L'île des esclaves, Marivaux

I- “l’île des Esclaves”

1. Signification

-Titre de la pièce donne une indication qui nous permet d’entrevoir le sens de ce lieu : les Esclaves sont personnifiés contrairement à l’ordinaire 🡪 ils ont un caractère d’excellence, ils sont maîtres et possesseurs de cette île.

-Cette analepse et cette gradation ascendante de cette exposition vont préfigurer l’avenir des naufragés (tuer ou réduire les maîtres en esclavage) : le renversement social est imminent. Arlequin n’a rien à craindre tandis que la tirade d’Iphicrate rend compte de la crainte de ce changement.

1. La réaction d’Iphicrate : trouble et fausseté

Iphicrate regrette d’avoir expliqué la situation :

-Il amadoue une Arlequin avec affection feinte : il lui parle de manière affectueuse « ne sais-tu pas que je t’aime ? ». Ce n’est donc pas authentique, d’ailleurs cette formule interro-négative laisse apparaître un filagramme de l’impossibilité d’un amour par le passé de ces hommes. Ces paroles hypocrites attendrissent Arlequin à qui il demande « cela ne te suffit-il pas pour me plaindre ? »

-On comprends pourquoi Iphicrate tient à quitter cette île, comme le montre « Avançons, je t’en prie » cet impératif montre à travers cette gentillesse, le besoin de retrouver leurs compagnons de voyage. Il dit d’ailleurs « Moi j’ai besoin d’eux, moi » qui dénonce implicitement son objectif égoïste qui est de retrouver ses camarades : « nous nous embarquerons avec eux ». « Nous » marque la dépendance du maître vis-à-vis de son valet dont il sollicite son aide afin de rétablir son autorité.

1. Athènes ou la loi du plus fort

-Seconde référence spatiale, Athènes est en contraste total avec l’île où se vit le présent. L’onomastique est alors significative : Iphicrate issu du grec « iphi » : avec force et « cratein » : être fort/puissant/maître de : Vouloir quitter l’île et revoir Athènes c’est désirer de redevenir le maître absolu.

-Chiasme entre gourdin et l’épée, les deux objets matériaux de la pièce :

-Le gourdin symbolise la puissance abusive et tyrannique du maître soucieux de son pouvoir. La tirade d’Arlequin qui fait réponse aux « compliments » d’Iphicrate « vous avez coutume de m’en faire à coups de gourdins » elle témoigne d’un passé douloureux du « pays d’Athènes » mis en lumière par « vous avez coutume » qui normalise cette violence.

-L’épée clôt l’évocation de violence précédente, elle est utilisée au besoin de mettre fin à l’insolence d’arlequin, elle symbolise la faiblesse du maître qui doit faire usage de la violence pour maintenir son autorité.

II- Un lieu de bouleversement

1. La Faiblesse d’Iphicrate

Il ne reste alors à Iphicrate plus qu’un semblant de puissance :

-Le naufrage est alors symbolique : Il représente le changement qui est en train de se faire. Iphicrate, parle, au début de « vaisseau » brisé contre le rocher : la hiérarchie est métaphoriquement renversée. L'espace scénique prends son importance, le théâtre, coupés du monde par une mer et entourée de rocher se fait lieu d’affrontement : Dans la scène 2 le gouverneur explicitera la situation ce qui prive Iphicrate de ses pouvoirs : Le renversement est imminent.

-Les questions que pose Iphicrate reflètent le trouble de ce changement : « Que deviendrons-nous dans cette île ? » marqué avec l’emploi du futur, l’inquiétude due au changement de lieu. De plus, plus loin « si je ne me sauve, je suis perdu, je ne reverrais jamais Athènes […] » : l’utilisation anaphorique de « je » associé au salut ou a la mort insiste sur sa nécessité de retrouver Athènes.

-Quant aux objets symboles de sa puissance : le gourdin, « resté dans la chaloupe » devient alors inutilisable, et l’épée, attribut de pouvoir n’intimide plus Arlequin, qui à la clôture du passage réponds « Doucement, tes fortes sont bien diminuées, car je ne t’obéis plus », prends-y garde ». Ce changement sera conforté dans la scène 2 par la prise de possession de l’épée par Arlequin.

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