LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

Joseph

Fiche de lecture : Joseph. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  10 Mars 2015  •  Fiche de lecture  •  1 799 Mots (8 Pages)  •  641 Vues

Page 1 sur 8

Héritier du romantisme, poète maudit comme Verlaine ou Corbière, symboliste atteint du spleen à la ressemblance de Baudelaire, Charles CROS est un écrivain attachant, surtout par son caractère ironique, son refus de se prendre au sérieux. Ainsi, dans Délabrement, par le choix symbolique d’une comparaison entre son cœur dévasteŕ et un appartement abandonné, il veut manifester sans doute un chagrin d’amour assez banal, mais il l’orchestre avec vigueur. On peut donc s’encarter légèrement du plan fort classique qu’il donne à son sonnet, (deux quatrains de description symbolique, deux tercets de vœux symboliques) et examiner le texte sous une double point de vue : d’abord l’évocation douce-amère d’un passé récent, ensuite le refus (sans doute trop violent pour n’être pas exagéreŕ, i.e. littéraire) de toute nouvelle aventure féminine.

La comparaison cœur/appartement n’est pas nouvelle en littérature à l’époque de CROS ; Baudelaire avant lui l’avait utilisée. Dans ce texte cependant, elle est complexe et doit être interprétée et ressentie autant par ses silences ou ses sous-entendus que par ce qu’elle exprime. La dévastation est en effet primordiale à première lecture, mais CROS évoque aussi dans son passé une période douce, un lieu doux.

Ce luxe, cette douceur, sous-entendus à la fin du sonnet : « tapis » et au début : « peintures », « tableaux », « meubles » et « tentures », ne doivent pas être seulement interprétés comme le lieu auquel il, ou elle, et/ou ils, passèrent une heureuse période sentimentale. C’est avant tout la traduction symbolique d’un foyer, ou d’un chez-soi, donc d’un état d’âme ; le principe baudelairien ou verlainien de correspondance entre un état d’âme et un paysage ou un décor est ici indéniable.

Mais cette évocation du passé, grâce à l’utilisation d’un seul adjectif : « nouvelle » introduit aussi dans le tableau suggéré, dans ce lieu/temps/esprit, une femme, une « hôtesse », et voilà le tableau fait : allusion à une période de liaison amoureuse. De quel genre ? Quelques expressions du deuxième tercet, « paresse », « peignoirs parfumés », confirment aisément, avec le vers 7, « douces aventures » et surtout « rêves bleus », qu’il s’agit de liaison sensuelle plus que de grands sentiments. Le vers 7 notamment a une tonalité ironique, qui suffit à amoindrir la part de lyrisme, d’épanchement, qui aurait pu se trouver dans l’évocation d’une rupture. Cette évocation d’intimité sensuelle inclut aussi la douceur, grâce à des allusions et non à des mots précis (sauf « douces »), grâce à quelques sonorités douces placées avec soin dans le vers. Et cette intimité est tout à fait en accord avec le décor déjà commenté, décor/état d’âme de « luxe, calme et volupté » comme le souhaitait Baudelaire pour l’intimité amoureuse, c’est-à-dire cœur amoureux, sans doute confiant bien qu’il n’y ait dans le texte aucune allusion directe à une trahison.

Malgré cela, pour CROS il semble y avoir autant, sinon davantage, d’amertume dans l’évocation de ces aventures. En effet, et le vers 7 est à cet égard très utile, l’appartement auquel il compare son « esprit » (et non son cœur : c’est un terme trop confidentiel peut-être, et il refuse l’attitude plaintive ou pathétique d’un romantique) est un logis abandonné, dévasté, et décrit sans aucune complaisance, mais sans non plus tomber dans l’excès inverse de réalisme ou de misérabilisme. CROS manie plus délicatement que Baudelaire les images de destruction, et il y glisse un peu d’ironie par refus de s’attendrir. Néanmoins, il utilise très efficacement le pouvoir évocateur des images, et tous les termes ont une résonance (correspondance ?) affective sans doute voulue.

Il exprime d’abord l’abandon, la désertion : « vide », « nus », « déménagés », « dévasté ». Mais surtout, c’est un appartement délabré. Et le terme de délabrement, symboliquement assez fort, se trouve dans le titre et dans le vers 12. Il s’agit bien pour CROS d’évoquer un début de délabrement spirituel, par l’intermédiaire de nombreux mots à signification sentimentale, ainsi « écorchés », le vers 8 tout entier, indiquent les traces d’un désastre dans l’esprit de l’auteur narrateur : soit arrachement, soit au contraire empreintes telles qu’en laisse sur un mur l’enlèvement d’un

tableau, négatif blanc sur un mur sali, preuve de l’absence. En tout cas, une précision est importante : c’est une dévastation provoquée par quelqu’un d’autre : au vers 5, « Ainsi, dévasté par les destins, noirs bouffons ». La couleur symbolique de ces « destins » difficiles à interpréter renforce le sentiment de violence faite à son esprit, tromperie amoureuse sans doute, bien que cet esprit ait encore la force, dans la fiction poétique, de qualifier l’ennemi avec beaucoup d’ironie. Ces empreintes, ces traces, sont d’ailleurs à rapprocher des « clartés dures » du vers 6. Ce sont de nouveaux éclairages d’une pièce vide comparée à l’ancienne allure de l’appartement meublé. Ce même vers 6 est ironiquement centré sur un jeu de mots révélateur de l’état d’âme mi-chagrin mi-ironie : l’appartement et l’esprit se vident, mais ce dernier s’est « rempli d’échos ». Qu’est-ce à dire ? Un écho n’est qu’une trace sonore, tout comme des « trous profonds » sont la trace physique, visible, d’un arrachement, et surtout comme une blessure sentimentale propage au cœur du blessé des échos de la violence subie. Ce sont précisément ces souvenirs du vers 11, « horreur des souvenirs aimés

...

Télécharger au format  txt (11.6 Kb)   pdf (117.1 Kb)   docx (12.4 Kb)  
Voir 7 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com