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La Curée Incipit

Cours : La Curée Incipit. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  17 Mars 2014  •  Cours  •  846 Mots (4 Pages)  •  630 Vues

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Zola La Curée INCIPIT

Au retour, dans l’encombrement des voitures qui rentraient par le bord

du lac, la calèche dut marcher au pas. Un moment, l’embarras devint tel,

qu’il lui fallut même s’arrêter.

Le soleil se couchait dans un ciel d’octobre, d’un gris clair, strié à

l’horizon de minces nuages. Un dernier rayon, qui tombait des massifs

lointains de la cascade, enfilait la chaussée, baignant d’une lumière

rousse et pâlie la longue suite des voitures devenues immobiles. Les

lueurs d’or, les éclairs vifs que jetaient les roues semblaient s’être fixés le

long des réchampis jaune paille de la calèche, dont les panneaux gros

bleu reflétaient des coins du paysage environnant. Et, plus haut, en plein

dans la clarté rousse qui les éclairait par-derrière, et qui faisait luire les

boutons de cuivre de leurs capotes à demi pliées, retombant du siège, le

cocher et le valet de pied, avec leur livrée bleu sombre, leurs culottes

mastic et leurs gilets rayés noir et jaune, se tenaient raides, graves et patients,

comme des laquais de bonne maison qu’un embarras de voitures

ne parvient pas à fâcher. Leurs chapeaux, ornés d’une cocarde noire,

avaient une grande dignité. Seuls, les chevaux, un superbe attelage bai,

soufflaient d’impatience.

– Tiens, dit Maxime, Laure d’Aurigny, là-bas, dans ce coupé… Vois

donc, Renée.

Renée se souleva légèrement, cligna les yeux, avec cette moue exquise

que lui faisait faire la faiblesse de sa vue.

– Je la croyais en fuite, dit-elle… Elle a changé la couleur de ses cheveux,

n’est-ce pas ?

– Oui, reprit Maxime en riant, son nouvel amant déteste le rouge.

Renée, penchée en avant, la main appuyée sur la portière basse de la

calèche, regardait, éveillée du rêve triste qui, depuis une heure, la tenait

silencieuse, allongée au fond de la voiture, comme dans une chaise

longue de convalescente. Elle portait, sur une robe de soie mauve, à tablier

et à tunique, garnie de larges volants plissés, un petit paletot de

drap blanc, aux revers de velours mauve, qui lui donnait un grand air de

crânerie. Ses étranges cheveux fauve pâle, dont la couleur rappelait celle

du beurre fin, étaient à peine cachés par un mince chapeau orné d’une

touffe de roses du Bengale. Elle continuait à cligner des yeux, avec sa

mine de garçon impertinent, son front pur traversé d’une grande ride, sa

bouche, dont la lèvre supérieure avançait, ainsi que celle des enfants

boudeurs. Puis, comme elle voyait mal, elle prit son binocle, un binocle

d’homme, à garniture d’écaille, et, le tenant à la main, sans se le poser

sur le nez, elle examina la grosse Laure d’Aurigny tout à son aise, d’un

air parfaitement calme.

Les voitures n’avançaient toujours pas. Au milieu des taches unies, de

teinte sombre, que faisait la longue file des coupés, fort nombreux au

...

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