LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

La Croix Du Sud

Dissertations Gratuits : La Croix Du Sud. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  24 Juin 2013  •  2 171 Mots (9 Pages)  •  876 Vues

Page 1 sur 9

La Croix du Sud et la Bible

Marcel Nouago Njeukam

La Croix du Sud est la seule pièce de théâtre publiée par le philosophe et universitaire camerounais Joseph Ngoué. Cette pièce, inscrite au programme de littérature des classes de terminale de l'enseignement général, intrigue notamment de par les allusions bibliques sous-jacentes qui la parsèment. L'auteur de cet article s'intéresse au fondement de l'exploitation littéraire de la Bible par le dramaturge.

LA CROIX DU SUD ET LA BIBLE

A l'instar de nombreux philosophes et universitaires (Jean-Paul Sartre en particulier), Joseph Ngoué, de regretté mémoire, s'est intéressé au théâtre et La Croix du Sud1 en est la matérialité. Publiée en 1984 aux Editions Saint-Paul (référence au catholicisme), cette tragédie classique en cinq actes s'articule autour de la thématique du racisme doublé de trahison. Bien plus, elle fourmille de nombreuses allusions bibliques notamment, lesquelles n'ont pas manqué de piquer notre curiosité. En effet, ces allusions, qui d'après Pierre Fontanier consistent "à faire sentir le rapport d'une chose qu'on dit avec une autre qu'on ne dit pas et dont ce rapport même réveille l'idée"2, établissent une connexion plus ou moins manifeste entre ladite œuvre et les Saintes-Ecritures. La religion apparaît alors comme la toile de fond de ce texte dramatique, qui sert de ferment à nos analyses. Le motif religieux participe de la création littéraire et de l'esthétique chez cet écrivain.

Dès lors, notre problématique est de savoir pourquoi la Bible fonctionne comme modèle littéraire dans cette pièce. Nous nous placerons sous l'égide de l'approche intertextuelle, laquelle démarche situe Joseph Ngoué dans le contexte du dialogisme, pour reprendre la terminologie de Bakhtine. Elle inscrit cet auteur dans un certain cosmopolitisme contemporain, cette écriture de la modernité qui stipule qu'un texte littéraire n'est pas fermé sur lui-même, mais s'ouvre sur d'autres. Afin de mettre en relief cette parenté qui existe entre La Croix du Sud et la Bible, nous examinerons les données paratextuelles et textuelles qui font allusion aux Saintes-Ecritures, tout en les analysant selon les deux dimensions du signifiant et du signifié. Elles constituent autant d'indices significatifs qui orientent le lecteur et contribuent à l'actualisation du contenu de l'œuvre du dramaturge camerounais. A en croire le poète et universitaire Fernando d'Almeida : "lire, c'est s'éprouver, séjourner durablement dans l'épaisseur des mots, c'est dé-liter le sens de chaque chose en re-créant toute chose selon un angle qui offre l'accès à l'effraction de la parole écrite, à la duplicité des mots"3.

1- Le titre de l'œuvre : La Croix du Sud

Le titre d'une œuvre ressortit à ce qu'on nomme en littérature le paratexte. Celui-ci désigne tout un appareil périphérique qui fournit au lecteur autant d'occasions stratégiques pour entrer dans une œuvre. Il est, énonce Gérard Genette "ce par quoi un texte se fait livre et se propose comme tel à ses lecteurs, et plus généralement au public. Plus que d'une limite ou d'une frontière étanche, il s'agit ici d'un seuil, ou d'un''vestibule'' qui offre à tout un chacun la possibilité d'entrer, ou de rebrousser chemin"4. Henri Mitterrand le saisit comme "un filet sémantique"5 tendu au lecteur. En d'autres termes, le paratexte offre une approche de lecture, en orientant des interprétations qui ne s'inféodent pas forcément à la lecture que l'auteur ferait de son œuvre. Cette pluralité d'interprétations auxquelles le titre peut laisser la porte ouverte témoigne des enjeux de la lecture. Par conséquent, le titre, révèle Jean-Pierre Goldenstein, "mérite d'être considéré avec attention"6.

Celui choisi par Joseph Ngoué contient un groupe nominal, La Croix, auquel se greffe une expansion qui est le complément déterminatif, du Sud. Au-delà de la définition que le dictionnaire Larousse illustré donne du mot croix, c'est-à-dire un "instrument de supplice formé de deux pièces de bois assemblées transversalement, où l'on attachait autrefois les condamnés à mort", la croix est un insigne du christianisme. Bien plus, elle constitue un symbole très fort puisqu'elle connote la souffrance, d'où l'expression "chemin de croix" qui renvoie à la passion endurée par Jésus, laquelle culmine avec sa crucifixion. Des considérations sus-développées, il appert que le titre de la pièce que nous nous employons à comprendre nous invite à entrer dans un univers au référent biblique. Aussi, La Croix du Sud peut-elle se lire comme la représentation de la passion d'un Jésus situé dans le Sud. Le Sud désignant cet espace géographique peuplé en majorité par des Noirs et baptisé Tiers-Monde par le démographe et économiste français Alfred Sauvy.

Dans la même lancée, cette souffrance, qui débouche inéluctablement sur la mort de ce Jésus noir qui prend le visage de Wilfried Hotterman dans l'œuvre, est salutaire et salvatrice. En effet, à l'image du personnage de la Bible, celui de La Croix du Sud accepte le sacrifice suprême : "s'il fallait que je meure pour qu'il [l'espoir] se réalise, je mourais sans regret." (P.71). Cette mort augure des jours nouveaux pour les Noirs. Elle demeure pour ainsi dire la voie du salut pour ces hommes assujettis par les Blancs dans une ville raciste qui sert d'espace dramatique dans l'œuvre.

Ces analyses sémantiques du titre autorisent à inscrire la pièce dans un intertexte biblique, que viennent étayer des données textuelles.

2- Les origines de Wilfried Hotterman

La Croix du Sud se plie à l'esthétique de la tragédie classique, de par le choix de son héros. Ce dernier est un personnage de haute naissance. De ce fait, il s'écarte d'une humanité ordinaire :

"Assis sur une fortune colossale, votre père voulait à tout prix un fils propre, une descendance immaculée. Il a supprimé les indices de vos lointaines origines. Restait un document : l'acte par lequel la reine Méralda laisse en héritage à sa fille Alzaro les terres de Zihngara aux chutes fabuleuses. Il voulait que, si un jour la nation s'intéressait à la houille blanche, elle indemnisât les Hotterman.

...

Télécharger au format  txt (13.8 Kb)   pdf (142.8 Kb)   docx (14 Kb)  
Voir 8 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com