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La Vie Ou Paradis

Commentaire de texte : La Vie Ou Paradis. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  12 Novembre 2014  •  Commentaire de texte  •  902 Mots (4 Pages)  •  472 Vues

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Le rêve est la pire des cocaïnes, parce que c’est la plus naturelle de toutes. Elle se glisse dans nos habitudes avec plus de facilité qu’aucune autre, on l’essaye sans le vouloir, comme un poison pris sans méfiance. Elle n’est pas douloureuse, elle ne cause ni pâleur ni abattement – mais l’âme qui fait usage du rêve devient incurable, car elle ne peut plus se passer de son poison, qui n’est rien d’autre qu’elle-même » [1].

Chez Pessoa, le rêve est autre chose que ce que le sommeil nous envoie et il est d’ailleurs préférable de parler de rêverie. La rêverie, distincte du rêve, se caractérise par des états de semi-vigilance qui préservent la perception lucide, en même temps qu’ils procurent un sentiment existentiel original : une impression d’autonomie complète du moi et un maintien du rapport au réel

« (…) alors que le rêveur de rêve nocturne est une ombre qui a perdu son moi, le rêveur de rêverie, s’il est un peu philosophe, peut, au centre de son moi rêveur, formuler un cogito. Autrement dit, la rêverie est une activité onirique dans laquelle une lueur de conscience subsiste. Le rêveur de rêverie est présent à sa rêverie. Même quand la rêverie donne l’impression d’une fuite hors du réel, hors du temps et du lieu, le rêveur de la rêverie sait que c’est lui qui s’absente – lui, en chair et en os, qui devient un « esprit », un fantôme du passé ou du voyage » [2].

La rêverie a un caractère proprement imaginaire et esthétique : l’alliance de la vigilance et de l’autonomie face au réel définit, hors d’une falsification marquée, la libre disposition des images du monde et du moi qui deviennent alors matière à un langage intermédiaire : la référence claire au réel est brouillée, sans qu’il y ait eu cependant un au-delà onirique des images. Par cet état intermédiaire, justement, la rêverie permet une dynamique de l’imagination qui devient puissance formante des apparences, toujours identifiables. La rêverie est constitutive du projet poétique dans la mesure où elle place toute chose et le sujet sous le signe de l’expérience de l’instant ; il faut y voir une manière de présent étale qui permet d’assembler, dans une expérience de la simultanéité, perceptions et affects, même lorsqu’ils relèvent de temps et de lieux différents ou éloignés. La rêverie fait ainsi de la création littéraire une expérience immédiate de l’unité du moi et du syncrétisme du moi et du monde, sans que l’identité du sujet soit effacée.

La rêverie pessoenne représente en effet les capacités créatrices de l’homme, et seule la rêverie est capable d’engendrer des écrits : « (…) une rêverie, à la différence du rêve, ne se raconte pas. Pour la communiquer, il faut l’écrire, l’écrire avec émotion, avec goût, en la revivant d’autant mieux qu’on la récrit » [3].

Dans la rêverie, un monde se forme, celui du rêveur, un monde qui devient le sien propre. Et ce monde rêvé lui « enseigne des possibilités d’agrandissement de [son] être dans cet univers qui est le [sien] » [4]. Car, finalement, « dans un monde qui naît de lui, l’homme peut tout devenir » [5]. Et il peut, par conséquent, se multiplier :

« (…) dans les rêveries les plus solitaires (…) nous sentons que la vie entière se double –

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