La Construction De Soi

Essai de synthèse

Le passé demeure inscrit au fond de chaque individu, qui en garde une trace actualisée à mesure que le temps passe. A cela s’associe la mémoire fragmentaire, enfouie, qui ne demande qu’à surgir, lorsque les images familiales sont stimulées par des sensations ou des paroles.

Ce système évoqué par Anne Muxel, dans un article publié en 2008 : « La mémoire familiale, un passé devant soi ? », met tout d’abord en relief la multiplicité des souvenirs familiaux et leur aspect protéiforme. Un lien est cependant avéré avec les origines de l’individu qui en traduit la représentation, soit collective, soit personnelle, à quelque niveau d’estime que ce soit.

Les travaux d’Anne Muxel l’ont portée à identifier trois aspects de cet exercice de la mémoire : transmettre ; revivifier ; évaluer.

Quand il s’agit de transmettre, la mémoire est filiative. C’est-à-dire qu’elle relie l’être à sa famille, au groupe dont il procède, aux traits de sa personnalité qui s’exercent à travers la filiation. Georges Perec dans son récit W ou le Souvenir d’enfance en donne un exemple émouvant, en se remémorant une injustice, une médaille qu’il venait d’obtenir, arrachée par son institutrice à cause d’une bousculade, et qu’il associe immédiatement à l’effet inverse : l’étoile jaune qu’on lui avait imposée à la même époque.

Mais la mémoire cherche aussi à revivifier le passé. Elle le fait à travers un étau de sensations qui plongent dans l’enfance. L’affect de chacun est alors sollicité. Les souvenirs apparaissent sous un angle très fragmentaire où le temps semble aboli. Chez Georges Perec, l’expérience des masques à gaz, est ainsi autant olfactive que visuelle. Il ne sait pas à quoi la rattacher.

Notons enfin, toujours selon Anne Muxel, que la mémoire est réflexive. Elle évalue en sélectionnant dans l’histoire d’un homme ou d’une famille ce qu’il est nécessaire de retenir. Et cela est valable dans les deux sens, soit pour marquer ses aversions, soit pour ne préserver que les réminiscences positives. Là encore Perec nous donne la clef de son souvenir, qu’il révèle à l’âge adulte, il se sent porté par l’élan de la classe qui entraîne la chute d’une petite fille. Mais lui seul est jugé responsable, lui seul est puni.

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