sait que son peuple se trouve à un tournant de son histoire. En demandant à prendre en charge Samba Diallo, pour ses études coraniques, il ambi­tionne d’en faire « le chef-d’œuvre de sa longue carrière » (p. 33). Il recon­naît lui-même que sa mission ne sera ni agréable ni facile. Préserver les valeurs susceptibles de façonner un citoyen diallobé « docte et démocrate, aguerri et lucide » (p. 34), un homme toujours proche de Dieu : voilà en peu de mots l’idéal que s’est tracé le vieillard. C’est en quelque sorte un défi aussi que cet homme lance aux étrangers venus d’Occident, dans le dessein d’imposer aux Diallobé, aux peuples noirs, ce nouveau type de cheval de Troie introduit au sein de la société afri­caine : l’école française. Thierno voudrait œuvrer à l’émergence d’un nouveau Diallobé, plus fort, plus apte intellectuellement et moralement à s’opposer à ces nouveaux arrivants. C’est le même adversaire que le maître et la sœur du chef, en l’occurrence la Grande Royale, combat­tent ; tous deux visent les mêmes objectifs, mais les manières, les méthodes diffèrent. Il n’est donc pas étonnant de les voir s’opposer aussi rageusement sur la question scolaire.

On notera tout d’abord, qu’au Foyer-Ardent, il existe une volonté évidente d’égaliser les distorsions sociales, et c’est ainsi que « le disciple, tant qu’il cherche Dieu, ne saurait vivre que de mendicité quelle que soit la richesse de ses parents » (p. 24). Autant le vieux pédagogue, dans son œuvre d’édification, est en droit de s’estimer satisfait des premiers pas de son jeune disciple, autant la Grande Royale semble convaincue que la vraie place de Samba ne se trouve pas au Foyer-Ardent. « Le maître cherche à tuer la vie en toi. Mais je vais mettre un terme à tout cela » (p. 24), lancera-t-elle à son jeune cousin, en oubliant peut-être que comme le veut la tradition, celui-ci, « jusqu’à ce qu’il eût achevé ses humanités, n’appartenait plus à sa famille » (p. 22). Une image qui semble bien conforter cette femme de poigne dans sa conviction est celle représentée par ces quatre almuƂƂe [3] haillonneux, grelottant dans le vent mordant du matin, allant de concession en concession et quêtant leur pitance jour­nalière. Ces innocentes petites bouches, improvisant des prières exem­plaires, des « imprécations contre la vie », jusque devant la porte du chef, ne pouvaient qu’inquiéter et irriter à la fois la Grande Royale. Samba manie déjà avec un grand art l’imprécation et semble bien armé pour devenir plus tard un redoutable défenseur de ces valeurs dont Thierno, contrairement à

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