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La littérature est l'art de varier à l'infini les lieux communs

Dissertation : La littérature est l'art de varier à l'infini les lieux communs. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  20 Novembre 2018  •  Dissertation  •  2 238 Mots (9 Pages)  •  418 Vues

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« La littérature est l’art de varier à l’infini les lieux communs »

Si la littérature est vue comme un espace privilégié pour la création et la manifestation du beau -l’art étant les différentes façons qu’ont trouvé les hommes pour exprimer leurs visions du Beau ; il n’en demeure pas moins qu’on y retrouve de nombreux thèmes, personnages ou processus récurrents et rabâchés. En effet, tous les courants littéraires ont des sources d’inspiration analogues : la mythologie grecque, la Bible ou la table ronde… que ce soit des sources utilisées directement ou par contrepoint. Quant au terme « lieu commun », il désigne une idée, une expression, une intrigue, un personnage, une expression, présente dans l’imaginaire collectif. C’est quelque chose de tout fait, de tout préparé, que tout le monde connaît plus ou moins. Si l’on prend en compte que « commun » peut avoir une valeur péjorative associée à « grossier », « prosaïque », on arrive à la conclusion que les lieux communs sont des entraves à la créativité et à l’expression du Beau qu’il faut dépasser à tout prix. La littérature ne serait donc qu’une éternelle fuite de ces lieux communs. Elle ne serait que l’art de les briser en permanence, un renouveau continu. Cependant le critique Charles Du Bosc nous propose une interprétation différente : « La littérature est l'art de varier à l'infini les lieux communs. » Selon lui, la littérature ne consiste pas à briser ou à fuir les lieux communs mais au contraire à en jouer. Il n’envisage pas la littérature comme une création mais comme une reconversion. Cependant l’idée de faire varier à l’infini quelque chose d’aussi délimité qu’un cliché est contradictoire : trouver de l’infini dans l’étriqué… La littérature ne serait donc qu’un paradoxe de Zénon géant. Ainsi, on peut se demander si le lieu commun est un obstacle à la créativité ou si, comme l’affirme Du Bosc, la littérature l’art de l’éternel remaniement d’idées préconçues. Dans un premier temps, nous montrerons en quoi le lieu commun peut être vu négativement, auquel cas la littérature ne serait « que » les mêmes schémas recyclés sans cesse ; puis nous tenterons d’expliquer en quoi une œuvre littéraire peut être vue par le lecteur non comme un objet d’ennui prévisible, mais au contraire comme une chasse au trésor dont le but serait de trouver les stéréotypes camouflés sous l’intrigue, le style et les touches personnelles de l’auteur ; enfin nous tenterons d’expliquer en quoi ces lieux communs peuvent être vus comme, au contraire de notre première idée, des terrains propices à la création et à l’expression du style de l’auteur.

  1. C’est ennuyeux

Dans la mesure où « commun » a une connotation péjorative, quelconque, plat, étriqué insipide, banal, nous pouvons considérer le lieu commun comme une entrave à la création littéraire et au plaisir du lecteur. Nous voyons le lieu commun, le cliché, comme un monolithe : c’est un bloc, une image très nette et sans nuances qui nous saute à la tête d’un seul coup et à laquelle on ne peut échapper puisque présente dans notre culture. Piocher dans des idées toutes faites et présentes dans l’imaginaire collectif permet de se concentrer sur le style au détriment de l’intrigue et des personnages… Ainsi Voltaire dans Le Dictionnaire philosophique, s’agace de trouver toujours les mêmes histoires : « La plupart des pièces de théâtre deviennent enfin des lieux communs, comme les oraisons funèbres et les discours de réception. Dès qu’une princesse est aimée, on devine qu’elle aura une rivale. Si elle combat sa passion, il est clair qu’elle y succombera. Le tyran a-t-il envahi le trône d’un pupille, soyez sûrs qu’au cinquième acte justice se fera, et que l’usurpateur mourra de mort violente. (…) Toutes les situations tragiques sont prévues, tous les sentiments que ces situations amènent sont devinés ; les rimes même sont souvent prononcées par le parterre avant de l’être par l’acteur. »

