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« La grande littérature est simplement du langage chargé de sens au plus haut degré possible. » Ezra Pound - Théorie Littéraire

Dissertation : « La grande littérature est simplement du langage chargé de sens au plus haut degré possible. » Ezra Pound - Théorie Littéraire. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  7 Octobre 2020  •  Dissertation  •  5 747 Mots (23 Pages)  •  502 Vues

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Théorie littéraire

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Dissertation

        « Il faut tout d’abord distinguer littérature et études littéraires. Ces deux activités sont bien distinctes : l’une est créatrice, et par là un art ; l’autre, sans être à proprement parler une science, est une branche de la connaissance ou du savoir. On a évidemment essayé d’effacer cette distinction. […] Mais cet effort ne peut être accompli qu’en termes universels, sur la base d’une théorie littéraire. »[1] C’est pourquoi, Ezra Pound tente de définir la littérature de manière générale – à la fois en tant qu’art que champ d’études – de la manière suivante : « La grande littérature est simplement du langage chargé de sens au plus haut degré possible. »[2] Cependant, l’expression « la grande littérature » mérite une attention toute particulière, car elle sous-entend qu’il y aurait une « petite littérature. Or, par notre bagage culturel et intellectuel, chacun a sa propre définition de ce qu’est la littérature : l’expression « la grande littérature » ne fait pas écho de la même manière chez Pound – poète, musicien et critique littéraire de la fin du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle – que chez le lectorat du XXIe siècle. Il convient alors d’inclure dans notre analyse des œuvres littéraires qui sont des classiques, c’est-à-dire « des livres qui exercent une influence particulière aussi bien en s’imposant comme inoubliables qu’en se dissimulant dans les replis de la mémoire par assimilation à l’inconscient collectif ou individuel. »[3] Par conséquent, pour discuter de l’affirmation de Pound, il est alors tout naturel de faire appel à la culture littéraire, à la fois celle que l’on nous transmet à l’école, mais aussi celle d’un moi en tant qu’individu possédant de multiples références littéraires entassées sur une « étagère hypothétique. »[4] Certes, Pound réduit la Littérature à « du langage chargé de sens au plus haut degré possible », mais nous devrions comprendre dans « du langage » « des langages », tout comme « des sens ou des non-sens » dans « [du] sens ». Ainsi, si Pound tente au fond de définir ce qu’est la Littérature, nous devrions nous demander si la « grande littérature » est seulement un domaine artistique qui tente « d’atteindre l’essence » par le biais des mots, tout comme la peinture au moyen de pinceaux. Et cette quête de l’essence n’est-ce pas celle d’une ou de multiples vérités ? S’opère-t-elle seulement par l’auteur ou en coopération avec le lecteur ? Dans un premier temps, nous verrons que la Littérature peut être du langage mais dont la réception « du sens au plus haut degré » varie en fonction du lecteur. Puis dans un deuxième temps, nous verrons que « la grande littérature » comprend aussi des livres qui ne renferment pas forcément du « sens au plus haut degrés », déstabilisant ainsi le lecteur. Enfin, nous montrerons que le lectorat ainsi que l’évolution historique du langage et du sens remettent en cause l’affirmation de Pound, dans le sens où un texte est si étroitement lié au contexte historique et social dans lequel il est produit, que ce qui est considéré comme étant « du langage chargé de sens au plus haut degré » est amené à évoluer au fil des siècles.

        

        

        Tout d’abord, la littérature peut être du langage qui est « chargé de sens au plus haut degré », mais ce dernier n’est pas perçu et reçu de la même manière au sein même du lectorat du XXIe siècle, car il n’y a pas un lecteur mais des lecteurs.

