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"Guerre", Voltaire.

Fiche de lecture : "Guerre", Voltaire.. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  19 Mai 2015  •  Fiche de lecture  •  1 890 Mots (8 Pages)  •  1 233 Vues

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Introduction

Les philosophes des Lumières ont mené leur combat contre tout ce qui peut s'opposer au progrès et au bonheur des hommes en portant atteinte à leur liberté physique, intellectuelle , ou morale. En 1764, Voltaire préfère aux lourds volumes de l'Encyclopédie le format du Dictionnaire philosophique portatif, une arme plus adaptée aux besoins du lecteur pressé. L'article Guerre qui s'inscrit dans le combat des Lumières, à la fois par les moyens très « personnels » utilisés par Voltaire pour convaincre son lecteur et par les cibles de ses attaques. C'est un vrai conte philosophique qui n'est pas sans rappeler le chapitre 3 de Candide et où derrière la fantaisie du récit, l'humour et l'ironie, le lecteur n'aura pas de peine à comprendre les condamnations du philosophe des Lumières.

Lecture

Voltaire, « Guerre », Dictionnaire philosophique, 1764.

Un généalogiste prouve à un prince qu'il descend en droite ligne d'un comte dont les parents avaient fait un pacte de famille, il y a trois ou quatre cents ans avec une maison dont la mémoire même ne subsiste plus. Cette maison avait des prétentions éloignées sur une province dont le dernier possesseur est mort d'apoplexie : le prince et son conseil concluent sans difficulté que cette province lui appartient de droit divin. Cette province, qui est à quelques centaines de lieues de lui, a beau protester qu'elle ne le connaît pas, qu'elle n'a nulle envie d'être gouvernée par lui ; que, pour donner des lois aux gens, il faut au moins avoir leur consentement : ces discours ne parviennent pas seulement aux oreilles du prince, dont le droit est incontestable. Il trouve incontinent un grand nombre d'hommes qui n'ont rien à perdre ; il les habille d'un gros drap bleu à cent dix sous l'aune, borde leurs chapeaux avec du gros fil blanc, les fait tourner à droite et à gauche et marche à la gloire.

Les autres princes qui entendent parler de cette équipée y prennent part, chacun selon son pouvoir, et couvrent une petite étendue de pays de plus de meurtriers mercenaires que Gengis Khan, Tamerlan, Bajazet n'en traînèrent à leur suite.

Des peuples assez éloignés entendent dire qu'on va se battre, et qu'il y a cinq à six sous par jour à gagner pour eux s'ils veulent être de la partie : ils se divisent aussitôt en deux bandes comme des moissonneurs, et vont vendre leurs services à quiconque veut les employer.

Ces multitudes s'acharnent les unes contre les autres, non seulement sans avoir aucun intérêt au procès, mais sans savoir même de quoi il s'agit.

Il se trouve à la fois cinq ou six puissances belligérantes, tantôt trois contre trois, tantôt deux contre quatre, tantôt une contre cinq, se détestant toutes également les unes les autres, s'unissant et s'attaquant tour à tour ; toutes d'accord en seul point, celui de faire tout le mal possible.

Le merveilleux de cette entreprise infernale, c'est que chaque chef des meurtriers fait bénir ses drapeaux et invoque Dieu solennellement avant d'aller exterminer son prochain.

Etude

1. La fantaisie et l'ironie d'un conte philosophique

1.1. Les éléments obligés d'un conte

Cette ouverture de l'article Guerre peut se lire au premier degré comme un conte.

Tout commence, comme Candide, dans la fine fleur de l'aristocratie parmi « princes » et « comte ». Les héros, les lieux, l'époque ne sont guère précisés … (« un généalogiste », « un prince », « une maison », « une province » ) : un titre mais pas de nom ! il ne serait pourtant pas difficile, au hasard des livres d'histoire, de lui trouver de proches parents bien réels !. L'action ne démarre pas immédiatement, le temps– fort bref – pour le Prince de se laisser facilement convaincre par « un généalogiste » et de solliciter l'avis complaisant du « conseil », sans écouter les principaux intéressés, les habitants de « cette province » que le Prince s'apprête à annexer. L'affaire alors s'emballe « incontinent » jusqu'à l'embrasement de toute une région.

La composition même du récit – un émiettement de brefs paragraphes juxtaposés sans le moindre connecteur logique- reproduit cet engrenage qui, à partir d'une anecdote banale, aboutit à un déchaînement de violence « infernale ».

1.2. Le recours à l'ironie

Parler avec sérieux de ce qui est dérisoire et avec légèreté de ce qui est grave, dire le contraire de ce qu'on pense pour faire comprendre son véritable point de vue, voilà la marque de l'ironie voltairienne : c'est ainsi que Voltaire transforme les situations, les choses et les êtres.

1.2.1. Approximations et périphrases

Dès les premières lignes, Voltaire dénonce ironiquement l'absurdité – ou la fausseté – des prétentions de ce prince sur « cette province ».Les affirmations catégoriques du généalogiste ( « prouve », « en droite ligne » ) se perdent progressivement dans des niveaux de parenté de plus en plus « éloignés », la disparition bien commode de tout témoin digne de foi, les dates approximatives (« trois ou quatre cents ans ») et l'éloignement dans l'espace ( « quelques centaines de lieues »).

Les périphrases permettent ce déguisement transparent de la réalité : les « mercenaires » recrutés par le Prince deviennent des « hommes qui n'ont rien à perdre », leur uniforme « un gros drap bleu […] aune » et leur entraînement consiste en une parade de pantins qui mécaniquement, tournent « à droite à gauche ». On ne parle pas ici de « guerre », ou d'« armée ». Il s'agit d'une rumeur ( « entendent parler », « entendent dire ») qui, comme une maladie contagieuse, se propage de bouche à oreille, du « généalogiste » au « prince », puis à d' «

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