En effet, le lieu commun rend n’importe quelle histoire prévisible et retire au lecteur tout plaisir à suivre l’intrigue. Devant l’Avare ou Le Bourgeois Gentilhomme, on pense « c’est drôle, certes mais j’ai déjà vu ça, c’est Le Malade Imaginaire ! » Un vieil imbécile veut marier sa fille contre sa volonté à un parti servant ses propres intérêts, mais grâce à la ruse des domestiques et à la participation de l’élu du cœur de la belle, le vieil imbécile se fait avoir et donne sa fille à celui qu’elle aime et qu’il croit à même servir ses intérêts personnels…

Le lieu commun serait donc une solution de facilité : se réfugier derrière des mythes présents dans l’imaginaire collectif, comme Salomé ou Calypso les femmes fatales ; les Chevaliers de la Table Ronde sans peur et sans reproches ; ou le lieu secret renfermant mille richesses, l’Atlantide, l’Eden ou l’Eldorado ; le beau ténébreux, Monsieur Darcy ou Lorenzaccio ; au théâtre les scènes à témoins cachés, comme la scène de Chérubin et du Comte tournant autour du fauteuil, la scène de l’aveu à Rose par Perdican à laquelle assiste Camille en pensant ne pas être vue, les triangles amoureux, ou les passions impossibles comme Phèdre, et Roméo et Juliette… Des expressions sont aussi monnaie courante : « Aurore aux doigts de rose » « le cœur torturé » « les yeux de biche » ,

Ce sont des bornes à l’imagination de l’auteur, qui se limite à ses idées préconçues au lieu de trouver les siennes. Ainsi, pour Léon Bloy, pourtant grand détracteur de Voltaire, les lieux communs sont « les bornes de l’esprit bourgeois étriqué ». Le lieu commun serait un moyen d’écrire sans créer, qui permet en plus de se faire passer pour cultivés.

Si l’Art est entendu au sens de création de formes de Beau, le lieu commun est donc son opposé : une intrigue ou un personnage prémâché rendant l’ouvrage ennuyeux et insipide.

 

  1. C’est une chasse au trésor

Cependant le lieu commun peut avoir une certaine utilité. Si l’auteur parvient à le camoufler suffisamment par de nombreuses variations et touches personnelles apportées à un personnage, le lecteur peut s’amuser à le chercher. Ainsi voir en Emma Bovary une femme fatale n’est pas manifeste dans la mesure où elle n’est ainsi perçue que par ses amants -pour Charles, même ses ongles sont objet de désir ; et où le narrateur semble vouloir nous la montrer davantage comme une midinette égoïste que comme une sublime manipulatrice prête aux plus basses extrémités pour arriver à ses fins. Salomé et Esméralda sont deux danseuses exceptionnelles, objets de désir pour tous les membres de la gent masculine : cependant seule Salomé est une pure femme fatale, manipulant les hommes en jouant les aguicheuses ; Esméralda est au contraire une figure de la pureté et de l’innocence, une enfant croyant trouver le grand amour en la personne de Phoebus (et subit une cruelle désillusion contrairement à Salomé qui elle obtient exactement ce qu’elle veut, la tête de Jean-Baptiste). De même, il est amusant de chercher les points communs entre Vautrin de Balzac, Rodolphe de Sue et Jean Valjean de Hugo : ils partagent cependant l’âge, le charisme, la carrure, le milieu social (couverture dans le cas de Rodolphe), et leur numéro d’équilibriste entre aider les autres et les voler (ou faire semblant pour Rodolphe) -tous un air de famille avec Vidocq. Passepartout est quant à lui une réécriture du valet malin, ingénieux et intrépide, une sorte de Figaro ou de Scapin, à la différence qu’il n’a que de bonnes intentions envers son maître et risquerait sa vie pour l’aider, comme lorsqu’il manque de se faire brûler vif en sauvant la future fiancée de Fogg. Ainsi que l’affirme Lancon « Il faudra que les jeunes gens, dans toutes leurs lectures, s’emploient à y rechercher le lieu commun qui en fait le fond ».

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