        En effet, il y a ce que l’on peut appeler le lecteur-amateur : par « grande littérature », ce dernier entend mettre tout livre rédigé dans un style raffiné voire élevé et faisant preuve d’ingéniosité dans la composition de l’histoire. Ainsi, un livre qualifié de « livre de chevet »[5] et qui peut être réduit comme étant le pur produit d’une littérature commerciale, pourrait faire partie du patrimoine culturel littéraire de son pays, voire de l’humanité en général. Par conséquent, ce lecteur-amateur aura sa propre définition du « sens au plus haut degré » : elle fait peut-être moins appel au domaine pur de la littérature, puisque le lecteur-amateur n’a pas forcément suivi des études littéraires. Aussi, dans La Femme au miroir[6], en lisant le destin incroyable des jeunes femmes – Anne au temps de la Renaissance, Hanna contemporaine à Sigmund Freud et Anny à Hollywood aujourd’hui – ce lecteur a perçu dans ce livre le « sens au plus haut degré possible », à savoir l’émancipation de trois femmes dans trois époques différentes mais qui, toutes les trois, présentent des points communs. Dans la notion de « sens au plus haut degré », il inclut donc les domaines historique et sociologique et non pas ce qui appartiendrait seulement à la littérature. Certes, le lecteur-amateur trouvera certainement ingénieux le fait que l’auteur ait mêlé trois histoires différentes pour n’en faire qu’une, il appréciera sans doute l’effet original de « jonglage » produit par une structure narratologique peu commune, mais ce ne sont pas les ressorts narratologiques et la créativité formelle qu’il retiendra comme étant le plus haut sens de ce livre. C’est une œuvre « foisonnante [qui] tient à la fois du conte philosophique et psychologique, du roman historique et de la fable moderne »[7], mais ce n’est non plus cette hybridité de genres qui intéresse le lecteur-amateur. En effet, ce dernier retient que ces trois héroïnes ont « un mystérieux besoin d'autre chose »7, qu’elle décident de vivre alors comme elles l’entendent, ce qui peut pousser le lecteur à qualifier de manière caricaturale La Femme au miroir comme étant un roman féministe.

        Or, considérer le travail de l’effort, la recherche formelle et le raffinement du style comme étant « le sens au plus haut degré possible » est ce qui distingue le lecteur expérimenté du lecteur-amateur. Par exemple, par le biais de la publication du Journal des Faux-Monnayeurs, André Gide compte ne s’adresser qu’à un lecteur expérimenté et travailleur, qu’à « ceux [pour qui] les questions de métier intéressent. »[8] Dans son Journal, l’écrivain révèle ses questionnements, comment il a composé son roman Les Faux-monnayeurs, ce qui évince le lecteur-amateur mais plaît au lecteur expérimenté : pour ce dernier, ce qui constitue l’essence même de ce Journal – et du roman qu’il accompagne – c’est la réflexion de l’auteur faite sur le genre du roman en tant que forme littéraire, ainsi que sur la remise en cause des codes esthétiques traditionnels qui régissent le genre romanesque. Aussi, cette pratique littéraire – « J'inscris sur une feuille à part les premiers et informes linéaments de l'intrigue (d'une des intrigues possibles) »[9] – et cette pratique théorique – « Le problème pour moi n’est pas comment réussir mais comment durer. […] Je n’écris que pour être relu. » – font qu’André Gide appelle à un certain type de lecteur : « Tant pis pour le lecteur paresseux, j’en veux d’autre. » En revanche, il faudrait préciser – toujours du point de vue du lecteur expérimenté – que les questions formelles et le travail de l’effort ne constituent pas à eux-seuls l’essence même d’une œuvre de manière générale. En effet, ce lecteur est aussi capable de discerner les thématiques majeures théorisées dans le genre littéraire considéré comme étant le plus difficile et le moins accessible : la poésie. Par exemple, il saura énumérer les grands thèmes lamartiniens dans les Méditations poétiques, en lisant non seulement les poèmes mais aussi les commentaires faits par le poète lui-même sur ses poèmes. Par conséquent, le lecteur expérimenté peut affirmer que le « sens au plus haut degré » dans « Souvenir » est la traduction lyrique et poétique des différentes phases traversées par Lamartine quand il est dans la douleur, et plus particulièrement lorsqu’il a perdu sa bien-aimée que la mort lui a ravie : le temps des regrets, de la consolation et enfin de la communion, voilà les différentes étapes par lesquelles le poète souffrant passe. Il se trouve que ce dernier affirme lui-même l’essence de son poème : « les grandes douleurs sont muettes, a-t-on dit. Cela est vrai. Je l’éprouvai après la première grande douleur de ma vie. Pendant six ou huit mois, je me renfermai comme dans un linceul avec l’image de ce que j’avais aimé et perdu. Puis, quand je me fus pour ainsi dire apprivoisé avec ma douleur, la nature jeta le voile de la mélancolie sur mon âme, et je me complus à m’entretenir en invocations, en extases, en prières, en poésie même quelquefois, avec l’ombre toujours présente à mes pensées. »[10] Ce faisant, en commentant son poème, Lamartine fait de la quête « du sens au plus haut degré » de son poème une « coopération interprétative »[11] entre le lecteur expérimenté – et donc le lecteur modèle – et lui-même.

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