L'image du "barde aveugle" dans la littérature d'Homère
Commentaire de texte : L'image du "barde aveugle" dans la littérature d'Homère. Recherche parmi 298 000+ dissertationsPar floremjo • 8 Mars 2015 • Commentaire de texte • 575 Mots (3 Pages) • 860 Vues
La tradition veut qu'Homère ait été aveugle. Tout d'abord, l'aède Démodocos, qui apparaît dans l’Odyssée pour chanter des épisodes de la guerre de Troie, est aveugle : la Muse lui a « pris les yeux, mais donné la douceur du chant [2] ». Ensuite l'auteur de l'Hymne homérique à Apollon Délien déclare à son propre sujet : « c'est un aveugle, qui réside à Chios la rocailleuse [3] ». Le passage est repris par Thucydide, qui le cite comme un passage où Homère parle de lui-même [4] .
L'image du « barde aveugle » est un lieu commun de la littérature grecque. Un personnage d'un discours de Dion Chrysostome remarque ainsi que « tous ces poètes sont aveugles, et croient qu’il serait impossible de devenir un poète autrement » ; Dion répond que les poètes se transmettent cette particularité comme une sorte de maladie des yeux [5] . De fait, le poète lyrique Xénocrite de Locres est réputé être aveugle de naissance [6] ; Achaïos d'Érétrie devient aveugle pour avoir été piqué par des abeilles, symbole des Muses [7] ; Stésichore perd la vue parce qu'il a dit du mal d'Hélène de Sparte [8] et Démocrite s'ôte la vue pour mieux voir [9] .
Tous les poètes grecs ne sont pas aveugles, mais la fréquence avec laquelle la cécité est associée à la poésie pousse à s'interroger. Martin P. Nilsson remarque que, dans certaines régions slaves, les bardes sont rituellement qualifiés d'« aveugles » [10] : comme le soutient déjà Aristote [11] , la perte de la vue est supposée stimuler la mémoire. De plus, la pensée grecque associe très fréquemment cécité et pouvoir divinatoire : les devins Tirésias, Ophionée de Messène, Événios d'Apollonie ou Phinée sont tous privés de la vue. Plus prosaïquement, le métier d'aède est l'un des rares accessibles à un aveugle dans une société comme celle de la Grèce antique [12] .
Plusieurs villes ioniennes (Chios, Smyrne, Cymé ou encore Colophon) se disputent l'origine d'Homère. L’Hymne homérique à Apollon délien mentionne Chios et Simonide de Céos [13] attribue à « l'homme de Chios » l'un des plus fameux vers de l'Iliade, « il en est de la race des humains comme des feuilles [14] », devenu un proverbe à l'époque classique. Lucien de Samosate (120 - v. 180) fait d'Homère un Babylonien envoyé en otage (en grec μηρος / homêros) chez les Grecs, d'où son nom [15] . Interrogé à cet effet, l'oracle de Delphes répond en 128 à l'empereur Hadrien qu'Homère est natif d'Ithaque et qu'il est fils de Télémaque et Polycaste [16] . Le philosophe et érudit Proclos (412–485) conclut la polémique dans sa Vie d'Homère, en disant que celui-ci fut avant tout un « citoyen du monde ».
En fait, nous ne savons rien sur la vie d'Homère. Huit biographies anciennes nous sont parvenues, faussement attribuées à Plutarque et Hérodote : elles s'expliquent probablement par l'« horreur du vide » des biographes grecs [17] . Elles datent pour les plus vieilles de l'époque hellénistique et regorgent de détails aussi précis que fantaisistes, dont certains remontent à l'époque classique : il en ressort qu'Homère est né à Smjyrne, a vécu à Chios et a trouvé la mort à Ios, une île des Cyclades.
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