Extrait d'une histoire

La neige tombait lentement, ses flocons s’écrasant sans bruit sur l’épaisse couche qui recouvrait déjà le sol. Le silence de la forêt et ses arbres denses donnaient à la scène une ambiance pesante, que ressentait le garçon qui la traversait.

Mais il avait tant d’autres choses à penser. D’ici un ou deux jours, sa mère aurait déjà accouché et il aurait un petit frère ou une petite sœur bien qu’il priait pour une petite sœur. Quant au type louche qui l’avait mis enceinte il n’avait pas vraiment envie d’y penser quoique toutes les dernières fréquentations de sa mère lui revenaient en tête. Enora occupait elle aussi une bonne part dans son esprit, embrouillé par la neige qui tombait à présent drue, mais pas seulement.

« Qu’est ce qu’on se les caille ! » chuchota t-il au fur et à mesure de ses enjambées. Pensif, il ressassait l’histoire de sa mère, et tous les mystères de sa famille. La famille Sheywa avait en effet une mystérieuse histoire, qu’à ce moment il n’avait pas envie de développer dans son esprit. Plongé dans ses pensées, il ne se rendit pas compte qu’on le suivait. C’est seulement lorsqu’il entendit un craquement sourd à quelques mètres de lui qu’il se retourna, sur ses gardes, pour découvrir avec effroi quelque chose qui n’était pas pour lui plaire.

Une horde d’hommes, moitié loups moitié hommes, le regardaient d’un air vide, leurs vêtements déchirés ne couvrant que le strict nécessaire. Il se demanda si sa copine Ilia ne se serait pas plutôt réjouit du spectacle.

Il décida de faire fasse, prit une voix rauque, calmant les frissons qui lui parcouraient l’échine, non par peur mais car les semi-loups ne portaient pas de chaussures dans la neige et dit :

« - Eh les gars. Qu’est ce que vous voulez ? »

« - T’inquiètes pas mec, Fit le plus grand, on est pas là pour te régler ton compte. Enfin pas aujourd’hui, même si j’ai la dalle. C’est Elle qui nous envoie. »

« - Ouais, fit le garçon en grognant, je m’en doute un peu. Toujours aussi soumis les chiens-chiens ? C’est pas vous, avec votre masse de muscle et votre corps grouillant de testostérone qui êtes censés porter la culotte ?

« - Ta gueule, Eka. Et fais attention à tes arrières, de toute manière on les surveillera quand même. »

Tandis qu’ils s’éloignaient leurs corps se transformaient en loups, et ils partirent en courant.

« - Ouais c’est ça, et moi je surveille le tien sale loup puant ! » cria-t-il bien que les autres soient trop loin pour l’entendre.

Le silence se réinstalla et les derniers bruits furent ceux des lourdes pattes martelant la neige.

Eka accéléra encore.

La famine qui accablerait bientôt le village ne devait nuire ni à sa mère ni à sa future petite sœur et bien que la faim le taraudait et qu’il lui aurait plus d’être lui aussi un loup pour chasser et manger cru n’importe quoi, il devait ramener de la vraie nourriture à sa famille d’abord.

Il savait aussi que la faim pouvait corrompre les plus honnêtes et il ne devait faire confiance qu’à lui même. Même les loups avaient plus de mal à chasser car les animaux de la forêt

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