La Ville Paris

Certes, il y eut une ville avant l’urbaniste… Née autour d’un pôle d’attraction : rivière, terres fertiles, collines, croisée de routes commerciales…, elle évoluait souvent anarchiquement, au gré des flux migratoires. Et même si des réalisations urbanistiques ponctuelles ont existé dès l'époque moderne comme la Place des Vosges à Paris, construite sous Henri IV de 1605 à 1612, ou encore Rochefort au XVIIe siècle et à des fins militaires, ce n’est qu’au XIXe siècle que le besoin se fait vraiment sentir d’ « organiser », de projeter la ville. L’exode rural massif lié à l’industrialisation eut pour effet l’accroissement considérable en un laps de temps très court de la taille des villes. Comment accueillir ces nouvelles populations ? Comment gérer les conflits de cohabitation générés par l'essor urbain? Questions cruciales et qui peuvent se décliner ainsi : comment favoriser la rencontre ou au contraire éviter la promiscuité quand elle génère des frictions ? Comment agencer bâtiments publics, commerces et logements privés ? Quelle place laisser à la nature dans un monde de briques et de béton ? Faut-il du passé faire table rase ou doit-on au contraire s’en inspirer ? Quelle priorité accorder: l’esthétique ou le fonctionnel ?Pour répondre à ce cahier des charges, le préfet va non seulement utiliser une approche technique (création d’égouts etc…) mais aussi esthétique et symbolique : les rues deviennent à la fois de grandes avenues avec leur point de fuite sur de grands monuments et des avenues propices à la déambulation, pour se promener et se donner à voir. L’art de la façade, quant à lui, répond à des consignes très strictes afin de donner une image unique et centralisée du pouvoir. On assiste là à un glissement d’une puissance contenue jusqu’alors dans des palais, symboles d’un pouvoir individuel, à une puissance capitaliste détenue par une nouvelle oligarchie qui s’extériorise et s’expose désormais dans la rue.

Ce Paris du XIXe siècle est celui d’une société dominée par une bourgeoisie qui cherche à afficher sa richesse, garante d’une réussite dont elle est fière. Cependant, en reléguant les classes défavorisées à la périphérie et en détournant la rue de sa fonction d’interaction au profit d'une fonction de représentation, Haussmann a créé une ville-centre symboliquement forte mais entourée de quartiers anarchiques et insalubres. Le problème avait juste été géographiquement déplacé.

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