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La Mort N'oublie Personne

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Par   •  1 Septembre 2014  •  661 Mots (3 Pages)  •  1 116 Vues

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De même qu’on ne dévoile jamais une intrigue policière, on ne peut résumer un roman de Didier Daeninckx. La fiction y progresse sur le mode du tissage, elle se dénoue par à-coups, par chocs. Il revient à chaque lecteur de découvrir ce qui heurte au gré des chapitres, ce qui finalement se révèle et désarçonne.

Et il s’agit bien là d’un travail de virtuose. Chaque roman de Daeninckx renouvelle la trame désormais fragile du roman policier. Il en déplace les mailles, serrant toujours plus fermement les nœuds qui font l’intrigue, et qui mêlent les événements intimes vécus par les personnages, au fonds politique et judiciaire d’une époque donnée.

Avec La Mort n’oublie personne tous les éléments traditionnels du genre sont détournés. Un roman noir commence par un cadavre ; nous avons dès les premières pages celui d’un jeune homme, mais il s’agit d’un suicide. Le lecteur le sait, et il rencontre dans les pages suivantes Jean, le père du jeune en question. Ignorant l’essentiel de cette mort, l’ancien résistant racontera son drame personnel à un énigmatique journaliste. La rotation des points de vue, la construction cinématographique, faite de retours, de montages cut, accentue la notion de désordre. Et ce que d’aucuns qualifieraient rapidement de livre de “ hall de gare ” devient au gré des pages une œuvre littéraire à part entière.

On le sait, les romans policiers sont réputés porteurs d’érotisme, éventuellement de pornographie. Là encore, Didier Daeninckx joue sur les modèles pour les subvertir : ce livre présente des pages d’amour faites de pudeur et de lumière.

Caché après un coup de main hasardeux par un ami résistant, le personnage principal découvre la force de l’amour avec la fille son hôte, qui lui apporte quotidiennement son repas. Le lieu est clos, poussiéreux, confiné et fade. La femme y descend comme un ange, une jeune femme qui vient lui révéler la lumière. Quand la porte couinait, vers midi, je me précipitais vers le bord du tas de suie et l’observais, les yeux écarquillés, qui descendait les marches. Et le sentiment passe ici par le corps, mais sans aucun racolage. L’amour y est vécu avec intensité, pudeur et plénitude : Elle leva ses genoux pour ôter sa culotte. L’éclat de son sexe brilla un instant. Je frottais mon front à ses seins tièdes tout en quittant mon pantalon. Je me plaçais entre ses cuisses. Elle m’obligea à regarder ses larmes, prit ma main dans la sienne et me les fit effacer. –Sois gentil, ça ne m’est jamais arrivé. Je n’osais lui avouer que moi, le héros, j’en étais au même point qu’elle, que j’étais mort de trouille.

Ainsi donc sous la plume de cet auteur réputé pugnace et iconoclaste prennent forme des pages marquées par la délicatesse et empreintes d’amour ; par là naît et se développe une valeur fondatrice.

Et cette démarche qui prend à rebours le lecteur s’étend à l’ensemble des actions. Les camps de la mort sont décrits en ces pages comme ils ne l’ont jamais été. Les déportés y sont classés par groupes sanguins et deviennent d’étranges animaux : ils vont nous traire comme des vaches…et après nous aurons droit à notre bol de soupe ! Nous sommes désormais devenus des animaux extraordinaires qui transforment le bouillon en sang.

Tout roman est paraît-il un roman d’initiation, ce texte

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